-
Douglas Siler (24/3/2008)
Courriel adressé à Gabriel Badea-Päun: Ayant lu avec beaucoup d’intérêt, sur le site de La Tribune de l’Art, votre étude sur la chapelle Bibesco-Brancovan par l’architecte Antoine-Martin Garnaud, je prends la liberté de vous signaler une étude que j'ai consacrée à un autre monument funéraire dû à ce même architecte, à savoir le tombeau du sculpteur Pradier, que vous pouvez lire sur le Forum Pradier en cliquant ici.
-
Gabriel Badea-Päun (Paris, 24/3/2008)
Je vous remercie pour cette très interessante étude que je me suis permis d'énvoyer aussi à la documentaliste d'architecture du Musée d'Orsay, Mme Isabelle Lotrel, pour qu'elle l'imprime pour le dossier Garnaud de la Documentation du Musée d'Orsay, ainsi qu'à Mme Claire Guigordzé qui s'occupe du monument du roi de Hollande de l'église de Saint-Leu-la-Forêt. Je me permets de vous signaler à mon tour
mon dernier livre paru en novembre 2007 chez Citadelles et Mazenod : Portraits de société. XIXe XXe siècles.
-
Christophe Del Nin (Suisse, 3/5/2008)
Je travaille sur le Père-Lachaise depuis de nombreuses années et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les articles de votre site.
Je vous signale que l'histoire du monument du sculpteur est également longuement relatée dans l'excellent ouvrage d'Antoinette Le Normand-Romain Mémoire de Marbre. Je travaille actuellement sur Jean-Pierre-Joseph d'Arcet de la 34ème division, dont le buste est une œuvre de Pradier, et qui repose auprès de sa soeur, épouse de James Pradier. Dans ce caveau de la 34ème division, nous trouvons également Jules Pradier (1871-1886), probablement un petit-fils du sculpteur. Avez-vous des renseignements au sujet de Louise Pradier (photos; anecdotes) ?
J'ai travaillé sur le monument de James Pradier le 2 septembre 2005; et à cette époque, je n'avais hélas pas connaissance des précieuses sources trouvées sur votre site. Sur la base de mes recherches j'avais néanmoins rédigé cette description:
-
|
L’histoire mouvementée du monument funéraire du grand statuaire James Pradier mérite que nous nous y attardions quelques instants. De prime abord, s’inspirant de ce qui avait été fait pour Cartellier vingt ans plus tôt, Antoine Étex qui fut le premier élève de Pradier proposa spontanément de placer une reproduction en fonte de la Sapho la dernière et majestueuse œuvre de Pradier exposée au Musée d’Orsay sur un piédestal orné d’une frise offrant une vue des principales œuvres du maître défunt, et de figures allégoriques évoquant ses qualités. Mais Eugène Louis Lesquesne qui était lui, le dernier élève de Pradier, entretenait de bien meilleures relations avec la famille du défunt, et parvint de ce fait à imposer son projet, au demeurant nettement moins raffiné que celui d’Etex, qui marque encore aujourd’hui l’emplacement de la dernière demeure de James Pradier.
La structure de la sépulture de James Pradier est l’œuvre de l’architecte Antoine Martin Garnaud. Elle est composée d’un vaste sarcophage dominé par une stèle démesurément élevée et au sommet de laquelle une large cavité ovale reçoit le buste de l’artiste dû aux ciseaux de Lesquesne lui-même. A mi-hauteur, un bas-relief en marbre nous restituant les traits de la célèbre Sapho est l’œuvre de Pierre Charles Simart. En dessous de Sapho, une succession de petits reliefs en marbre nous permet d’épouser d’un seul regard les principales créations de James Pradier. On compte Cyparisse d’Hippolyte Ferrat dont l’original, que Pradier avait représenté au Salon de 1833, a été détruit; Niobide blessé par Jacques Léonard Maillet; Psyché par Eugène Guillaume; Nyssia par Augustin Courtet; La Poésie légère par Félix Roubaud, Pélion par François Clément Moreau et enfin, Phryné par le virtuose Antoine Étex qui, pour l’occasion, fut relégué à l’exécution de l’ornement le plus modeste du monument dédié à la mémoire posthume de son maître vénéré. Le monument de James Pradier, né d’une souscription, fut inauguré en 1857 [...]
|
|
-
Douglas Siler (20/5/2008)
Louise Pradier, née d’Arcet, est bien la fille et non la sœur de Jean-Pierre-Joseph d’Arcet. Sur elle il faudrait surtout consulter mon édition de la Correspondance de James Pradier (Librairie Droz, Genève, 3 vols. parus et deux en préparation). Elle y tient une place très importante. Vous trouverez d’autres informations utiles sur elle dans le catalogue de l’exposition Pradier, Statues de chair, présentée à Genève et à Paris en 1985-1986. Il y a aussi les fameux Mémoires de Madame Ludovica que j’ai publiés il y a bien des années aux éditions des Lettres Modernes (Minard). Rédigés par l’amie et confidente de Louise Pradier, Mme Louise Boyé, ils racontent les aventures amoureuses et les déboires financiers qui ont marqué ses onze années de mariage avec Pradier. Flaubert s’est servi de ce récit pour la rédaction de Madame Bovary.
Le buste en bronze de J.-P.-J. d’Arcet au Père-Lachaise est une réplique du buste en marbre commandé à Pradier en 1845 pour l’Institut. Pradier a également exécuté une statuette-portrait en bronze de d'Arcet, exposée au Salon de 1835. Celle-ci est reproduite et commentée dans Statues de chair.
Le Jules Pradier inhumé au caveau d’Arcet est l'un des fils de John Pradier (1836-1912) qui était, lui, le fils unique du sculpteur et de Louise d'Arcet. Jules est donc le petit-fils de James Pradier ainsi que, par sa grande-mère Louise, l’arrière-petit-fils de J.-P.-J. d’Arcet. John a eu deux autres fils, James-Louis-Francis (1869-1901) et James-Ludovic-Carle, dite Carlo (1877-1936), tous deux inhumés au caveau Pradier. Seul Carlo a une descendance. En fait, une annexe à la fin de mon étude sur le tombeau de Pradier donne une liste des membres de la famille Pradier et de leurs alliés qui sont enterrés au Père-Lachaise, ainsi qu’une liste (non exhaustive) de ceux qui sont enterrés ailleurs.
Merci de m’avoir rappelé l’ouvrage d’Antoinette Le Norman-Romain. Je connaissais son existence mais je ne l’ai pas encore lu. Merci aussi pour votre intéressant texte sur le monument Pradier. Je me permets de vous signaler qu’Eugène Lequesne, prix de Rome en 1844, n’était certainement pas le dernier élève de Pradier, bien d’autres l’ont suivi jusqu’à la mort du sculpteur en 1852. A noter aussi que, sauf erreur de ma part, le monument n’a pas bénéficié d’une souscription. Si l’on excepte le don par l’État de 6.000 francs pour l’achat du marbre, il a été entièrement financé par la succession du sculpteur.
-
Maria Abramova (Lviv, Ukraine, 21/11/2017)
Je viens de l’Ukraine et je suis traductrice. Je me permets de vous écrire afin de vous poser une question à propos d’une petite phrase dans le roman de Jules Verne que je suis en train de traduire. Le titre du roman est Paris au XXe siècle. Verne y décrit la capitale française telle qu'il imagine qu'elle sera dans un siècle. Alors il y a un épisode où le personnage principal se promène dans le cimetière du Père-Lachaise et regarde les tombes tombées en désuétude, car personne ne s’occupe plus de leur restauration. Il passe devant celle de Pradier, « dont la Mélancolie de marbre tombait en poussière ». D’après ce que je comprends, il s’agit bien de l’une des œuvres de Pradier, mais de laquelle exactement? Je me suis donc décidée à m’adresser à vous dans l'espoir que vous pourrez me confirmer que sur le tombeau de cet artiste se trouvait ou se trouve encore aujourd'hui une certaine image de « la Mélancolie » comme représentation de l’une de ses œuvres.
-
Douglas Siler (26/11/2017)
Le tombeau de Pradier existe toujours, certes, mais à part le buste du sculpteur il ne comporte comme décoration que des petits bas-reliefs exécutés sur des plaques de marbre par ses élèves d'après quelques-unes de ses principales œuvres. Vous en trouverez de nombreuses images dans l'étude que j'y ai consacrée il y a quelques années (pour l'ouvrir, cliquer ici). Jules Verne songeait-il au bas-relief représentant la Sapho assise de Pradier, en associant cette statue à la célèbre gravure de la Mélancolia d'Albrecht Dürer? J'en doute car un bas-relief ne tombe pas facilement «en poussière», même au bout d'un siècle, et quand même ce serait, pourquoi aurait-il évoqué uniquement celui-là alors qu'il y en a huit? Il faudrait donc chercher l'explication ailleurs. Or, comme vous le verrez en lisant mon étude, ces bas-reliefs ne semblent avoir été mis en place qu'après 1857, à une date qui n'a pas encore été déterminée. Il est donc possible que Verne ait vu le tombeau sans bas-reliefs et qu'au moment d'écrire son roman en 1860 ou en 1862 (je trouve ces deux dates sur internet) il ait pensé qu'on y avait installé une réplique de la Sapho assise comme prévu dans le projet exposé au Salon de 1853, l'année après la mort de Pradier, par Antoine Étex, un ancien élève du sculpteur (voir la gravure de ce projet reproduite dans mon étude). Mais si c'est le cas, il faut supposer qu'il ignorait ou qu'il avait oublié le titre de cette statue, pourtant bien connue à l'époque, ou qu'il a préféré lui donner un titre fictif plus explicitement en rapport avec l'ambiance de tristesse qu'il voulait évoquer. Il est toujours possible, bien entendu, qu'il n'ait jamais vu le tombeau, achevé ou inachevé, ou qu'il l'ait confondu avec un autre. En tout cas, Pradier n'a donné le titre Mélancolie à aucune de ses statues. Des réductions de Nemausa, une des cinq statues assises qu'il a exécutées pour la fontaine de l'Esplanade à Nîmes, ont été commercialisées sous le nom de « Mélancolie des eaux » mais il est peu probable que Verne, s'il l'a connue, ait pu associer cette œuvre à son tombeau.
Puis-je vous demander vers quelle langue et pour quel édtieur vous traduisez le roman de Jules Verne?
-
Maria Abramova (1/12/2017)
Merci beaucoup de votre réponse détaillée! A partir de tout ce que vous m'avez expliqué, je crois qu'il ne nous reste plus qu'à essayer de deviner ce qui se passait dans la tête de Jules Verne quand a décidé d'écrire cette ligne curieuse... La question est d'autant plus diffiicile qu'on ne connait pas vraiment la date exacte de la composition de ce roman. Oui, sur Internet on trouve soit 1860, soit 1862, comme vous l'avez dit, mais des verniens connus, comme, par exemple, Piero Gondolo della Riva, qui a retrouvé le manuscrit perdu, affirment que Verne a écrit cette œuvre à l'âge de 22 ans, donc en 1850 puisqu'il est né en 1828. Dans ce cas-là, il n'aurait pas pu être au courant du projet de tombeau présenté par Étex au Salon de 1853. Je penche donc plûtot pour votre dernière hypothèse selon laquelle il a peut-être donné à la statue un titre fictif, ayant oublié le vrai titre du bas-relief (Sapho), à plus forte raison que ce titre fictif correspondait très bien à l'atmosphère générale du roman qui est en effet morne et très pessimiste...
Encore une petite remarque: Jules Verne a inventé tant de choses dans ce roman. Il écrit, par exemple, que tel écrivain ou tel critique est mort en duel alors que la personne dont il s'agit est morte dans des circonstances tout à fait différentes et beaucoup plus tardivement alors qu'il était, lui, plus âgé, le manuscrit pouvant être daté avec certitude d'entre 1850 et 1863. Pour l'instant je ne sais pas ce que je vais faire. Soit je laisserai cette phrase sans commentaire (je ne crois pas que nos lecteurs ukrainiens soient de grands spécialistes de l'œuvre de Pradier!), soit j'écrirai quelques mots d'explication. Si j'écris un petit commentaire, puis-je citer votre nom en indiquant soit votre métier soit tout simplement que vous êtes « un grand spécialiste de Pradier »? Enfin, pour répondre à votre question, je traduis ce roman vers la langue ukrainienne pour l'un des plus grands éditeurs de l'Ukraine, les « Éditions Zhupanskiy » (https://publisher.in.ua).
-
Douglas Siler (3/12/2017)
Ce qui pose surtout problème dans cette histoire, c'est la date du roman. Si Verne l'a écrit en 1850, il a dû anticiper de deux ans sur la mort de Pradier, survenue le 4 juin 1852! Mais écrivant après cette date il a pu connaître sa Sapho, exposée au Salon de 1852 et drapée, après sa mort, d'un voile noir, ainsi que, au Salon suivant, le projet d'Étex comportant une réplique de cette statue. De là il n'y a qu'un pas à imaginer que, ayant vu la tombe inachevée au Père-Lachaise (voir dans mon étude la gravure publiée en 1857 qui la montre sans ornements), il a supposé que la réplique y serait bientôt placée, tout en ayant oublié le titre de la statue. Je serais plus enclin à donner ma préférence à cette hypothèse au lieu de penser qu'il a vu la tombe plus tard avec les bas-reliefs en place, y compris celui qui représente la Sapho, car l'image d'une sculpture « tombant en poussière » évoque davantage une statue qu'un bas-relief d'autant plus que, comme je l'ai déjà mentionné, il y en a sept alors que la phrase de Verne se rapporte à une seule œuvre.
Je lis dans l'article Wikipedia sur Paris au XXe siècle que Verne a proposé son roman à l'éditeur Hetzel entre 1863 et mars 1864. Ne l'aurait-il pas écrit à une date proche de cette soumission et non plusieurs années plus tôt? A ce propos, il est curieux de voir que Hetzel était installé au 2, rue de la Paix, et que Louise Pradier, la femme du sculpteur, légalement séparée depuis 1845, a habité cette même adresse de 1848 à 1860 environ. Qui sait? Jules Verne aurait-il fait connaissance avec elle en la croisant dans les escaliers de l'immeuble?
Si vous me citez dans votre traduction, merci de mentionner que je suis éditeur de la Correspondance de James Pradier (Librairie Droz, Genève, 3 vol. parus, 3 en préparation) et webmaster du Forum Pradier (www.jamespradier.com).
-
Participer à cette discussion :
→ Pour participer à cette discussion,
cliquez ici
-
A lire aussi :
→ Étude:
Le tombeau de Pradier au cimetière du Père-Lachaise par Douglas Siler
|