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Désirée Habert (Paris, 26/6/2013)
Je viens de mettre en ligne sur Wikipedia une biographie de mon ancêtre, Auguste-François Michaut. J'ai également un site en construction sur « Google sites », plus détaillé avec des documents personnels (lettres, photos...). Il m’a semblé que son parcours était peu connu et pouvait intéresser les graveurs, les numismates.
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Dans votre étude Une médaille Louis-Philippe 1830 inconnue,
vous aviez raison, la médaille de l’« Avènement de Louis Philippe » a été exécutée avec James Pradier dont il était condisciple aux Beaux-Arts; j'ai retrouvé l’annonce dans plusieurs journaux de l’époque.
En gagnant jeune le concours pour le système monétaire de Louis XVIII, Michaut a connu une grande renommée qui lui a valu d'être engagé aux Pays-Bas (graveur des monnaies et médailleur) puis d'être choisi pour celui de Charles X. Mais il a arrêté la gravure vers 1830 suite à des brûlures aux mains occasionnées par un incendie dans son appartement parisien (relaté par les journaux de l'époque et par lui-même dans des notes manuscrites)
mais a repris la sculpture (statue de l'Abbé de l'Épée à Versailles).
Il avait rédigé de sa propre main plusieurs notices ou brouillons de notices pour présenter son travail dont je me suis inspirée. Je possède un brouillon de lettre de sa main où il répond à une demande de « son illustre camarade d’atelier » (Pradier) concernant son avis pour une médaille en hommage à Jean-Jacques Rousseau; ne pouvant plus graver, il lui recommande Bovy (document en ligne sur mon site Google).
Son fils a rédigé plusieurs poèmes dont l'éloge en vers à James Pradier que vous citez dans votre étude sur la médaille Louis-Philippe et dont j'ai plusieurs brochures.
C'est bien l'écriture et la signature de Michaut qui figurent sur les dessins reproduits dans votre étude Une esquisse pour la statue de Kléber à Strasbourg.
Je ne connais rien aux pièces et médailles et serais heureuse si vous pouviez me donner des conseils en cette matière.
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Douglas Siler (14/7/2013)
Je suis ravi que ma petite étude rédigée il y a dix ans sur la médaille gravée par votre ancêtre avec le concours de Pradier vous a amenée à prendre contact avec moi et c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai parcouru les documents et la biographie très fouillée que vous avez eu l'heureuse initiative de diffuser sur internet. J'ai été particulièrement content de découvrir sur Gallica l'article paru le 11 août 1830 dans le Journal des débats politiques et littéraires que vous signalez dans une note. Je me permets de le citer ici car il apporte un éclairage nouveau sur l'histoire de la médaille:
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M. Michaut, graveur des deux dernières monnaies, et M. Pradier, de l'Institut, ont improvisé une médaille dont l'idée est tout à fait en rapport avec le besoin actuel de tous les Français. Au milieu d'enseignes, emblêmes des partis, s'élève le buste de Philippe d'Orléans. On lit autour: Par patriotisme acceptant la couronne, il déjoue les partis
Le revers offre une couronne civique, et ces mots: Désormais, la Charte sera une vérité.
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Les deux artistes ont donc conçu et exécuté cette pièce ensemble, quelques jours seulement après les Trois Glorieuses et l'abdication de Charles X. A remarquer par parenthèse qu'à moins de se référer à un dessin préparatoire ou à une version préliminaire de la médaille, l'auteur de cet article était mal renseigné quant à la teneur exacte de l'inscription gravée sur l'avers. L'œuvre définitive (reproduite ci-dessous) porte plutôt celle-ci: « L. P. D'ORLÉANS ACCEPTANT LA COURONNE RÉUNIT LES PARTIS. » Au revers on trouve bien l'inscription « DÉSORMAIS LA CHARTE SERA UNE VÉRITÉ », entourée des inscriptions « LIBERTÉ ORDRE PUBLIC » et « DÉDIÉE AUX GARDES NATIONALES DE FRANCE ».
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Vous signalez également l'annonce que voici, publiée le 12 septembre 1830 dans ce même journal:
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La médaille de MM. Michaut et Pradier, membre de l'Institut,
vient de paraître. Le général Lafayette a accepté la dédicace que les
auteurs en ont fait à la garde nationale, et a souscrit pour un grand
nombre d'épreuves. Cette médaille représente le buste du Roi des
Français, posé sur la Charte du 9 août 1830. Le revers offre au milieu ces mots mémorables: Désormais la Charte sera une vérité, et
porte en légende la devise de la garde nationale: Liberté, Ordre public.
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Grâce à cette annonce nous savons maintenant que la médaille a été frappée un mois seulement après avoir été « improvisée » et qu'elle a été soumise à l'approbation de Lafayette, qui en a commandé des épreuves.
Dans votre biographie de Michaut, vous mentionnez qu'il a voulu concourir à l'effigie de Louis-Philippe sur les monnaies en 1830 mais que le roi ne lui a pas accordé la séance particulière qu'il lui avait fait demander. Ceci vient conforter mon hypothèse selon laquelle l'effigie sur la médaille reproduit le buste de Louis-Philippe commencé par Pradier dès le 6 août 1830, sans séance de pose, la veille de son ascension au trône (cf. la Correspondance de Pradier, t. I, p. 216).
Il est piquant de voir qu'après cet échec Michaut s'est proposé au poste de conservateur à la monnaie des médailles, puis à celui d'inspecteur-vérificateur des coins devant servir à frapper les monnaies. Si sa candidature avait été retenue, il aurait eu pour collègue Jean-Pierre-Joseph d'Arcet, directeur des essais à la Monnaie, dont la fille aînée, Louise, devait épouser Pradier en 1833.
J'ai été très content aussi de trouver sur votre site Google la médaille dont l'avers porte un profil de Louis XVIIIl signé Andrieu et le revers une image, signée Michaut, du Monument du duc de Berry commandé à Pradier en 1821 pour la cathédrale Saint-Louis de Versailles.
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Je savais que cette médaille existait Claude Lapaire la décrit dans son catalogue raisonné de Pradier mais je n'en avais jamais vu de reproduction. Pour la gravure du monument, Michaut a suivi de près la lithographie que Pradier en avait dessinée à la fin de 1822 d'après l'œuvre terminée (cf. Statues de chair, p. 371). A rappeler que Pradier a exécuté aussi, pour l'église abbatiale de Saint-Germain à Auxerre, un bas-relief sur le même thème, achevé en 1826.
Dans votre biographie de Michaut, vous citez aussi, sans la reproduire, une « Médaille Commémorative du duc de Bordeaux d'après le monument de Pradier », et vous renvoyez en note à un inventaire de documents relatifs aux artistes ayant travaillé pour la Monnaie dans lequel on trouve, sous Michaut (A.F.), la mention suivante: « Commande d'une médaille dédiée au duc de Bordeaux (1820) [copies de pièces
originales conservées aux Archives nationales, 03/1464]. » Il y a là, je crois, confusion avec le Monument du duc de Berry car Pradier n'a pas fait de monument au duc de Bordeaux, fils posthume du duc de Berry, né en 1825 et non en 1820.
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Désirée Habert (27/3/2014)
J'ai beaucoup avancé dans l’étude des manuscrits de Michaut qui y parle de son amitié avec Pradier (voir ci-après). Mais cette étude me permets de faire une autre interprétation des croquis qui pourraient être ceux d’une esquisse d’une statue de Kléber.
Dans votre étude Une esquisse pour la statue de Kléber à Strasbourg, vous indiquez:
« Le médailleur Michaut ou son fils, tous deux amis de Pradier, aurait donc offert cette feuille à un ami ou à un parent après l'avoir reçue du sculpteur. » Mais, je vous propose une autre interprétation.
En effet, l’écriture des deux lignes au-dessus des croquis est tout à fait celle de Michaut et comme Pradier semble lui avoir demandé plusieurs fois son avis à propos d'autres travaux, cela pourrait être un dessin proposé à Pradier par Michaut. Ainsi donc les mots
« Ne pouvant te suivre » signifieraient qu'à cette époque il ne pouvait faire de la statuaire, et les mots
« Ton talent l’embellira » que Pradier en ferait un meilleur dessin que lui! Je possède plusieurs petits croquis de ce style qui m’ont mis sur cette voie…
Sinon voici ce qu'Auguste François Michaut racontait à son fils de son amitié avec Pradier:
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[...] Lorsque les monnaies de Louis XVIII parurent à Rome, l'effigie du Roi, qu'il trouva bien, lui inspira le désir, lui dit-il, d'en faire un buste en marbre. De retour en France, ils se voyaient souvent à l'atelier; presque toutes les belles ou gracieuses œuvres qu'il a laissées ont été créées, faites sous ses yeux.
Pradier était un homme du monde par sa femme qui aimait beaucoup trop le monde... Le résultat pécunière de ses grands travaux fournissait aux dépenses que nécessite ce goût! Des soirées, des bals costumés, artistiques, plus de 400 invités!
Pradier regrettait de ne pouvoir obtenir de son plus ancien camarade qu'il y assiste. Il y parut une fois.
Avec bonheur, Michaut aimait évoquer la confiance qu'avait Pradier dans son jugement, ses conseils sur son travail et aussi sa facilité prodigieuse...
Né musicien comme il était né statuaire, il jouait de la flûte et accompagnait sa voix grave, agréable, avec la guitare. Il restait peu en place, ni s'occupant [longtemps] du même objet. Il aimait le soleil et le prenait volontiers à la porte de l'atelier. [...]
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Pradier lui avait offert une canne en buis, taillé par lui-même dans les collines de Rome et gravée d'une dédicace « PRADIER à MICHAUT » et d'un sigle (les initiales JP enlacées?), ainsi qu’un secrétaire, une pendule Sapho et des flambeaux! A l'exception du secrétaire, nous conservons encore ces objets.
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Douglas Siler (2/4/2014)
Merci de ces nouvelles informations. L’interprétation que vous proposez de l’inscription rédigée par Michaut sur la feuille de dessins attribués à Pradier me semble plausible, à condition cependant d’accepter que les dessins sur l’autre côté représentant des femmes couchées et un satyre aient été ajoutés plus tard par Pradier. Je me demande toutefois pourquoi Pradier lui aurait demandé des idées pour l’exécution d’une statue de Kléber. Michaut aurait-il eu l’intention de graver une médaille commémorative dédicacée à ce même général?
En ce qui concerne ses souvenirs de Pradier, certains détails sont sujets à caution. Il est peu probable que Pradier ait créé « sous ses yeux » presque toutes les œuvres qu'il a laissées. Il en a fait beaucoup! Et des soirées avec plus de 400 invités? Son appartement du quai Voltaire ne pouvait guère en accommoder autant!
Mais je me demande pourquoi, à une exception près, semble-t-il, Michaut n'a jamais voulu participer à ces soirées.
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Désirée Habert (5/4/2014)
Le texte que je vous ai cité est extrait d’un livret de « souvenirs » écrit de la main du fils de
Michaut, Auguste Victor, et dicté par son père.
Auguste Victor se prenait pour un homme de lettres et son récit a peut-être enjolivé ce que
lui disait son père. Il reflète néanmoins l’opinion de son père, la façon dont il voyait Pradier. Ils se sont surtout fréquentés jeunes aux Beaux-Arts; ils y étaient à la même époque et avaient certains professeurs en commun: Lemot, Gérard… Michaut entre aux Beaux-Arts vers 1804 et commence par faire de la sculpture jusqu'en 1809 où il concourt au prix de Rome. Malade de la poitrine comme on disait à l 'époque, il abandonne et se tourne vers la gravure en médailles. Lemot a ses ateliers aux Quatre-Nations (futur Institut de France), en face du Pont des Arts. Ses élèves sont Jean Schey (sculpteur 1791-1843), Antoine Sébille (médailleur 1791-?), Michaut, James Pradier. L'amitié entre Michaut et Pradier est donc une amitié de jeunesse.
Quand Michaut parle des travaux de Pradier créées sous ses yeux, je pense qu’il s'agit de la période où ils étaient élèves de Lemot et donc de l’atelier de Lemot. Quant à savoir pourquoi il n'a pas voulu participer aux soirées chez Pradier, il semble plutôt être quelqu’un de réservé. N'aimant pas les honneurs, il en refusera beaucoup, Son grand-père était
janséniste, pas de recommandation pour son fils auprès de Cogniet quand il entre aux Beaux-Arts. Il
était assez « psychorigide », dirait-on aujourd’hui.
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Douglas Siler (6/4/2014)
A propos des premières études de Michaut, avez-vous consulté les procès-verbaux de l’Académie des Beaux-Arts? On y trouve beaucoup de renseignements utiles sur la participation des élèves aux concours de l’école.
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Désirée Habert (6/4/2014)
Oui, je les ai consultés
mais dans le livret des souvenirs il y a les explications.
Premier concours.
A 25 ans, le 13 juin 1812, Michaut remporte le second prix dit « de Rome » du concours de gravure en médailles de l’Académie des Beaux-Arts avec L'Hercule français, l’Académie ayant décidé de ne pas attribuer un premier prix. Décision curieuse dont une explication est fournie dans les livrets des souvenirs! En effet, l'usage était que les concurrents exposent au public leurs ouvrages durant une semaine à la fin de laquelle les membres de l’Institut se prononçaient: Michaut aurait eu le prix dans un premier temps. Mais il aurait été ensuite victime d’une rumeur colportée par Cartellier (orfèvre et sculpteur français de style néo-classique) prétendant qu’il n‘avait concouru en gravure plutôt qu’en sculpture que pour triompher plus facilement des autres concurrents et remporter le prix et la pension. Le jury serait alors revenu sur sa décision, n’avait pas accordé de premier prix et lui avait donné le second prix de Rome. Ce qui ne lui donnera pas le droit d'être pensionnaire de la Villa Médicis à Rome!
Deuxième concours.
L'année suivante il concourt à nouveau, mais le jury exprime curieusement le regret de ne pas avoir deux premiers prix à accorder. Michaut ayant déjà remporté un second prix, n’était susceptible que d’obtenir le premier! Le premier prix fut accordé à Henri-François Brandt pour Thésée relève la pierre sous laquelle son père avait caché ses armes. Alors cette fois-ci, quelles sont les intrigues qui ont aboutis à ce curieux résultat? Il raconte d'abord que David a aidé son élève Brandt en faisant composer par Rude un bas-relief en petite dimension pour l’introduire dans la salle du concours plus facilement! Malgré cette tricherie, le vote du jury donne Michaut et Brandt en ballotage. Mais ensuite, un membre du jury, Geoffroy, graveur en pierres fines, a de la rancœur contre Michaut: il ne pardonne pas à Michaut d’avoir fait inscrire comme élève pour qu’il participe au concours un « pauvre garçon qui voulait échapper à la circonscription et ne pas devenir soldat ». Il persuade alors l'architecte Percier, pourtant ami de Lemot, le professeur de Michaut, de ne pas voter pour Michaut. La classe de l’Institut se serait alors indignée de ces manœuvres et l'aurait exprimé dans le compte rendu final en regrettant de ne pas avoir un second prix à donner en faveur de Michaut!
Michaut gardera de toutes ces intrigues une aversion certaine pour tous les concours!
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Douglas Siler (6/4/2014)
Quel nœud de vipères, ces concours! Pradier en savait quelque chose aussi et les a évités autant que possible pendant toute sa carrière.
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Désirée Habert (6/4/2014)
Je vous envoie séparément les pages du livret de souvenirs où il est question de Pradier et dont j'ai cité plus haut un extrait. On y découvre que notre famille était alliée à Susse, qui avait épousé une cousine de Michaut!
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Douglas Siler (6/4/2014)
Merci infiniment pour ce précieux témoignage qui apporte des renseignements inédits et très intéressants sur Pradier. Pour compléter le résumé que vous en avez fait ci-dessus, je transcris ici, in extenso, les passages qui le concernent:
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4 mai 1855. Avant de clore ces souvenirs, l'élève de Mr Lemot, camarade de Pradier, ne peut s'empêcher de remonter au tems où dans un petit atelier que l'architecte des 4 Nations (Palais de l'Institut) avait laissé à leur disposition, ils fesaient [sic] en commun des études afin de se préparer aux concours pr le Prix de Rome... Tems heureux, tout rempli d'espérance! Il se souvient avec bonheur de la confiance qu'avait Pradier dans son jugement, ses conseils sur son travail; et aussi de sa facilité prodigieuse!... accablante.
Né musicien, comme il était né statuaire, il jouait de la flûte; il accompagnait sa voix grave, agréable, avec la guitare. Il restait peu en place ni [sic] s'occupant du même objet. Il aimait le soleil et allait le recevoir à la porte de l'atelier. Un modèle, jeune fille intelligente et à la voix belle, chantait avec lui; il lui fit comprendre les règles de la musique. Chérubini s'intéressa à elle et la fit entrer au conservatoire; 2 ans après elle recevait un ordre de début pr le gd Opéra!
Ils recevaient peu de monde dans cet atelier: Mr Lemot; Mr Gérard; le peintre Taunay; puis l'élève du graveur en taille douce frère de Pradier, Hypolite [sic] Prud'homme (fils du libraire dont le Journal avait pr épigraphe: Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux; levons-nous); Susse, qui avait épousé en pre noce sa cousine, [ajout marginal:] intelligente et vertueuse femme morte de la poitrine, après lui avoir donné 3 enfants [Jean-Louis-Victor, Jean-Baptiste-Amédée, Jean-Baptiste Eugène] qui lui succèdent. ... ye.[illisible]; et un jeune cousin Guillot (garçon sérieux), qu'un oncle avait fait élève du graveur en lettres Picquet, en dépit d'un conseil donné par son cousin Michaut qui, voyant en lui l'étoffe d'un célèbre graveur en taille douce, le voulait chez Urbain Massart.
[Note de Désirée Habert: « Il s'agit de Michel-Victor Susse qui avait épousé Marie-Françoise Oblin la cousine de Auguste-François Michaut (AFM). En fait, le père et l'oncle de AFM, tous deux fondeurs d'art, et un ami graveur Jean-Baptiste Oblin avaient épousé les trois filles d'un même marchand mercier nommé François Guillot, leurs enfants étaient donc cousins. AFM fréquentait donc son cousin par alliance Michel-Victor Susse. »]
Plâtres moulés sur l'antique, sur nature, avaient été apportés par les deux camarades. Pradier en partant pr Rome laissa ceux qui lui appartenaient; plus tard Michaut quittant la France pr la Hollande, les partagea entre leurs camarades, à la réserve d'une terre cuite, buste de l'Abbé Aubert poète fabuliste, modelé par le statuaire Houdon né à Versailles et dont l'exécution en marbre est dans l'un des musées du Louvre Salle Puget (la place de cette terre cuite serait d'être à côté du marbre). Peu de tems après son installation à l'académie de Rome, Pradier écrivait à son camarade sous l'influence de l'éblouissement artistique!!! Lorsque les monnaies de Louis XVIII parurent à Rome, l'effigie du Roi, qu'il trouva bien, lui inspira le désir lui dit-il d'en faire un buste en marbre, qui a été placé au Musée de Versailles.
De retour en France ils se voyaient souvent à l'atelier; presque toutes les belles ou gracieuses œuvres qu'il a laissées ont été créées, faites sous ses yeux.
Pradier était homme du monde... par sa femme, qui aimait beaucoup trop le monde. Le résultat pécunière de ses gds travaux fournissait aux dépenses que nécessitent ce goût! Des soirées, des bals costumés, artistiques... plus de 400 invités! [Ajout marginal:] voir la note à la fin du cahier 3ème page. Pradier regretait de ne pouvoir obtenir de son plus ancien camarade qu'il y assiste... Il y a paru une fois.
Depuis sa mort, il possède sa canne; buis qu'il avait coupé dans la campagne de Rome et qu'il préférait. Elle est la compagne muette (mais qui rappelle) de son vieux camarade dans ses promenades solitaires et dont elle assure et affermi[t] la marche.
Simon, frère de Pradier et son aîné de 10 ans et chez lequel il était a gravé sa meilleure taille-douce d'après le beau portrait du poëte Ducis peint par Gérard. H. Prud'homme était son élève; sa planche des Enfans d'Édouard d'après Delaroche le place sur la ligne de son Maître. Caractère doux, bon camarade mort avant Pradier.
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Ce texte est surtout intéressant en ce qu'il nous apprend sur l'atelier que partageaient Pradier et Michaut aux Quatre-Nations. Pradier en occupera d'autres dans cet édifice après 1830 mais on ignorait absolument qu'il y en a eu un pendant qu'il était encore élève de Lemot. Il est intéressant aussi de voir que dès cette époque il s'adonnait à la musique et que, grâce à Michaut, il a connu les frères Susse dont la papeterie, créée en 1804, se spécialisera plus tard en bronzes d'art et sera l'un de ses principaux fondeurs.
Concernant la pièce de monnaie au profil de Louis XVIII gravé par Michaut, Pradier a pu la voir, certes, avant son retour de Rome en 1819. Cependant, son buste du roi conservé au musée de Versaille est signé et daté « J. Pradier Rome 1824 » (cat. raisonné Claude Lapaire, n° 30). En fait donc, il l'a exécuté lors de son deuxième séjour à Rome, en 1823-1824. Selon une anecdote rapportée par son ami le pasteur genevois Jean-Pierre Gaberel, ce fut après avoir aperçu le roi à Ville-d'Avray qu'il en avait conçu le projet et qu'il fit un croquis de sa tête aux Tuileries, avant ce deuxième voyage (cf. la Corrspondance de Pradier, t. I, p. 66, note 6). Mais cela n'empêche que la monnaie de Michaut ait pu lui servir de modèle pour le profil du buste.
A propos des grandes réceptions données par Pradier et son épouse, un ajout au crayon dans la marge gauche du manuscrit renvoie à une « note à la fin du cahier 3ème page ». Je serais curieux de connaître le contenu de cette note, si vous pouviez la trouver. Par ailleurs, trouvez-vous dans vos archives la lettre enthousiaste que Pradier avait adressée à Michaut en arrivant à l'Académie de France à Rome en 1814?
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Désirée Habert (6/4/2014)
Non, pas de lettre de Pradier à Michaut dans ma famille. J'avais effectivement vu la note en question mais je n'ai rien trouvé dans ces livrets. Je continue à chercher!
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Douglas Siler (20/8/2015)
A la suite de ses souvenirs sur Pradier, Michaut en raconte un sur Michel-Victor Susse, son cousin par alliance. Il me semble utile d'en citer un extrait, compte tenu du rôle que la maison Susse jouera dans la diffusion des œuvres de Pradier.
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L'effet naturel d'un souvenir est d'en amener un autre et voici qu'au lieu de clore on se laisse aller doucement à tout son passé chaîne mêlée d'émotions diverses, mais attachante! au point qu'on oublie... de clore. Eh! comment s'y résoudre?... Dans la position horizontale que les suites d'une opération subie en 1857 [l']obligent à garder chaque matin, l'artiste trouve une compensation à cette nécessité dans la succession des souvenirs qu'il crayonne dans son lit.
Un souvenir à Susse homme intelligent, nature insouciante et molle; il rapportait tout à lui, n'étant susceptible d'amitié ni haine habitudes de marchand [?] qui n'allaient pas à son cousin [Michaut]; cependant ils se voyaient souvent. Un seul fait suffira pr justifier ce qui vient d'être dit.
Tout négociant en Hollande a dans l'endroit le plus ostensible de son bureau, fixée à la muraille, une épaisse et gde ardoise sur laquelle on écrit à la craie le millésime, le nom de l'année, le mois, le quantième de chaque jour. Rentré en France cet usage revint à l'esprit de l'artiste; il en dit un mot à son parent le papetier Susse, qui le pria de lui en faire un croquis, que vit son bon camarade Visconti. Ce dessin prit avec ses conseils un aspect et des détails qui donnèrent l'idée d'un joli Almanach assez ingénieux. L'année, le mois, le quantième et le jour de la semaine étaient gravés sur une roue placée derrière et dont l'axe qui le traversait saisi par le pouce et l'index la fesant [sic] tourner amenait devant chaque ouverture pratiquée à cet effet le millésime de l'année, le titre du mois, le nom du jour: le tout en carton. Cet objet utile, peu coûteux à établir, se fût beaucoup vendu... Mais la Maison Susse avait pr clients les banquiers Laffitte, Rothschild, etc. Il voulut en faire une objet de luxe et d'un haut prix... 200 fr. au lieu de 1 fr.
Bois de citron bordé de palissandre, emblèmes en bronze Mercure, Vigilance, Étude, décoraient le fronton de ce meuble, haut de 60 à 70 cent[imètres]. Il en espérait de gds bénéfices. Il voulut avoir un dessin achevé d'après lequel ébéniste et bronzier marcheraient. Visconti avait de trop beaux et gds travaux pr s'en occuper. Un dessinateur pr les fabricants de bronze Cavelier ancien camarade de l'artiste en fut chargé. Le mal est qu'il fait adopter à Susse un système différent du per et qui en diminuait la simplicité, l'agrément. Ce dessin fut remis à un ébéniste adroit et le cousin modela les ornemens, les fit fondre et ciseler et procura, pr les adapter à l'ébénisterie, un ancien ouvrier élève de son père. Mr Susse en commanda douze! dépense énorme, mais que l'espoir de vendre un haut prix semblait autoriser.
Il avait été dit que les bénéfices seraient partagés, selon l'usage consacré, entre inventeur et capitaliste. Cinq ou six furent vendus, le reste fit fond de magasin. L'artiste qui, en plus de l'idée avait fait les modèles et donné son tems à la confection de ce mémorial, pensait n'avoir qu'à déplorer l'ambition du marchand qui, dédaignant les petits bénéfices d'un mémorial en carton colorié, s'était perdu dans l'établissement du mémorial en ébénisterie et bronze de luxe. [...]
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Les descendants de Michaut ont conservé aussi le brouillon d'une note (reproduit dans la section Documents du site Google créé par Désirée Habert) dans lequel il donne des conseils à Pradier au sujet d'une médaille destinée aux souscripteurs de sa statue de Rousseau pour Genève. Voici ma transcription de ce document, sans tenir compte des mots barrés:
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Note demandée par Mr Pradier statuaire à son ancien camarade d'atelier, Mr Michaut, graveur des monnaies de France.
Vous voulez, mon illustre camarade, que je vous remette une note sur l'idée que m'a suggéré le désir de voir votre beau talent employé à reproduire l'admirable Rousseau. Mon désir est juste et tous les hommes de goût penseront avec moi que l'artiste si bien inspiré par la nature représentera dignemt son sublime interprête.
Voici mon idée. Je pense qu'on ajouterait beaucoup à l'intérêt de la souscription en fesant [sic] frapper une médaille en bronze, qui offrirait d'un côté l'effigie de J.J. Rousseau et de l'autre la copie de votre monument. Cette médaille, sur laquelle serait gravé le nom du souscript[eur], aurait l'avantage de laisser quelque chose pour l'argent donné, en même tems qu'elle ferait connaître cette œuvre de la reconnaiss[ance] à tous ceux des souscript[eurs] qui ne la verront peut-être jamais.
J'aurais bien du plaisir à me voir chargé de ce beau travail que vous désigneriez.
Je crois que si ce projet recevait l'approbation du comité, on devrait le mettre aussitôt à exécution parce que la médaille serait sensible au souscripteur en versant ses fonds [sic].
Mais il est utile que le comité connaisse quelle sera la dépense.
Chaque médaille en bronze sera du prix de 30 sols [?] frappée à la Monnaie Royale de Paris.
La matrice représentant votre monument coûtera mille francs. La gravure de la matrice et [de] l'effigie serait offerte à Mr Bovie [sic]. Je ne m'en chargerais qu'à son refus.
Nota ces médaille[s] frappée[s] chez Mr Bovie pourraient ne coûter que 1 fr[anc] au comité. Il [?] vous v' [mot ou paraphe illisible]
15 février 1829 Mons [?]
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La médaille en question sera effectivement confiée au médailleur genevois Antoine Bovy (1795-1877), élève et ami de Pradier, qui l'exposera au Salon de 1833 sous forme d'un plâtre de grande taillle. Elle reprend à l'avers, comme l'a proposé Michaut, le monument tel qu'il fut exécuté par Pradier. Mais le revers est occupé non par une effigie du philosophe mais par une couronne de lauriers entourant une inscription. Pour une reproduction et une description détaillée de cette médaille, voir le catalogue de l'exposition Statues de chair, p. 375.
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Désirée Habert (8/10/2014)
Je vous remercie beaucoup pour votre intérêt et la diffusion de ces informations. Comme complément je vous envoie en pièce jointe pdf quelques autres documents concernant Michaut et ses relations avec la maison Susse. Ces documents sont extraits d'une biographie de Michaut présentée et éditée sur le site www.blurb.com.
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Surprenantes trouvailles au château de Blois
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Une esquisse pour la statue de Kléber à Strasbourg
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