Tout le monde connaît l'élégant Pont du Gard
bâti au premier siècle de notre ère par les ingénieurs
romains pour approvisionner en eau les bons citoyens de
Nîmes.
Ce que l'on connaît moins, ou peut-être pas du tout, c'est
l'origine de sa dénomination courante. Car ce fameux aqueduc
n'est devenu pont que très longtemps après sa
construction, vers le début du treizième siècle. Et s'il
est vrai, comme tout le monde le sait, qu'il se trouve dans
le département du Gard, ce département n'existait point
avant 1790. Mais, direz-vous, il franchit tout de même sa
rivière éponyme, le Gard. Que nenni! L'affluent du
Rhône qui coule sous ses arches, comme tout le monde ne le
sait pas, s'appelle plus correctement le Gardon ou,
pour les adeptes du latin, le Vardo. L'explication
n'est donc pas aussi simple qu'on pourrait le croire. Si vous
en avez une, écrivez vite au CIDS (Comité intercommunal de défense du site du Pont du Gard), qui
diffuse sur Internet un « avis de recherche » à ce sujet!
Mais laissons là cette question pour en poser une autre.
Puisque le canal de l'aqueduc passe à plusieurs dizaines de
mètres au-dessus du Gardon, ce ne fut évidemment pas les
eaux de celui-ci qu'il acheminait vers Nîmes. D'où
venaient-elles, donc, et comment se nomme leur source? Il
suffit d'ouvrir un guide de la région, ou le site du CIDS, pour apprendre qu'elles prenaient naissance à la Fontaine
d'Eure Ura en latin dans les
environs d'Uzès, à 50 km au nord-est de Nîmes. La photo
ci-dessous montre un aspect de cette fontaine avec,
à l'arrière-plan, les vestiges d'un ancien lavoir.
Ainsi, selon la formule du CIDS, le Pont du Gard peut être défini en raccourci comme la rencontre
d'Ura et de Vardo. Mais ce n'est pas le seul endroit où
ces deux personnages aquatiques se sont donné rendez-vous...
Lorsqu'en 1845 on demanda à Pradier et à l'architecte
Charles Questel d'ériger une fontaine à Nîmes, il était
naturel de choisir pour thème les principaux cours d'eau de
la région. Au fait, comme le rappelle Questel lui-même dans
une lettre au maire de Nîmes, cette notion faisait partie
intégrante de son projet initial:
Lorsque j'ai composé le projet de la fontaine, l'idée que j'ai
voulu formuler a été de représenter la ville de Nismes
entourée des fleuves et fontaines dont les cours arrosent
son territoire et qui peuvent un jour les unes ou les
autres être appelées [sic] à alimenter la
fontaine même. Grâce aux inscriptions qui étaient sur
mon dessin lors du concours, l'idée a été comprise du
public et je dois supposer qu'elle a plu, puisque mon
projet a été choisi. Il me semble que cette idée ne
saurait être trop fortement accentuée, car c'est elle
qui doit donner au monument un caractère local et en
effet ces figures placées partout ailleurs qu'à Nismes
n'auraient plus aucune signification 1.
Questel disposa donc autour de la Ville de Nîmes quatre statues colossales assises représentant la Fontaine de Nîmes ou Nemausa
(source mère de la colonie romaine), le Gardon (Vardo), la Fontaine d'Eure (Ura) et le Rhône (Rhodanus). Il les identifa par leur nom latin gravé bien visiblement sur leur base.
James Pradier et Charles Questel, Fontaine de l'Esplanade, Nîmes. Photo © Eric Olbrechts 2003. |
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James Pradier et Charles Questel, Fontaine de l'Esplanade, Nîmes. Photo Édouard Baldus, vers 1851 (détail). |
En se plaçant dans la
position privilégiée suggérée par l'orientation de la
statue de la Ville de Nîmes, le spectateur
découvre, à gauche, la Fontaine de Nîmes (Nemausa) et, à droite, le Gardon (Vardo):
A l'arrière se profilent la Fontaine d'Eure (Ura) et le Rhône (Rhodanus):
C'est ainsi que les quatre statues sont identifiées par les
inscriptions. Mais sont-elles toutes identifiées
correctement? Non pas, affirme Jules Canonge, fin connaisseur
de l'histoire et de la géographie locales. Pour lui, le
caractère « noble » imparti à la figure d'Ura
sied moins à la fontaine d'Eure qu'à la fontaine de
Nîmes, source « urbaine », tandis que l'attitude
et les attributs de celle qui est censée incarner Nemausa
évoquent davantage la fontaine d'Eure, source solitaire
et « rustique ». Le sculpteur aurait fini par
accepter son point de vue et aurait envisagé de rebaptiser
les deux figures dans ce sens:
Avant d'être venu
à Nîmes, Pradier fit à Paris, sur des renseignements
peu exacts ou mal compris, mal interprétés par lui, les
modèles des cinq colosses [...]. Dès son arrivée à
Nîmes, je [lui] fis observer [...] qu'il avait
interverti le caractère de nos deux nymphes. Pradier
visita chaque source, étudia chaque site; je le mis au
courant de leurs traditions historiques. Il reconnut
l'erreur, et me dit et me répéta dans plusieurs
circonstances [c'est Canonge qui souligne], qu'il se
rangeait à mon avis. Comme il ne s'agissait que d'une
simple substitution, le mal n'était pas grand, le
remède était facile 2.
Le remède était effectivement facile mais les circonstances
empêchèrent de le mettre à l'épreuve. Canonge poursuit:
Une révolution
intervint [1848] avec tous les changements que traînent
après eux ces orages. Il se trouva qu'une des deux
nymphes plaisait plus généralement que l'autre; on
avait pris l'habitude de voir en elle la source de
Nîmes, et l'on persista à vouloir qu'elle la
personnifiât. Celle, au contraire, dont la tête porte
la couronne tressée avec art, dont les mains tiennent le
plectrum et la lyre, celle qui, élégante et noble, se
révèle bien comme le poétique génie des temps
antiques et de l'onde pure chantée par Ausonne, fut
inscrite comme nymphe rustique. L'artiste en fut
critiqué; on le voit par ces détails, tout se réduit
à une concession que n'aurait, du reste, point dû faire
un maître aussi éminent 3.
Il faut dire, cependant, que la méprise aurait pu être
évitée ou du moins atténuée si l'on avait renoncé aux
inscriptions prescrites par l'architecte. Pradier s'y était
opposé de bonne heure et avait même fait plaider sa cause
par un ami journaliste.
Pour ce qu'il s'agit des
noms des statues [confia-t-il à Canonge], il y a
longtemps que j'ai fait savoir que je n'en voulais pas. C'est
moi qui ai prié Boissier d'en dire un mot. Remerciez-le
donc, je vous prie, de ma part, en attendant que je le fasse
moi-même bientôt. Il a fait fort habilement cet article... 4.
L'Académie du Gard fut également d'avis que les
inscriptions étaient superflues. L'architecte campa
toutefois sur ses positions et insista auprès du maire pour
que son premier programme soit respecté:
J'ai reçu avec
votre lettre du 7 avril [1851] le rapport de la
commission chargée par l'académie du Gard de donner un
avis concernant les inscriptions qui doivent décorer la
fontaine de l'esplanade. Après avoir lu attentivement
cette pièce, je vous avouerai que je ne partage pas
l'opinion qu'on y a émise et que je persiste dans ma
pensée première, qu'il conviendrait de mettre sous les
quatre statues, les noms qui indépendamment des
attributs dont le sculpteur les a ornés, doivent aider
à les faire connaître de tous. [...] Le rapport cite
des exemples de fontaines dans lesquelles les noms des
figures allégoriques qui les décorent n'ont pas été
mis. Je peux en citer d'autres où le contraire a eu
lieu. [...] Comme dernière considération, j'ajouterai
que les lettres des inscriptions formeront une
décoration de plus sur le monument, que le bandeau qui
relie les moulures des vasques a été continué sur les
piédestaux, non seulement dans le but de rattacher
davantage les vasques au monument, mais aussi de
préparer une place aux inscriptions 5.
A quelques semaines donc de l'inauguration, fixée au 1er juin 1851, les
arguments de Questel l'emportèrent et les noms latins furent
inscrits comme prévu.
* * *
Si je remémore ici les faits de cette ancienne polémique,
c'est surtout pour souligner l'ambiguïté qui a entouré
et qui entoure encore l'identité des deux
figures féminines. Quand on regarde Ura, c'est
peut-être Nemausa qu'il faut voir, et vice-versa...
Ceci dit, il est inutile de s'attarder davantage sur
l'histoire de la fontaine elle-même: nous sommes déjà bien
renseignés là-dessus par la Correspondance de
Pradier et par diverses études 6. En revanche, notre connaissance des réductions
et autres répliques dont ses statues ont fait l'objet est
restée très lacunaire. Par qui et dans quelles
circonstances ont-elles été réalisées? En existe-t-il
pour chacune des cinq figures? Sont-elles toutes conformes
aux modèles originaux? Jusqu'à ces dernières années,
seuls quelques exemplaires étaient localisés. D'autres
étaient attestés mais absents des collections connues.
Ainsi, la découverte récente de plusieurs exemplaires
perdus ou jamais signalés nous invite à faire le point sur
cette progéniture relativement discrète du monument
nîmois.
En dépouillant les volumineux dossiers de la fontaine
conservés aux archives de Nîmes, on apprend que dès avant
l'inauguration la muncipalité avait songé à se procurer
des réductions des statues. Interrogé à ce sujet par le
maire, Questel opina que, tant sur le plan matériel que
juridique, l'intervention du sculpteur était indispensable:
Je m'empresse de répondre à votre lettre du 26 novembre
dernier dans laquelle vous me priez de vous fournir des
renseignements sur les moyens à employer pour faire
exécuter des statuettes en bronze qui seraient la
reproduction en petit des cinq statues de la fontaine de
l'Esplanade, et dont l'administation municipale prendrait
un certain nombre d'exemplaires à titre de subvention
pour aider le fondeur qui se chargerait de l'entreprise.
Permettez-moi,
Monsieur le Maire, de vous observer qu'avant de procéder
à la fonte de ces statuettes il faudrait en avoir fait
faire des réductions en plâtre, or ces réductions ne
peuvent être exécutées que par M. Pradier, non
seulement parce qu'il serait le meilleur juge de
l'exactitude qu'on apporterait dans la reproduciton de
son uvre, mais aussi parce qu'il me semble qu'il
n'a pas perdu ses droits d'auteur en livrant ses cinq
statues en marbre à la ville de Nismes.
En résumé je ne
crois pas que cette opération puisse avoir lieu en
aucune manière sans la participation de M. Pradier. Je
suppose même que l'idée que vous avez eue devra lui
sourire et qu'il vous aidera à l'accomplir. Il est
journellement en rapport avec des fondeurs, il sera en
mesure d'obtenir de meilleures conditions que je ne
pourrais le faire.
Quant à la
deuxième question que vous me posez, je crois ne pas me
tromper en répondant affirmativement que le sculpteur
peut disposer des modèles en plâtre qui ont servi au
travail des praticiens, car en définitive ces modèles
sont pour lui des outils et il n'était tenu qu'à livrer
les figures de marbre.
Il est bien entendu
que je n'entend pas lever la question de convenance en
l'appréciant de cette manière, je ne juge que le droit
stricte [sic] 7.
Les archives étant muettes sur les suites données à ce
projet, il faut supposer qu'il fut abandonné 8. Mais Pradier, semble-t-il, y avait déjà pensé lui-même. Aux
termes du traité qu'il signa avec la Ville, il avait
exécuté une petite maquette de la fontaine ainsi que, pour
chaque statue, un modèle plus important 9. Aussitôt achevés, les modèles étaient expédiés à Nîmes où son praticien
Charles Poggi, installé sur place, s'occupait à les
traduire en marbre. Il y a tout lieu de croire, cependant,
qu'il fit réaliser pour son propre compte sans doute
à l'insu de l'architecte et des commanditaires un
certain nombre de réductions avant que les modèles
n'eussent quitté son atelier. Ainsi, venant de terminer le
dernier en août 1846, il informa Poggi: « Je vais vous envoyer la dernière figure. Elle est bien gentille. Tout le
monde en veut aussi du plâtre 10. »
De là à satisfaire aux vux des amateurs, il n'y avait qu'un
pas, et des exemplaires de l'uvre ne tardèrent pas à
circuler. Dès le mois suivant, Flaubert en avait le sien:
Je suis obligé d'aller à Rouen [annonça-t-il à
Louise Colet] pour recevoir la statue que le mouleur
de Phidias [c'est-à-dire, Pradier] m'envoie (c'est L'Eau qui écoute, une de celles de la fontaine de Nîmes, tu sais) 11.
Le mouleur auquel Flaubert fait allusion n'était autre,
probablement, que Salvatore Marchi, l'un des principaux
éditeurs du sculpteur. Vers 1860 son album proposaient des
épreuves en plâtre de Nemausa et d'Ura,
en 34 cm de haut, sous les noms de Mélancolie des eaux
et Harmonie des eaux. Ces mêmes épreuves feront
partie du lot de trente-cinq statuettes de Pradier vendu en
1904 par la veuve de Marchi au musée de Genève 12. D'autres épreuves
semblables conservées aux Arts décoratifs de Paris (UCAD)
et au Musée du Vieux Nîmes ont peut-être la même
provenance 13.
Comme on l'aura remarqué, la lettre de Flaubert ainsi que
l'album Marchi soulèvent de nouveau la question des noms.
Dans le cas des réductions, qui a pris l'initiative de les
modifier, et pourquoi? Que ce fût Pradier lui-même
ou ses éditeurs, il s'agissait sans doute de
« brouiller les pistes » afin d'éviter tout
conflit avec Nîmes sur la question des droits. Ou bien,
d'affranchir les uvres de leur contexte régional en
leur conférant une identité plus générique (on se
rappellera la phrase de Questel: « Ces figures
placées partout ailleurs qu'à Nismes n'auraient plus aucune
signification. »). Bien entendu, l'un de ces deux
motifs n'a pas forcément exclu l'autre et tous les deux ont
pu jouer simultanément.
En ce qui concerne les réductions proposées par d'autres
éditeurs de l'époque, toutes, semble-t-il, à une exception
près, ont également troqué leur appelation originale
contre une autre, moins spécifique. Aussi, vers 1875, les
fondeurs Boyer aîné et Rolland en proposaient quatre: L'Harmonie, Nymphe des eaux,
Rêverie et Le Gardon,
ce dernier étant le seul à avoir gardé son nom de
baptème. Par ailleurs, la fonderie du Val d'Osne (voir plus
loin) offrait en 1879 L'Harmonie et La
Mélancolie en fonte de fer, chacune en deux formats
différents 14. Si les noms de L'Harmonie et Harmonie des eaux conviennent parfaitement à Ura,
porteuse d'une lyre, et si la pensive Nemausa
coiffée de nénuphars peut bien passer pour une Nymphe
des eaux en proie à la mélancolie (on songe
à la célèbre gravure de Dürer), l'uvre cataloguée
sous le nom de Rêverie pose problème. Si elle
appartenait en fait à la famille de l'Esplanade, à laquelle
des cinq statues pouvait-elle bien correspondre? Probablement
pas à La Ville de Nîmes ou à l'un des deux
fleuves. Non plus à Nemausa ou à Ura, que les mêmes fondeurs proposaient sous deux autres noms. A
moins qu'elle ne fût une variante de l'une de
celles-ci. Comme on le verra à l'nstant, de telles variantes
existent effectivement.
* * *
Venons-en maintenant aux réductions les plus significatives
qui ont refait surface ces derniers temps. Elles sont au
nombre de quatre:
1° La Ville de Nîmes, bronze, H. 46,0 ou
46,5 cm. Proposée en 2000-2001 par la Galerie André Lemaire, Paris.
Il s'agit de la seule réduction actuellement connue de la figure centrale de la fontaine. Les éléments qui la différencient du marbre pour autant qu'on puisse en juger d'après cette seule photo sont peu nombreux mais bien apparents. On remarque d'emblée l'absence de la couronne quadrilatérale représentant les quatre principaux édifices de Nîmes. En outre, le collier semble plus
élaboré et le rameau d'olivier (?) que tend la main droite
a été simplifié. Si la draperie des deux versions paraît
pratiquement identique, la rangée de plis au niveau de la
taille a cependant changé d'apparence. En prenant la forme
d'une ceinture oblique, elle confère au déhanchement de la
figure un caractère plus désinvolte.
James Pradier, La Ville de Nîmes (marbre). Fontaine de l'Esplanade, Nîmes |
|
James Pradier, La Ville de Nîmes (bronze).
Galerie André Lemaire, Paris. |
Le diaporama ci-dessous permet de confronter les deux versions
de l'uvre aux dessins et aux modèles connus (cliquez
sur une des images pour agrandir l'ensemble et pour voir les
légendes).
cliquez pour agrandir
Parmi ces différentes versions, c'est peut-être le modèle
faisant partie de la première petite maquette de la fontaine
(encadré ci-dessus) qui se rapproche le plus de notre
version en bronze. Notons enfin que la base de celle-ci,
arrondie sur le devant, est une de celles que l'on retrouve
le plus souvent sur les statuettes de Pradier, notamment sur
les épreuves Marchi de la Nemausa et de l'Ura conservées au musée de Genève (voir plus loin).
2° La fontaine d'Eure (Ura), bronze, signée
sur l'urne « J. PRADIER », pas de marque de
fondeur, H. 30,5 cm, base ovale 23,5 x 12,5 cm. Vendue sur le
marché de l'art à Bruxelles en 2004. Coll. privée.
Pour voir d'autres images de cette uvre,
cliquez ici.
Cette pièce tout à fait
exceptionnelle est, à ma connaissance, le seul exemplaire
retrouvé à ce jour d'une Ura
« habillée ». En prenant place à côté des
versions « nues » déjà répertoriées, elle
inscrit l'Ura dans les rangs des nombreuses
uvres de Pradier dont il existe deux ou plusieurs
variantes vêtues ou dévêtues à des degrés
différents. Sur la version en marbre, la draperie ne
recouvre que la jambe droite; sur notre version elle habille
la jambe droite de façon identique (les plis du tissu étant
pareils) mais aussi la jambe gauche et le haut du corps, ne
laissant dégagés que les épaules, les bras, le bas de la
jambe gauche et un bout du pied droit. Ajustée également
sur le dos, elle descend à l'arrière jusqu'au rocher sur
lequel la figure est assise.
On retrouve sur les deux versions la même coiffure à
chignon et la même couronne finement tressée. Si la lyre de
l'Ura en bronze paraît beaucoup plus importante,
c'est dû au fait que celle de la version en marbre, pourtant
intacte sur d'anciennes photos (cf. la photo Baldus
ci-dessus), a perdu ses bras et ses cordes. A ce propos,
signalons en passant que l'Ura de Nîmes a aussi
perdu le pouce de sa main gauche et une partie du plectre
qu'elle tient dans cette même main.
La base de notre version n'a rien de commun avec celle de sa
sur nîmoise ni avec celles des autres réductions
connues. De forme ovale allongée, elle est lourdement
chargée à gauche et à droite de fleurs et de plantes
aquatiques. Toutes les autres versions de l'uvre
comportent une base rectiligne ne dépassant guère en
largeur la largeur de la figure. La décoration aquatique,
quand elle y existe, se limite à quelques feuilles
sculptées en relief sur l'urne et, dans certains cas, à des
lignes ondulées tracées sur la face et les côtés de la terrasse
avec l'ajout, parfois, de petits poissons en relief.
Notre pièce n'a pas été coulée d'un seul jet mais
consiste en plusieurs morceaux moulés séparément et
rassemblés au moyen de boulons à écrous, visibles à
l'intérieur par l'ouverture dans la base. Trois boulons
longues de 2 cm ancrent le corps creux de la figure à la
base. D'autres maintiennent les bras, la lyre et le bas de la
jambe gauche. Côté extérieur, les raccords sont
généralement bien dissimulés, sauf à l'arrière au niveau
où le rocher repose sur la base.
S'il s'agit ici du seul exemplaire connu d'une Ura
habillée, les Nemausa habillées sont plus
nombreuses. Je ne dispose malheureusement que de ces deux
médiocres images d'un exemplaire en bronze appartenant aux
descendants du sculpteur:
James Pradier,
La fontaine de Nîmes (Nemausa)
Coll. famille Pradier |
|
James Pradier,
La fontaine de Nîmes (Nemausa)
Coll. famille Pradier |
De par sa taille (H. 27 cm), cette réduction aurait pu servir
de pendant à l'Ura habillée (H. 30,5 cm). Elle
s'avère pourtant d'une conception tout différente.
Entièrement privée de base, elle semble aussi avoir perdu
son urne et, par conséquent, sa vocation de source.
Tous les autres exemplaires connus sont également sans base
et l'un, au moins, est également sans urne 15.
Faute de documents précis, nous ignorons dans quelle mesure
les variantes de ce genre ont été conçues et modelées par
Pradier lui-même. Dans le cas des deux nymphes, comme dans
d'autres, il n'est pas exclu que ce fût l'éditeur qui les
ait habillées 16. Quoi qu'il en soit les deux
géantes nues du Midi sont devenues, dans leurs réductions en
bronze, de coquettes muses de salon n'ayant plus guère
d'attaches avec leur sol natal.
3° La fontaine d'Eure (Ura), fonte de fer, fonderie du Val d'Osne, H. 187 cm (?). Rio de Janeiro (Humanita, fontaine du Largo dos Leões).
J'emprunte ces deux étonnantes images à l'album photographique
Fontes de Rio de Janeiro, diffusé jusqu'à récemment par l'ASPM (Association pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine métallurgique haut-marnais). Elles figurent aussi dans un important ouvrage sur le même sujet paru récemment aux Éditions de l'Amateur: Fontes d'Art. Fontaines et statues françaises
à Rio de Janeiro. Cette publication signale, en fait, deux exemplaires de l'Ura
à Rio. Le deuxième, non illustré, se trouverait dans le
quartier de Belford Roxo, sur la place Getulio Vargas. Est-il
identique au premier? Je l'ignore pour l'instant. Aucun des
deux n'occupe, paraît-il, son emplacement original.
Ce qui frappe tout de suite sur
l'exemplaire du Largo dos Leões, c'est sa coiffure. La
couronne tressée a cédé la place à une guirlande (?) de
fleurs et de feuilles qui retombe de part et d'autre de la
tête sur les épaules. Deux fleurs centrées au-dessus du
front en font-elles partie ou sont-elles séparées? En
l'absence de photos plus détaillées, on hésite. Il est
clair en tout cas que la coiffure de cette Ura diffère entièrement de celle des autres Ura connues. Elle
est néanmoins suggérée, me semble-t-il, sur un des dessins
préparatoires de l'uvre ainsi que sur le petit modèle en
plâtre conservé au Musée du Vieux Nîmes:
A part sa coiffure florale, notre Ura
brésilienne paraît très proche de l'Ura en
marbre: même attitude, même draperie, mêmes plantes en
relief sur l'urne, même base, etc. Celle-ci montre du reste
les mêmes lignes ondulées qu'on retrouve (je crois) sur le marbre ainsi que sur les modèles et la plupart des réductions en
plâtre.
Parmi quantité de documents intéressants relatifs à l'histoire et à l'actualité de la fonte d'art, le site de l'ASPM diffuse de nombreuses planches de l'Album N° 2 - Fontes d'Art publié vers 1900 par la fonderie du Val d'Osne.
L'usine du Val d'Osne, fondée en 1836 à Osne-le-Val en Haute-Marne, a continué ses activités jusqu'en 1986. En 1878, le Val d'Osne rachètera le fonds de modèles de la fonderie d'art J.-J. Ducel et l'intégrera dans ses catalogues 17. Outre Pradier, on cite parmi les sculpteurs du XIXe
qui ont signé les modèles ou les monuments coulés dans ses
forges, Rouillard, Bartholdi, Carrier-Belleuse, Diébolt,
Salmson et Mathurin Moreau, administrateur de la fonderie et
auteur d'une centaine de modèles (statues, fontaines et
objets décoratifs). Un inventaire initié en 1990 a permis
de retrouver des centaines d'uvres, dont quelque 200 à
Rio, produites par ses ouvriers et exportées sur tous les
continents. Aujourd'hui, l'association Compagnons de l'Histoire préserve la mémoire ouvrière du Val d'Osne en organisant des expositions et des coulées dans les anciens bâtiments de l'usine, dont le haut-fourneau est toujours debout.
Dans l'Album N° 2 de la fonderie, l'Ura et la Nemausa figurent en bonne place (pl. 515) parmi les bornes-fontaines proposées « pour cours et jardins ».
Pour autant que l'on puisse lire les
indications imprimées sur ce document, les deux statues
n'y ont pas de titre et ne sont pas attribuées à Pradier.
Impossible, du reste, de déchiffrer leurs dimensions. Nous
savons cependant qu'en 1879 cette même fonderie les
proposait sous les noms de L'Harmonie et La
Mélancolie, en 187 cm et 200 cm de haut respectivement
(voir note 14). Si nous ignorons donc les dimensions exactes
des deux Ura de Rio, l'exemplaire illustré par les
photos de l'ASPM a néanmoins l'air d'être comparable par sa taille à L'Harmonie du catalogue.
Rappelons pour mémoire que Pradier a exécuté au moins
trois autres uvres en rapport avec le Brésil: un buste
du diplomate brésilien Antonio Guedes Pinto (1839);
un buste de l'empereur Don Pedro II (1850); et un
relief en marbre représentant un Ange emportant un
enfant pour un tombeau non identifié. Seul le buste de
Pinto, signé et daté, est actuellement localisé (Rio de
Janeiro, Museu Historico e Diplomático, Palacio Itamaraty).
Rappelons aussi que le frère aîné du sculpteur,
Charles-Simon, participa en 1816-1818, en tant que graveur, à
l'expédition menée par Joachim Lebreton pour créer une
école des beaux-arts à Rio, et que son beau-frère
Charles-Félix d'Arcet y périt accidentellement en 1846,
venant d'obtenir un crédit important pour y établir une
usine de produits chimiques 18.
4° La fontaine de Nîmes (Nemausa), fonte de fer, non signée et sans marque de fondeur, H. 86 cm. Proposée en 2000-2001 par la Galerie Pascal Denoyelle, Paris et Bruxelles. Photo non disponible.
Provenant d'une propriété privée en France, cette
réduction est vraisemblablement un exemplaire de La
Mélancolie proposée par la
fonderie du Val d'Osne en format « statue »
(H. 86 cm), beaucoup plus petit que l'édition
« borne-fontaine » (H. 200 cm). Des traces
laissées par l'écoulement de l'eau sous l'ouverture de
l'urne attestent pourtant du fait qu'elle a servi comme
fontaine. En l'absence de photos, il est difficile de la
comparer à la Nemausa en marbre. Je crois
néanmoins pouvoir affirmer, l'ayant vue à deux reprises,
qu'elle est très proche de la version nîmoise (à gauche
ci-dessous) ainsi que de la version borne-fontaine (à
droite) illustrée dans l'Album N° 2 du Val d'Osne.
Ici, les ombres sur la Nemausa en marbre empêche de
voir son collier, qui est semblable à celui de la Nemausa
borne-fontaine. Pradier aura-t-il voulu créer ainsi, n'en
déplaise à Jules Canonge, un lien subtil entre Nemausa,
fontaine de Nîmes, et la statue de La Ville de
Nîmes munie, elle aussi, d'un collier, alors que la
rustique Ura, nymphe de la campagne, se contente
pour tout ornement d'une couronne tressée ou d'une guirlande
de fleurs?
* * *
Pour terminer, voici quelques images d'Ura (La Fontaine d'Eure L'Harmonie Harmonie des eaux) dans tous ses états - dessins, modèles, réductions et
marbre (cliquez sur une des images pour agrandir l'ensemble
et pour voir les légendes).
cliquez pour agrandir
Et si, par un coup de baguette magique, l'Ura de
l'Esplanade (munie, pour l'occasion, d'une nouvelle lyre)
et l'Ura habillée rendaient visite à
leur sur brésilienne?
On croit deviner, en contemplant
ces images, que les deux Ura voyageuses ne se
sentiraient pas très à l'aise dans ce cadre exotique. Et l'on
se rend compte que les trois versions ne sont pas seulement
différentes: elles ont aussi chacune leur habitat
propre, telle au soleil du Midi, telle entourée de la verdure
tropicale et telle sur la cheminée d'un intérieur cossu.
Une dernière chose. A la question de savoir s'il existe pour
chacune des cinq statues une édition en format réduit, la
réponse n'est pas encore trouvée. Nous connaissions depuis
longtemps des réductions d'Ura et de Nemausa, et de nouvelles variantes de la première
sont venues les rejoindre. Nous savons aussi à présent que
La Ville de Nîmes a la sienne. Quant au
Gardon, aucun exemplaire de l'édition proposée vers
1875 par les fondeurs Boyer
aîné et Rolland n'a encore été localisé. Et le Rhône?
Ni vu ni connu! Des cinq statues colossales, c'est
probablement celle qui présenterait le moins d'intérêt
sous forme de statuette. Il faut donc supposer jusqu'à
nouvel avis qu'aucun éditeur n'a voulu s'en charger, ne
fût-ce que dans le but de pouvoir proposer une réduction au
complet, en « pièces détachées », de toute la fontaine. Espérons cependant que pour le bonheur de quelque
musée ou d'un collectionneur chanceux cette supposition
s'avérera fausse et que tous les « enfants
nomades » du monument nîmois pourront un jour se trouver réunis.
Remerciements
à Chantal Cambon
à Claude Lapaire
à Eric Olbrechts
à Georgia Siler
Notes
1 Charles Questel au maire de Nîmes,
Versailles, 12 avril 1851. Lettre autogr. partiellement inédite,
Arch. municipales de Nîmes, dossier 0.1.216.66, Fontaine Pradier.
2 Jules
Canonge, Passim, Paris, Tardieu, 1863, p. 29.
Pradier fait peut-être allusion à ce débat dans une lettre
à Canonge datée du 22 juin 1850 (cachet postal): « Pour
mes statues, nous ne pouvons en parler qu'ensemble devant
elles et posées. Là je verrai ce que j'aurai à y faire.
Merci, donc, cher ami, du conseil un peu doctoral quand
même. Vous savez que mes intuitions sur mes ouvrages sont
toujours bonnes et que lorsque je me suis contenté tout le
monde doit l'être. C'est peut-être un peu orgueilleux, fier,
mais que voulez-vous, c'est le côté faible du maître. »
(Lettre autogr., Bibl. municipale Séguier, Nîmes.)
3 Jules
Canonge, op. cit., pp. 29-30. Il est possible,
toutefois, que Pradier ait effectivement interverti les deux nymphes,
du moins dans son esprit, dès 1847. Songeant à ajouter des attributs
pour mieux identifier les différentes figures, il manda le 13 mai
1847 à son praticien Poggi: « Essayez quelque part le Pont
du Gard sur le fleuve Gardon, ainsi que le temple de Diane et
quelques antiques ou la fontaine sur la statue la fontaine de Nîmes
à la lyre. Voyez à y laisser du marbre si cela se peut. » (Lettre
autogr., Bibl. municipale Séguier, Nîmes.) Ici donc il associe
clairement la figure qui tient la lyre à Nemausa, La
fontaine de Nîmes.
4 Pradier à Jules Canonge, Paris, 22 juin 1850
(cachet postal). Lettre autogr., Bibl. municipale Séguier, Nîmes.
Gaston Boissier (Nîmes 1823 Viroflay 1908),
historien, philologue, critique littéraire et archéologue,
fut élu à l'Académie française, dont il devint
secrétaire perpétuel en 1876. L'article auquel Pradier se
réfère n'a pas été identifié.
5 Charles Questel au maire de Nîmes, Versailles, 12 avril 1851. Lettre autogr. partiellement inédite, Arch. municipales de Nîmes,
dossier 0.1.216.66, Fontaine Pradier.
6 James
Pradier. Correspondance. Textes
réunis, classés et annotés par Douglas Siler, Avant-propos
par Jacques de Caso, Librairie Droz, Genève, 1984- (3 vols. parus, 2 en préparation).
Jacques de Caso, « La Fontaine de
l'Esplanade » in Statues de chair. Sculptures de
James Pradier, Genève, Musée d'Art et d'Histoire de
Genève / Chaîne d'Éditions, 1985, pp. 198-203.
Guillaume Garnier, James
Pradier (1790-1852), thèse inédite, École
des Chartes, 1978, passim.
Philippe Bordes, « La fontaine de
l'Esplanade par Charles Questel et James Pradier. Anatomie
d'une commande municipale à Nîmes (1844-1851) », in Bulletin
de la Société languedocienne de géographie,
Montpellier, 1982, t. 16, fascicule 3-4, pp. 329-339.
Adolphe Pieyre, « La Fontaine de
Pradier », in Revue du Midi, 1er novembre 1889,
pp. 432-440 (consultable en ligne sur le site Nemausensis.com
Adolphe Pieyre, Histoire de la
ville de Nîmes depuis 1830 à nos jours, Nîmes, 1886,
t. I et t. II, passim.
Ali Margarot, « La Fontaine de
l'Esplanade », Nemausa, I, août 1883, pp. 251-256,
313-320; II, pp. 25-32. Une feuille de la main de Margarot
avec le canevas de son « 4e et dernier article » se trouve dans le dossier des Archives municipales relatif à la fontaine. En
revanche, certaines pièces citées par Margarot ne s'y
trouvent plus.
Jules Salles, « Fontaine
monumentale érigée sur la place de l'Esplanade, à Nîmes,
par MM. Questel et Pradier », Mémoires de
l'Académie du Gard, années 1850-1851, pp. 194-218.
Henri Sirodot, « Fontaine de
l'Esplanade à Nisme (inaugurée le 1er juin
1851) », in Revue de l'architecture et des travaux
publics, 9e vol., année 1851, pp. 352-356 et pl. XXXIV-XXXVI.
7 Charles Questel au maire de Nîmes, Versailles, 2 décembre 1850. Lettre
autogr. inédite, Arch. municipales de Nîmes,
dossier 0.1.216.66, Fontaine Padier.
8 Par rapport
à ce projet de Nîmes, signalons que quelques années
auparavant un éditeur parisien proposait de faire exécuter
une réduction de la fontaine
Molière pour être multipliée et offerte aux souscripteurs
à 100 francs l'exemplaire (« Monument National à la
gloire de Molière. Fac-simile [sic] réduit.
Publié sous le Patronage de Monsieur le Comte Rambuteau
[...] », Paris, 1er
juin 1841, Imprimerie de
Poussieugue, rue du Croissant, 12. Arch. nat. de France, F21 575.) Aucun
exemplaire de cette réduction n'a été localisé à ce
jour.
9 Traité cité
dans James Pradier. Correspondance, t. II, Appendice
III A, pp. 369-371. La petite maquette en plâtre (H. 102 cm)
est au Musée du Vieux Nîmes qui possède également une
esquisse de La Ville de Nîmes en terre (mal) cuite,
rougeâtre (H. 36,5 cm). Les grands modèles furent
donnés par Pradier à son ami nîmois Jean Tur, dont la
fille les céda en 1900 à la Fondation Gottfried Keller
(Berne). Déposés par la Fondation au Musée d'Art et
d'Histoire de Genève, ils furent endommagés (Rhône,
Ura, Ville de Nîmes) ou entièrement
détruits (Nemausa, Gardon) en 1987 dans
l'incendie du Pavillon du Désarmement où ils avaient été
déposés après avoir figuré à l'exposition Statues de
Chair. Signalons qu'aucun modèle des statues de la
fontaine, ni aucune réduction en bronze ou en plâtre, n'est
mentionné dans l'inventaire après-décès de Pradier ni
dans les deux ventes de son atelier, en 1852 et 1855.
10 Pradier à Charles Poggi, [Paris, vers le
10 août 1846], in James Pradier. Correspondance,
Genève, Librairie
Droz, 1984-, t. III, lettre 649, p. 325.
11 Flaubert à Louise Colet, Croisset, [22
septembre 1846], in Flaubert. Correspondance, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1973-, t. I, p.
358. Cf. l'inventaire après-décès de Flaubert diffusé sur
le site Gustave Flaubert de
l'Université de Rouen: « deux colonnes en bois
surmontées chacune dune statue en plâtre [...] une
autre statuette égyptienne en plâtre [...] deux statuettes
[deux mots barrés, illisibles] [...] une statuette en
plâtre avec son applique [...] une statuette chinoise en
carton [...] Une statuette en plâtre iacchus [sic]
[...]. » L'une de ces uvres pouvait-elle être L'Eau
qui écoute de Pradier?
12 L. Gielly, « Les Pradier du Musée de
Genève », in Genava. Bulletin du Musée d'Art et
d'Histoire de Genève, III, 1925, p. 354. M. Claude Lapaire
me signale que des réductions en bronze des deux figures
féminines, H. 32 cm, appartiennent à la famille Pradier.
13 Les exemplaires de l'UCAD portent en tout cas un
cachet en laiton, rond, avec l'inscription PRADIER mais leurs
bases, non moulurées, sont différentes de celles de Genève,
qui sont moulurées. (Renseignements dus à M. Claude
Lapaire.) Le Musée du Vieux Nîmes possède également des
réductions des deux nymphes, aux bases non
moulurées, dont deux en plâtre peint (Nemausa, H. 30,5 cm; Ura, H. 30,9 cm) et une en porcelaine (Nemausa, H. 23 cm). Celle-ci, acquise en 1926 et portant sous la base l'inscription « Copeland's Porcelain Statuary », est visible
sur une photo de la Salle aux palmettes de ce musée. Pour une photo agrandie, cliquez ici.
14 rajout Le Tarif général illustré de la
Fonderie du Val d'Osne, de 1879, pl. 515 et 582, propose deux
formules: a) bornes-fontaines de L'Harmonie, H.
187 cm, poids 470 kg, prix 800 francs, et de La
Mélancolie, H. 200 cm, poids 270 kg, prix 500 francs;
b) statues de L'Harmonie, H. 90 cm, poids 110 kg,
prix 250 francs et de La Mélancolie, H. 86 cm,
poids 110 kg, prix 250 francs. (Renseignements dus à M.
Claude Lapaire.) A noter que les deux bornes-fontaines
étaient plus petites que leurs équivalents en marbre (H.
260 cm, selon la thèse de Guillaume Garnier), tandis que les
exemplaires en édition « statues » avaient à
peu près la même hauteur que les grands modèles en plâtre
(Ura/L'Harmonie, H. 85.5 cm; Nemausa/La
Mélancolie, H. 87 cm).
15 M. Claude Lapaire me signale l'existence de trois autres Nemausa habillées, toutes sans base:
Genève, coll. part.en 2003, bronze, H. 24,5. Inscrit « PRADIER » sur le rocher sur lequel Nemausa
est assise. Celle-ci ne se tient pas sur une urne, mais une amphore allongée est fixée derrière elle.
Saint-Ouen, marché Vernaison en 1995.
Ribeauvillé, galerie John-Paul Bogart et Claudio Barontini, en 1994.
M. Lapaire me signale également une réduction en biscuit (peint) d'une Nemausa nue, H. 30,5 cm, cachet ovale « PRADIER », marque en creux
« CHANTILLY », Paris, coll. part. Curieusement, cette
réduction a exactement la même hauteur que notre Ura habillée.
16 Comme on le sait, les polémiques relatives à la
nudité des statues ont fait rage au XIXe siècle. La fontaine de Nîmes n'en fit pas
exception. Dans une lettre datée du 26 avril 1851, le maire
de Nîmes a supplié Pradier de modifier son Gardon:
« L'Administration municipale a conçu des craintes
sérieuses pour la conservation du monument de l'Esplanade et
ses appréhensions sont assez graves pour que je vous en
fasse part en vous priant instamment de me fournir les moyens
de les [biffé: apaiser] faire disparaître. [...] Une partie
de la population a été montée au nom de la morale et de la
religion et nous aurions bien de la peine à préserver votre
œuvre d'un malheur irréparable. Veuillez donc, je vous
prie, étudier au plus tôt un moyen de cacher l'objet qui [biffé:
attire] choque la vue et excite les réclamations d'un grand
nombre de personnes [biffé: trop scrupuleuses] à
scrupules exagérés. Jacquet [un des praticiens] pourra sur
vos indications préparer soit un feuillage, soit un pan de
draperie, soit un accessoire ou trident, etc. [...] »
(Brouillon, Arch. municipales de Nîmes, dossier 0.1.216.6
6,
Fontaine Pradier; cité par Philippe
Bordes, art. cit., pp. 572-573.) En fin de
compte, le sexe du Gardon est resté bien visible, malgré
le trident qui passe entre les jambes de la statue. Il ne semble pas,
du reste, que ce trident fût un rajout de dernière minute. S'il est
absent de la petite maquette conservée au Musée du Vieux Nîmes,
il était bien présent, par contre, sur le grand modèle (aujourd'hui détruit)
conservé au MAH de Genève.
17 Il est possible que les modèles de Nemausa
et d'Ura aient fait partie de ce fonds. C'est la fonderie Ducel qui
coula les quatorze bas-reliefs du chemin de croix commandé à Pradier
et à Francisque Duret en 1851 pour l'église Ste-Clotilde à Paris.
18 Sur Charles-Simon Pradier, voir Statues de
chair, pp. 336-337, et James Pradier. Correspondance,
t. I, pp. 351-352; sur Jean-Charles-Félix d'Arcet,
voir James Pradier. Correspondance, t. II, pp.
345-346; sur Joachim Lebreton, voir James Pradier.
Correspondance, t. I, pp. 347-348.
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