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Jean-Paul Goujon (Sevilla, 30/4/2010)
Je voudrais obtenir des informations sur un marbre de Pradier représentant deux lesbiennes, marbre qui en 1859 était en possession du célèbre érotomane anglais Frederick Hankey (vivant à Paris) et le resta jusqu'à la mort de celui-ci en 1882. J'ai sous les yeux la photocopie d'une lettre autographe de Hankey, de 1859, où il parle de « my Tribades by Pradier » [sic]. Sauf erreur, ce marbre ne semble pas signalé dans les divers ouvrages et catalogues sur Pradier (?). Il semble qu'il se soit agi d'un groupe d'assez grande taille, car Hankey l'avait placé chez lui « sur un meuble spécial, avec un miroir derrière ».
Le célèbre bibliographe érotique anglais Pisanus Fraxi (Henry Spencer Ashbee) signale en 1885, dans une de ses bibliographies, avoir vu autrefois ce « marble group by Pradier » chez Hankey. Mieux encore, le poète anglais Swinburne, dans une lettre à un ami datée de 1869, parle longuement de ce groupe qu'il vient de voir chez Hankey, et assure (probablement sur information de celui-ci) que c'est là « la dernière œuvre [avant la mort] de ce sculpteur » ce qui nous ferait remonter à 1851 ou début 1852.
J'ajoute ceci: il semble qu'il y ait souvent confusion, pour ce groupe saphique très libre, avec des bronzes de même nature, exécutés (ou servilement copiés sur celui de Pradier?) par le sculpteur belge Jef Lambeaux (1852-1908), dont on voit souvent passer des répliques en salle des ventes. On voit également, parfois, passer des réductions en bronze de petit format du même groupe, ou analogues, « attribuées à Pradier ». J'ignore s'il s'agirait de réductions faites d'après le marbre de Pradier, ou non.
Je serais donc très reconnaissant aux personnes qui voudraient bien me documenter sur ce groupe en marbre, qui semble bien avoir existé, mais dont la trace serait (?) perdue.
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Douglas Siler (21/1/2012)
Malgré cet immense retard (dû à des problèmes informatiques entre autres), votre courrier m'a vivement intéressé. Il sera diffusé avec cette réponse sur une nouvelle version de mon site qui sera lancée dans quelques semaines.
Entre-temps vous avez peut-être pris connaissance de l'ouvrage de Claude Lapaire sur James Pradier et la sculpture française de la génération romantique paru en féverier 2010. Vous aurez vu d'autre part, ici même, sous la rubrique « Ventes », plusieurs exemplaires d'un groupe que j'intitule Femmes lesbiennes. En voici deux exemples, l'un (à gauche) signé « Pradier » et l'autre (à droite) signé « J.M. Lambeau ».
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Dans la notice qu'il consacre à ce groupe sous le titre Femmes damnées (p. 413, n° 429), Claude Lapaire répertorie une dizaine d'exemplaires en bronze ou en terre cuite, sans aucune mention d'une possible attribution à Jef Lambeaux. Il signale également un exemplaire en marbre (vente Sotheby's, Belgravia, 20 mars 1974, n° 73) inscrit en cursive sur la terrace « Pradier 1841 ». La date, selon lui, pourrait correspondre à l'époque à laquelle le groupe a été modelé. Serait-ce l'exemplaire vu chez Frederick Hankey par Ashbee et Swinburne? Il ne mesure pourtant qu'environ 18 cm de haut.
En fait, avez-vous la preuve que le groupe que nous connaissons soit effectivement de Jef Lambeaux et non de Pradier? Si c'est le cas, et à supposer que Lambeaux n'ait pas simplement plagié Pradier, ce ne serait pas celui-là mais un autre, différent, qui aurait appartenu à Hankey.
On trouve plusieurs sites sur internet qui parlent de cet érotomane anglais. Connaissez-vous le « ebook » de Patrick Read, Deadly Vices: A Novel of Crime and Intrigue in 19th Century London, où l'un des protagonistes, traffiquant d'érotica et ami du poète Swinburne, se rend chez Hankey qui lui confie une œuvre dont la description correspond parfaitement au groupe de Lambeaux ou de Pradier:
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Hankey unwrapped the towel to reveal a small bronze. He set it upright on the table, and Simpson examined it thoughtfully.
It was a seated female figure, nude of course, with a splendid bosom. The head was thrown back in an abandoned posture, the eyes closed, the mouth half open in a dreamy smile. The detail was impressive: whoever made the figure was a real craftsman. The legs of the seated woman were parted, and kneeling between the legs was another woman. The features of this second nude figure were largely invisible, because the mouth was pressed tight against the seated woman's groin.
'My word, said Simpson, quite overcome with admiration. 'Here's a pretty piece I must say!'
Hankey chuckled again. 'Oh yes,' he agreed. 'Some collector will pay a fine price for it, I've no doubt.'
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Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite sur le site fictionwise.com. [Note DS, 13/9/2017: Le livre n'y est malheureusement plus disponible aujourd'hui mais pour un résumé et un plus large extrait, cliquer ici.]
En ce qui concerne l'hypothèse émise par Swinburne selon laquelle le groupe qu'il a vu chez Hankey serait la dernière œuvre de Pradier, aucun document ne permet de la confirmer. Il faut dire, du reste, que différents auteurs ont conféré ce même statut à plusieurs autres œuvres du sculpteur, tels son mascaron de Neptune pour la villa Cloquet à Toulon ou sa Sapho assise exposée au Salon de 1852.
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Jean-Paul Goujon (6/2/2012)
Merci de votre réponse, et à mon tour de m'excuser pour ma réponse tardive: j'étais en voyage. Je vois que la question Pradier-Lambeaux est bien compliquée... Par contre, la piste Sotheby's que vous voulez bien me signaler est très intéressante: peut-être est-ce là en effet l'exemplaire Hankey, car en marbre. Mais, dans ce cas, ce ne serait pas, comme vous le relevez justement, la « dernière œuvre » de Pradier, car de 1841, et Swinburne se sera trompé ou aura mal compris ce que lui avait dit Hankey à ce sujet.
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Mme Meredith Shedd-Driskel (Washington, D.C., 12/9/2017)
The Belgian sculptor Jef Lambeaux was born in Antwerp on January 14, 1852 and died in Brussels on June 5, 1908. His first work was not exhibited until 1871. Swinbune's letter reporting the existence of an erotic sculpture attributed to Pradier in Hankey's possession is dated 1869; Lambeaux was 17 years old at the time. Therefore, the sculpture Swinburne saw could not possibly have been by Lambeaux.
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Douglas Siler (13/9/2017)
You are perfectly right, thanks for pointing this out. And with regards to Swinburne, I find on the internet the following excerpt from the letter he wrote to a friend in July 1869 about Hankey's exemplar of the sculpture:
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He is the Sadique collector of European fame. His erotic collection of books, engravings etc. is unrivalled upon earth unequalled, I should imagine, in heaven. Nothing low, nothing that is not good and genuine in the way of art and literature is admitted. There is every edition of every work of our dear and honoured Marquis [de Sade]. There is a Sapphic group by Pradier of two girls in the very act one has her tongue up où vous savez, her head and massive hair buried, plunging, diving between the other’s thighs. It was the sculptor’s last work before he left this world of vulgar corruption for the Lesbian Hades. May we be found as fit to depart and may our last works be like this.
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This excerpt is included in a biography of Hankey given in vol. 4 of an online edition of the Letters & Memoirs of Sir Richard Francis Burton. This same edition quotes (translated into English) a long passage from the Goncourts' Journal which describes a visit to Hankey on April 7, 1862, without mentioning the sculpture. But it also quotes a long text about Hankey by the « noted collector of erotica H. S. Ashbee » which mentions the marble exemplar discussed in my exchanges above with Jean-Paul Goujon:
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If ever there was a bibliomaniac in the fullest sense of the word it was Frederick Hankey. His collection was small, but most choice, and comprised objects (among others may be mentioned what he was pleased to call the sign of his house, viz., a most spirited marble by Pradier representing two tribades; he had also a beautiful bronze of a satyr caressing a woman, where caresses with the tongue are not usually bestowed; a ceinture de chasteté, an ivory dildo, &c.) and books, exclusively erotic. The former do not fall within the scope of the present work, nor did Hankey attach the same importance to them as he did to his books, which consisted of illustrated MS. the best editions and exceptional copies of the most esteemed erotic works, frequently embellished with original drawings, and clothed by the great French binders. [...]
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Since my exchanges with Jean-Paul Goujon, a number of exemplars of the work, in bronze and other materials but not in marble, have appeared on the market, some signed Pradier, others signed Lambeaux and still others unsigned. You can view my announcements of the sales simply by typing « Lambeaux » in the search form at the top of this page.
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Douglas Siler (13/9/2017)
I see now that the excerpt about Hankey quoted in the Letters & Memoirs of Sir Richard Francis Burton from the Goncourts' Journal is incomplete and omits the following lines about Pradier's sculpture:
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Puis il ouvre une grande boîte. C'est un marbre qu'on dit être de Pradier, une scène de tribaderie, très mauvaise, veule et mal dessinée; il n'y a guère de Pradier qu'une main de femme, gracieusement et mollement infléchie par la jouissance. / Je suis sorti de chez cet homme comme d'un cauchemar, brisé, l'estomac en bas, comme après avoir bu, la tête vide.
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These lines are quoted by Claude Lapaire in his catalogue of Pradier's works, n° 429, pp. 414-415, and must come from a more complete edition of the Journal. It's interesting to note that Hankey's exemplar was stored in a special box. I know of several others which also have their own custom-made container. See for example the ebay auction closed on Feb. 14, 2008 and the Jakobowicz sale of May 28, 2016.
Incidentally, do you have any thoughts as to why so many exemplars of the work have Lambeaux’s signature on them?
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Mme Meredith Shedd-Driskel (17/9/2017)
When I asked Jacques de Caso (my dissertation advisor at Berkeley) about Hankey's sculpture, he referred me to you and then I found your forum. I assume that you have not found any references to Hankey in your Pradier correspondence project (I looked at vol. 1 and did not see anything).
Contemporary accounts of Hankey's sculpture suggest that it was definitely executed in marble, and that it was covered by a towel and installed in his apartment on a turntable to facilitate viewing from all angles. So it cannot have been too large or heavy.
I wonder if Hankey's Pradier sculpture was a private commission, with both parties desiring to keep it « off the books », given the strict censorship laws in effect at the time. Even if this were the case, what happened to the sculpture? M. Duprilot has shown that Hankey's will contains no mention of any books or artifacts he owned, just mobilier.
I have not done any research about Lambeaux, but may try to do so, since he may have seen Hankey's sculpture at some point and decided that such a thing could be replicated and marketed (with subtle changes) in an inexpensive and much lighter medium such as resin.
These are just some thoughts!
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