-
-
Douglas Siler (6/10/2004)
Courriel adressé à Jérôme Pontarollo:
Je viens de parcourir rapidement votre site giacomotti.monsite-orange.fr dédié au peintre
Félix-Henri Giacomotti (Quingey [Doubs] 1828 Besançon 1909) dont j'ai eu connaissance par le biais du site latribunedelart.com de Didier Rykner. J'aurais quelques renseignements intéressants à vous communiquer au sujet des
relations entre Giacomotti et « John » Pradier
(1836-1912), le fils du sculpteur James Pradier. John
connaissait bien Giacomotti et relate dans son journal intime
plusieurs rencontres avec lui dans les années 1870. Si ces
textes pourraient vous intéresser (plusieurs mentionnent des
uvres de Giacomotti), dites-le-moi et je tâcherai de
vous les envoyer. J'anime moi-même un site consacré au
sculpteur Pradier, tout en préparant une édition de sa Correspondance (3 vols. publiés, 2 à paraître).
-
Jérôme Pontarollo (10/10/2004)
J'ignorais que Giacomotti était ami avec John Pradier.
En effet, les deux biographies de Giacomotti parues à
Besançon en 1910 omettent toutes les deux cette relation et
mes recherches n'ont jamais pu établir un quelconque lien
entre les deux artistes. Ainsi, si vous pouviez me faire
parvenir les informations en votre possession, je vous en
serais reconnaissant. A la lecture de vos documents, je
pourrais peut-être vous donner à mon tour des informations
sur Pradier?
-
Douglas Siler (10/10/2004)
C'est bien volontiers que
je vous ferai parvenir les extraits du journal de John dès
que j'aurai l'occasion de les recopier. Ils ne sont pas très
longs mais j'ai plusieurs autres tâches en attente. Je suis
sûr qu'ils vont vous intéresser, d'autant plus qu'ils
contiennent des renseignements inédits (je suppose) sur
certaines uvres de Giacomotti. Pour ne citer qu'un
exemple, de mémoire: son portrait de l'astronome Le Verrier
a été fait d'après le buste de Le Verrier par Pradier. Il a aussi
fait un portrait de John, je crois, et de l'un de ses fils.
Une question: Auriez-vous rencontré par hasard dans votre
travail sur Giacomotti le peintre Jean-Baptiste
« Marius » Fouque? Comme il était aussi un ami
de John (qui était, lui aussi, peintre), leurs chemins ont
pu se croiser. Vous trouverez sur mon site une étude
consacrée à Fouque par Fr. et Ph. Dumoulin: Le peintre Marius Fouque,
ami et portraitiste de Pradier.
-
Jérôme Pontarollo (10/10/2004)
Merci de votre gentillesse et surtout ne vous pressez pas
pour m'envoyer les extraits. En effet, tout comme vous,
je suis relativement occupé, notamment avec la préparation
de l'exposition Giacomotti à Étampes. Concernant votre
question sur le peintre Jean-Baptiste Marius Fouque,
Giacomotti ne semble pas l'avoir fréquenté (du moins
je n'en ai aucune trace). Merci pour votre info sur
Le Verrier, je m'en vais de ce pas chercher une
représentation de ce buste sur Internet ou plus tard à la
bibliothèque.
-
Douglas Siler (11/10/2004)
Le portrait de Le Verrier par Giacomotti est reproduit sur le
site de l'Observatoire de Paris, que vous connaissez probablement. Quant au buste de Le Verrier par Pradier, voici ce que John Pradier a noté dans son journal intime le 20 décembre 1877 après une visite à l'atelier de Giacomotti: « [Giacomotti] avait dans son atelier le buste en
bronze de Leverrier [sic] fait par mon père, buste original prêté par la famille [Le Verrier]. M. Giacomotti faisait le portrait du
célèbre astronome décédé dernièrement. »
Claude Lapaire, ancien directeur du Musée d'Art et d'Histoire
de Genève, qui prépare actuellement le catalogue raisonné
de l'uvre de Pradier, m'a informé qu'il a retrouvé le
buste en marbre mais non la réplique en bronze. Celle-ci
serait une commande du comte de Salvandy, ministre de
l'Instruction Publique. Si vous trouvez une image de l'un ou de
l'autre, j'aimerais bien savoir où, car nous n'en avons pas
trouvé lors de la rétrospective Pradier, Statues de
chair, en 1985-86, et je n'en ai jamais vu. Je ne crois
pas qu'il y en ait sur Internet.
-
Jérôme Pontarollo (9/11/2004)
Je viens de fouiller dans mes classeurs consacrés à
Giacomotti et j'ai eu l'agréable surprise de constater que
Giacomotti avait peint un portrait de son ami John Pradier en
1877 (A. Estignard, Giacomotti, sa vie, ses
uvres, Besançon, Imp. Joseph Jacques, 1911).
Malheureusement, la localisation et l'existence même de cette
uvre restent inconnues.
-
Douglas Siler (12/11/2004)
En ce qui concerne le ou les portrait(s) de John Pradier par
Giacomotti, je suis heureux de pouvoir vous signaler qu'il y
en a un chez les descendants de John et que j'en possède une très bonne photo couleur. Je me demande pourtant s'il
s'agit du portrait cité dans Estignard. Né en 1836, John aurait
eu 41 ans en 1877. Or sur le portrait appartenant à ses
descendants il fait 30 ou 35 ans tout au plus. Mais comme
vous le verrez dans les extraits de son journal, il a aussi
posé, vers 1870, pour un personnage d'apôtre dans une des
trois fresques peintes par Giacomotti à l'église
Saint-Étienne-du-Mont. Les connaissez-vous?
-
Jérôme Pontarollo (12/11/2004)
Merci pour ces informations. Concernant l'éventualité
d'un portrait de John Pradier dans l'un des trois
tableaux de l'église Saint-Étienne-du-Mont, je pense
qu'il s'agit de Jésus bénissant les enfants
(1867). En effet, il y a trois moines vêtus de robes de bure
dans le fond du tableau (peut-être l'un d'eux
est-il John Pradier?). Je penche pour cette hypothèse car
dans La Pentecôte (1870) et Jésus au milieu des docteurs (1868), les personnages
secondaires sont souvent représentés de dos et les rares
exceptions sont des vieillards ou des personnages de couleur.
De plus, le groupe d'hommes de Jésus bénissant les
enfants attire l'attention car sa présence n'est pas
indispensable et semble même douteuse (au milieu de toutes
ces femmes et de ces enfants
.c'est étrange). On
dirait que Giacomotti l'a ajouté au tout dernier moment
(les critiques de l'époque avaient déjà fait la même
remarque et évoqué le fait qu'il s'agissait peux
être du même patron). Peut-être que ces trois moines sont
en fait trois portraits légèrement différents de John
Pradier? Qu'en pensez-vous?
Je vous envoie les trois fiches (je m'excuse de la
piètre qualité des photos, je n'avais pas
d'appareil numérique à l'époque et les trois
tableaux sont accrochés en hauteur et mal éclairés. Vous
avez déjà dû vous en rendre compte par vous-même).
-
cliquez pour agrandir Félix-Henri Giacomotti, Jésus bénissant les enfants. Salon de 1867. Huile sur toile, H. env. 3,5 x L. env. 2,5 m. Paris, église Saint-Étienne-du-Mont.
|
|
cliquez pour agrandir
Félix-Henri Giacomotti, Jésus au milieu des docteurs, vers 1868 (?). Huile sur toile, H. env. 3,5 x L. env. 2,5 m. Paris, église Saint-Étienne-du-Mont.
|
|
cliquez pouragrandir Félix-Henri Giacomotti,
La Pentecôte. Salon de 1870. Huile sur toile, H. env. 3,5 x L. env. 2,5 m. Paris, église Saint-Étienne-du-Mont.
|
-
N.B. Pour l'historique de ces trois tableaux, voir ci-dessous
l'Annexe A.
-
Douglas Siler (14/11/2004)
Merci bien pour les photos. Comme vous pourrez le constater en lisant les extraits ci-joints du journal de John Pradier (voir
Annexe B),
c'est pour l'un des docteurs de la fresque de Jésus au
milieu des docteurs – le personnage « en vert
clair », dit-il, – que John aurait posé. Mais sur votre
photo il est difficile de deviner lequel, par rapport à son
portrait à l'huile par Giacomotti. Ce portrait, signé « F.G. » en bas à gauche, appartient toujours à la famille Pradier. Je vous l'envoie en pièce jointe avec en même temps une photo de John prise vers 1880.
-
Félix-Henri Giacomotti, John Pradier Huile sur toile, H. ?, L. ? cm. Coll. famille Pradier
|
|
John Pradier peignant Photographie, vers 1880 Coll. famille Pradier
|
-
La famille possède également un portrait par Giacomotti du fils aîné de John, Francis Pradier, exécuté en une seule
séance de pose le 20 septembre 1881 (voir l'extrait du
journal de John à cette date, Annexe B. Malheureusement je
n'en ai pas de photo. J'espère que tout ceci vous sera utile
pour l'exposition Giacomotti. Auriez-vous un résumé de
l'exposition dont je pourrais me servir pour rédiger une
annonce sur le Forum Pradier?
-
Jérôme Pontarollo (14/11/2004)
Je ne sais pas quoi dire si ce n'est merci et encore
merci. En effet, votre envoi est une mine d'information
et je me réjouis de pouvoir en incorporer une grande
quantité à mon mémoire. Grâce à lui, j'ai pu
confirmer des hypothèses et surtout être plus précis dans
la datation de certaines uvres de Giacomotti.
Concernant l'exposition d'Étampes, je n'ai
pas d'information à vous communiquer puisque je
n'y participe pas directement (je participe cependant au
cahier du Lions Club d'Étampes (sur Giacomotti)
et à la conférence de l'association Étampes-Histoire
(sur Giacomotti) qui se fera au musée d'Étampes en
même temps que l'exposition). Cependant, vous pouvez
prendre contact avec Sylvain Duchêne du musée
d'Étampes. Il se fera un plaisir de vous répondre,
j'en suis sur. Je vais d'ailleurs lui parler de
vous ce soir et lui communiquer une partie des extraits du
journal de John Pradier car certains parlent
d'uvres conservées au musée d'Étampes: La
Giottina (extraits du 2 décembre 1878, du 5 mars 1879
et du 18 mars 1879), qui vient d'être restaurée pour la
future exposition (17/03/05 au 15/05/05), et le portrait du
paysagiste Jules Didier (extrait du 5 mai 1877),
qui vient tout juste d'être acheté pour le musée.
-
Douglas Siler (16/11/2004)
Je suis content de savoir que les extraits du journal de John
seront utiles pour votre mémoire ainsi que pour
l'exposition. Ce journal, toujours inédit, est très riche
en informations sur les artistes de l'époque car John en
connaissait beaucoup et raconte souvent ses rencontres avec
eux.
A propos de la fresque de Jésus au milieu des
docteurs que vous datez de « vers 1868 »,
comment réconcilier cette date avec le témoignage de John?
Car il affirme avoir posé pour l'un des docteurs quand il
était seul à Paris, ayant laissé sa femme et ses enfants
à Genève. Comme je le signale dans mes annotations des
extraits, il s'est installé à Genève tout
de suite après son mariage en mai 1867 et le
« calendrier-journal » tenu par sa femme (arch.
famille Pradier) ne fait état d'aucun retour à Paris avant
l'été 1871. Il faut remarquer toutefois que ce document est
lacunaire pour la période allant de mai à octobre 1868.
-
Jérôme Pontarollo (20/11/2004)
Excusez-moi pour la lenteur de ma réponse, mais j'étais
à Lyon. Effectivement, votre
journal de John Pradier est une très belle pièce concernant
l'histoire de l'art français du XIXe siècle. Ce qui m'a séduit dans ce document, c'est le fait qu'il s'agit d'un témoignage
vivant de la vie des artistes de cette époque; on est loin des
biographies et autres livres qui étaient consacrés à ces
hommes au début du XXe siècle (souvent écrit à la hâte
et avec finalement très peu de recherche je dis ça
par rapport à la biographie de Giacomotti par Estignard
faite en 1909).
Concernant Sylvain Duchêne, il vient de m'écrire et je
pense qu'il serait très intéressé par les deux portraits
de la famille Pradier. L'exposition commence d'ailleurs à
devenir beaucoup plus importante que prévu (déjà trois
collectionneurs prêtent généreusement leurs uvres de
Giacomotti pour l'exposition, alors qu'un seul était prévu
il y a à peine un mois).
A propos du tableau de Jésus au milieu des docteurs (il s'agit en fait, d'une huile sur toile et non
d'une fresque, même si John Pradier parle effectivement de
fresques dans son journal), j'ai daté celui-ci de 1868, mais
il s'agissait d'une simple déduction par rapport aux
critiques de l'époque et des écrits d'Estignard (toujours
très vagues et parfois faux). D'après le journal de John
Pradier et les informations dont vous disposez, nous pouvons
dire que le tableau date de l'année 1867 (A moins que John
n'ait posé en début de l'année 1867 et que Giacomotti
n'ait pu terminer le tableau qu'en 1868, faute de
temps
une nouvelle séance de pose aurait pu se faire
durant la période mai-octobre 1868?). Quoi qu'il en soit la
datation gagne en précision et je vous en remercie.
-
Douglas Siler (31/3/2005)
A moi cette fois de m'excuser de la lenteur
de ma réponse! [...] J'ai correspondu avec Sylvain Duchêne
au sujet des portraits par Giacomotti conservés par la
famille Pradier mais il ne m'a pas dit s'il a pu les avoir
pour l'expo. Concernant la
datation de Jésus au milieu des docteurs, j'avais
conclu pour ma part que John a dû poser pour l'un des
personnages peu de temps après son retour définitif de
Genève, au début de l'été 1871, car il affirme dans son
journal avoir posé étant seul à Paris, avant le retour de
sa femme et de ses enfants restés encore quelque temps en
Suisse.
Merci pour les renseignements sur votre
maîtrise, sur la création de votre site, etc. Travaillez-vous
encore au musée de Brou (qui possède des uvres de
Pradier)?
-
Jérôme Pontarollo (5/4/2005)
L'exposition sur Giacomotti à Étampes ne présente
pas les portraits de la famille Pradier (du moins à ma
connaissance). Je me rend sur place vendredi et je ferai une
conférence samedi à la salle municipale. Le vernissage,
quant à lui, aura lieu dimanche matin. Je me permets de vous
faire parvenir une copie du texte qui me servira pour ma
conférence, ainsi que le texte du Lion's Club qui compose
leur cahier entièrement dédié au peintre.
En ce qui me concerne je suis toujours médiateur
culturel au Musée de Brou (qui, à ma connaissance, n'a pas
d'uvres de James ou John Pradier...mais je vais faire
des recherches plus approfondies, je vous tiens au
courant).
-
Douglas Siler (7/4/2005)
J'ai reçu de la Mairie d'Étampes le
cahier du Lion's Club, que j'ai tout de suite lu d'un
bout à l'autre avec beaucoup d'intérêt. Toutes mes
félicitaions pour ce beau travail. Je regrette seulement que
vous n'ayez pas pu évoquer les relations entre Giacomotti et
John Pradier, ni les tableaux de Saint-Étienne-du-Mont.
Mais cette lacune est comblée tant soit peu par la
publication en ligne de nos messages. Bonne chance pour
votre conférence samedi.
A propos des uvres de Pradier au musée de Brou à
Bourg-en-Bresse, il y en a au moins deux: un plâtre du petit
groupe intitulé L'Amour et Psyché, légué au
musée par un élève de Pradier (Roubaud), ainsi qu'un
exemplaire en bronze de ce même groupe. Vous
trouverez des indications là-dessus dans mes échanges avec
l'antiquaire John-Paul Bogart (Forum, 18 mai 2004).
-
Jérôme Pontarollo (12/4/2005)
Bonsoir, je suis de retour à Bourg-en-Bresse
et je peux désormais consulter mes messages et par
conséquent vous répondre. L'exposition a été un franc
succès (environ 120 personnes au vernissage le dimanche et
70 personnes à ma conférence du samedi). J'ai vraiment
passé un très bon week-end et je crois qu'à cette occasion
les étampois ont redécouvert Giacomotti et se sont
enthousiasmés d'avoir une nouvelle personnalité en rapport
avec leur ville. D'ailleurs, ils s'intérrogent sur la
possibilité de restaurer la tombe du peintre, qui disparaît
d'année en année. Merci pour vos compliments concernant le
cahier du Lion's club, il est vrai qu'ils ont fait du très
beau travail avec mon texte (je ne m'attendais pas à tout
ça...).
Pour en revenir à James Pradier, il n'apparaît pas dans le
cahier car il fallait rester dans le contexte régional et donc
parler exclusivement des relations de Giacomotti avec la
famille Vivaux (le fils de François Vivaux était présent avec
son épouse à la conférence, c'est une personne qui m'a
beaucoup aidé au début de mon mémoire et il était normal
qu'il soit présent et que je parle de ses toiles).
-
Douglas Siler (14/4/2005)
Merci pour les nouvelles du vernissage et de votre
conférence. Je suis ravi de savoir qu'ils
ont suscité tant d'intérêt. Etes-vous content de
l'exposition elle-même, du choix des tableaux, etc.? Au
fait, combien de tableaux sont exposés, et lesquels? Je ne
trouve aucune description de l'exposition sur Internet.
Dans votre plaquette du Lion's Club, vous mentionnez qu'il y
avait trois ou quatre cents portraits sur les murs de la salle à
manger de la Villa Médicis, parmi lesquels se trouvaient ceux
peints par
Giacomotti des pensionnaires arrivés en même temps que lui.
A ce propos avez-vous consulté la Correspondance des
directeurs de l'Académie de France à Rome publiée
par Georges Brunel (Edizioni Dell'Elefante, 1979)? Le vol. I
(Répertoires) reproduit tous ces portraits (460 en
tout), dont celui de Giacomotti lui-même (inscrit
« Giacomotti peintre, 1854 ») et trois autres
signés par lui (Paul Émile BONNET, architecte, 1854;
Théodore Pierre Nicolas MAILLOT, peintre, 1854;
Jean-Baptiste CARPEAUX, sculpteur, 1854). Il y a
probablement des documents
intéressants concernant Giacomotti dans les archives de la
Villa Médicis, que j'ai compulsées avec profit pour
Pradier il y a beaucoup d'années. Mais pour cela il vous
faut aller sur place!
Dans un de mes mails précédents je vous ai écrit
par erreur, je crois, sur la base d'un renseignement inexact
trouvé dans mes dossiers, que Giacomotti avait étudié
comme John Pradier à l'atelier de Charles Gleyre. Il faut
néanmoins retenir le fait que, selon les adresses données
par John dans son journal, il aurait occupé l'ancien atelier
de Gleyre, rue de Vaugirard 69 (VIe arrondissement), dans les années 1870.
Concernant l'Amour et Psyché de Pradier au
musée de Brou, si vous aviez facilement accès aux réserves
du musée et si vous en aviez le temps, je vous demanderais
de vérifier un jour deux ou trois petits détails sur le plâtre. Des
photos du plâtre pourraient aussi être utiles. A part ça, j'aimerais éventuellement avoir une copie de la fiche
d'inventaire et de tout autre documentation que vous pourriez
trouver au musée. Merci!
-
Jérôme Pontarollo (21/4/2005)
Concernant le groupe de l'Amour et Psyché
de Pradier qui est conservé à Brou, j'en ai
informé la documentaliste (Mme Michèle Duflot). Elle vous
communiquera les informations via votre messagerie Internet.
Les photos du plâtre seront plus délicates et il faudra
attendre quelque temps pour les avoir (je n'ai pas accès aux
réserves directement, je dois demander au régisseur
des uvres je lui en ai parlé, mais nous
sommes en pleine préparation d'une exposition sur le
trompe-l'il et il manque de temps
).
Pour les œuvres de l'exposition Giacomotti, certaines
apparaissent dans le compte rendu publié par Jérôme
Montcouquiol sur La tribune de l'Art. Personnellement j'ai été satisfait des tableaux.
Dans le désordre:
-
-
Abraham lavant les pieds aux anges (il est superbe);
-
les portraits de la famille Vivaux (très beaux pour certains (il y en avait 4), il y avait même les dessins et les esquisses préparatoires (3 en tout) pour le Portait de M. François Vivaux);
-
La Sainte Famille (une esquisse et le grand
dessin préparatoire du musée dÉtampes: les deux images que lon voit sur le site de La tribune de lArt);
-
LAmour altéré (appartient à M.Vivaux, joli mais un peu trop petit à mon goût).
-
Portrait de Jules Didier (microscopique
);
-
etc.
(les tableaux présents dans la plaquette du Lion's Club pour certains et le site Internet).
-
J'ose espérer que l'exposition va jouir des uvres du musée qui
étaient en restauration lors du vernissage (La
Giottina, Portrait de Jules David,
Portrait de M. Melet, Portrait de Joséphine
Magne). Après leur retour elle n'en sera que plus
belle et plus complète. En résumé, l'exposition a très bien
marché et elle aura permis de restaurer toutes les œuvres de Giacomotti conservées au musée
municipal d'Étampes. En cela, je suis pleinement satisfait.
Merci pour votre bibliographie, je n'avais jamais
consulté ces livres, je vais donc chercher ces ouvrages
aussi vite que possible (c'est parfois très dur de les
trouver, même à Lyon...).
-
Fannie Bourgeois (Paris, Piasa, Département Photographie, 20/11/2015)
Dans le cadre de notre vente « Photographies : Artistes & Interprètes » du jeudi 3 décembre 2015, j'attire notamment votre attention sur le lot n° 140, photo d'Edmond Bénard (1838-1907) représentant Félix Henri GIACOMOTTI dans son atelier, années 1880-1900:
-
-
L'exposition des lots aura lieu au 118, rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, samedi 28 nov. de 11h à 19h, puis du lundi 30 nov. au mercredi 2 déc. de 10h à 19h et jeudi 3 déc. de 10h à 12h. Vous pouvez consulter le catalogue ici.
-
Douglas Siler (21/11/2015)
Merci pour ces informations. L'atelier dans cette photographie pourrait être celui du 69, rue de Vaugirard évoqué par John Pradier dans ses « Cahiers des enfants » (voir Annexe B ci-dessous). Le grand tableau pendu à droite représente Vénus et l'Amour et figure parmi les œuvres de Giacomotti reproduites sur le site de Jérôme Pontarollo (voir ici). Le grand portrait en pied pendu au-dessus du peintre serait peut-être celui que John a vu dans l'atelier le 30 déc. 1877 « d'une dame étrangère debout dans un oratoire, un livre de messe et un chapelet à la main [...] principalement charmant par son recueillement et sa distinction ». Parmi les petites sculptures alignées sur l'étagère, la 2e à partir de la gauche ne semble pas être le buste de l'astronome Urbain Le Verrier par Pradier (cat. Claude Lapaire, n° 321) vu par John à la même date. La statuette debout au milieu semble être une Vénus de Milo. Je n'ai pas pu identifier les autres œuvres visibles sur la photographie.
-
Jérôme Pontarollo (29/12/2016)
Concernant la photographie de l'atelier de Félix-Henri Giacomotti, je me permets de vous contacter pour vous fournir de plus amples informations. Selon les « Cahiers des enfants » de John Pradier cités en Annexe B, Giacomotti résida au 69 rue de Vaugirard jusqu'en 1875 ou 1876, puis s'installa au numéro 59 en 1876 ou 1877. En fait, il résida au numéro 69 de 1863 à 1868, voire même au-delà, puis au numéro 59 de 1873 à 1890, année de son départ définitif pour Besançon. Ces dates d'occupation des deux adresses correspondent aux annotations biographiques que l'on trouve dans les livrets du Salon. Giacomotti participant chaque année au Salon, il est relativement facile de savoir où il réside chaque année. Bien qu'étant installé en Franche-Comté, il garda son appartement du 59 rue de Vaugirard pour ne pas rompre totalement avec ses anciennes connaissances. La photographie correspond au numéro 59 et non au numéro 69 comme cité.
Je ne remets pas en cause les dires de John Pradier car il est tout à fait possible que Giacomotti logea aux deux adresses quelque temps, l'une pour sa vie artistique, l'autre pour sa vie de famille. Cela reste toutefois une hypothèse.
Les deux grands tableaux suspendus dans l'atelier sont le portrait de Dolores Madan, marquise de San Carlos de Pedroso et Vénus et l'Amour. Je vous envoie en pièce jointe (voir ici) les deux fiches de ces œuvres et celle du portrait de John Pradier que vous m'aviez permis de réaliser il y a de ça plusieurs années déjà. Les autres œuvres visibles sur la photographie me sont inconnues.
-
Douglas Siler (6/1/2017)
Près de douze ans s'étant écoulés depuis nos derniers échanges, cela me fait plaisir de voir que vous n'avez pas oublié votre peintre, et suite aux informations que vous venez d'ajouter je me suis amusé à faire quelques nouvelles recherches sur lui, notamment en ce qui concerne ses adresses.
Comme vous l'avez signalé, les livrets du Salon numérisés, pour la plupart, dans la base Gallica de la BnF les signalent d'année en année, jusqu'à sa mort en 1909. Voici toutes celles que j'ai pu y relever:
-
-
1849: 88, rue Saint-Germain-l'Auxerrois.
-
1859: A Rome, villa Médicis (Académie de France).
-
1864: Rue de Lafayette, 34.
-
1865-1869: Rue de Vaugirard, 69.
-
1870-1890: Rue de Vaugirard, 59.
-
1891-1894: Au musée à Besançon et à Paris, rue de Vaugirard, 59.
-
1895: A Besançon (au Musée).
-
1897-1898: A Besançon.
-
1899-1900: A Besançon, au Musée.
-
1901: A Besançon (Doubs), rue Charles-Nodier, 8.
-
1902: A Besançon (Doubs), au Musée, et rue Moncey, 9.
-
1904-1909: A Besançon (Doubs), rue Moncey, 9.
-
Ainsi, pour la rue de Vaugirard les livrets indiquent que de 1865 à 1869 il était installé au no 69 et de 1870 à 1894 au no 59, ayant conservé cette derrnière adresse pendant quatre ans après son départ pour Besançon en 1890. Cependant John affirme lui avoir fait une visite le 5 octobre 1874 « à son atelier 69 rue de Vaugirard ». Puis, le 16 avril 1875, il va « chez Giacomotti, 69 rue de Vaugirard ». Le 2 décembre 1878, par contre, il le trouve au 59, en train de dessiner d'après un modèle, et le 23 décembre 1879 il va le voir « à son atelier, 59 rue de Vaugirard ». Il semble donc qu'à partir de 1870 Giacomotti ait maintenu un atelier aux deux adresses jusqu'en 1875 tout au moins et peut-être jusqu'en 1878.
A ce propos j'avais négligé de citer dans l'Appendice B mais je l'y insère maintenant à sa place un extrait des « Cahiers des enfants » daté du 17 février 1874 où John mentionne qu'il a donné à son jeune fils Jules « un beau pinceau » provenant de la boîte à couleurs qu'il avait lorsqu'il était « à l'Atelier des élèves de Mr Gleyre 69 rue de Vaugirard (atelier occupé en ce moment par notre ami Giacomotti) ».
Le chiffre « 69 » est écrit très clairement et John ne se trompe pas car c'était bien à cette adresse, comme plusieurs sources le confirment, que Charles Gleyre (Chevilly [Vaud] 1806 Paris 1874) avait son atelier d'enseignement. Voir par exemple le « lexique artistique » du site oneartyminute.com:
-
|
ACADÉMIE ATELIER CHARLES GLEYRE.
Créé par le Suisse Charles Gleyre au 69 rue de Vaugirard, l’Atelier est fréquemment confondu avec l’Académie Suisse, en raison de la nationalité de Gleyre mais aussi parce que son Atelier fut fréquenté par les futurs Impressionnistes: Alfred Sysley [sic], Frédéric Bazille, Claude Monet, Auguste Renoir. En réalité, ce sont plus de 500 élèves qui purent recevoir un enseignement dans cet atelier, hérité du peintre Delaroche, parmi lesquels Jean Léon Gérôme, Jean-Louis Hamon et Henri-Pierre Picou.
|
|
-
Outre ce qu'il en dit dans ses « Cahiers », John figure sur un tableau conservé au Petit-Palais qui regroupe 43 portraits de peintres de l’atelier de Gleyre (voir ici). Il connaissait donc bien cet atelier et ne pouvait pas ne pas le reconnaître lorsqu'en 1874-1875 il y rend visite à Giacomotti.
Si une certaine confusion règne à propos de sa localisation, ce n'est pas seulement à cause de l'Académie Suisse (atelier dirigé par Charles Suisse, quai des Orfèvres, dans l'Île de la Cité) mais aussi sans doute parce que Gleyre en avait un deuxième juste autour du coin, au 70-70bis rue Notre-Dame-des-Champs, pour ses travaux personnels.
Je n'ai pas encore pu vérifier si, avant Gleyre, l'atelier du 69 rue de Vaugirard avait été celui de Paul Delaroche. Par contre fait bien curieux c'est à la même adresse que le musicien et pédagogue Alexandre Choron (Caen 1771 Paris 1834), oncle de Louise Pradier et donc grand-oncle de John (il était le frère de la mère de Louise, Claire d'Arcet, née Claire Choron), avait installé en 1825 sa célèbre académie de musique classique et religieuse (voir à ce propos l'article Wikipedia sur Choron).
Malheureusement le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet ne fournit aucune information sur les numéros 59 et 69 de cette rue. Au 70bis rue Notre-Dame-des-Champs il signale l'atelier de Léon Gérôme et quelques autres mais ne mentionne pas Gleyre. Pour de plus amples détails il faudrait voir l'ouvrage monumental de William Hauptman, Charles Gleyre, 1806-1874: Biography and Catalogue Raisonné (Zurich et Princeton, 1996, 2 vol., 988 pages). Hauptman a également publié une étude (accessible en ligne aux abonnés du site JSTOR) sur « Delaroche's and Gleyre's Teaching Ateliers and Their Group Portraits » qui pourrait peut-être nous renseigner aussi sur les ateliers de ce peintre.
Faisons maintenant un retour aux livrets du Salon pour voir si des artistes autres que Giacomotti y sont cités avec une adresse au 59 ou au 69 de la rue de Vaugirard. Comme peintres, je n'en trouve que trois:
-
-
1833: DUVAL (V.), 59 bis, r. de Vaugirard.
-
1834: HORSIN, 59, r. de Vaugirard.
-
1875: ZUBER (Jean-Henri), né à Rixheim (Alsace), élève de Gleyre. Rue de Vaugirard, 59.
-
Et parmi les sculpteurs un seul, en 1869 et en 1875:
-
-
1869: JOUANDOT (Amédée), né à Bordeaux, élève de Duret et de M. Jouffroy. Rue du 29 Juillet, 3, et rue de Vaugirard, 69.
-
1875: JOUANDOT (Amédée), né à Bordeaux, élève de Duret et de M. Jouffroy. Rue du 29 Juillet, 3, et rue de Vaugirard, 69.
-
Mais les livrets du Salon ne sont pas la seule source pour les adresses des artistes. On peut se reporter aussi aux annuaires de commerce, et notamment, pour le second XIXe siècle, à l'Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration: ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers de Firmin-Didot. Comme les livrets, cet ouvrage est égalemenet numérisé dans la base Gallica et les volumes disponibles entre 1857 et 1898 (les années 1864-1869, 1871-1879, 1881-1882 et 1888-1892 étant en déficit) apportent sur Giacomotti des renseignements très utiles.
Absent des volumes pour 1860 et 1861, il figure en 1862 et en 1863 avec la même adresse qu'en 1864 dans le livret du Salon: rue de Lafayette, 34. C'est donc là qu'il s'était installé après son retour de la Villa Médicis, avant d'emménager en 1865 au 69 rue de Vaugirard.
Sautant ensuite à 1870 (la prochaine année numérisée dans Gallica), on a la surprise de le trouver avec deux adresses différentes, à savoir: « St.-Placide, 49; ateliers, Vaugirard, 59 ». Ces mêmes adresses sont répétées en 1880, 1883 et 1884. Par la suite son nom est remplacé par un autre au 49 rue St-Placide. On peut en conclure que pendant cette période, de 1870 à 1884, il avait son domicile rue St-Placide et ses ateliers car apparemment il y en avait plus d'un au n° 59 de la toute proche rue de Vaugirard.
A partir de 1870 l'annuaire Firmin-Didot répertorie les noms des habitants de Paris non seulement par métiers mais également par adresses. Là il est particuièrement intéressant de constater que si Giacomotti figure seul au 49 rue St-Placide, il partage le 59 rue de Vaugirard avec plusieurs autres locataires. Ainsi sont listés, en 1870, trois commerçants et deux peintres:
-
-
Colin (Vve) et Doulé, appareils à gaz.
-
Didier (Jules), peintre-artiste.
-
Giacomotti (F.), peintre-artiste.
-
Herremann (B.), vins.
-
Les années 1871-1879 n'étant pas disponibles, il faut regarder ensuite l'année 1880. Pour cette année le nombre d'artistes au 59 a considérablement augmenté. Outre les commerçants, trois peintres et cinq sculpteurs occupent maintenant la maison:
-
-
Corbel et Chervet, sculpteur-statuaires.
-
Didier (Jules), peintre-artiste.
-
Doulé ainé, appareils à gaz.
-
Fagel de Villez, sculpteur-statuaire.
-
Giacomotti (F.), peintre-artiste.
-
Guilbert (E.C.D.), sculpteur-statuaire.
-
Jouandot (Amédée), sculpteur-statuaire.
-
Lecliarpantier [?], vins-traiteur.
-
Wagrez, peintre-artiste.
-
On reconnaît dans cette liste le nom du sculpteur Jouandot pour l'avoir déjà repéré ci-dessus, avec la même adresse, dans les livrets du Salon de 1869 et de 1875.
En 1883 un nommé Gerlié, inspecteur des finances, intègre le groupe tandis que le commerçant Lecliarpantier [?] est remplacé par Durupt et le peintre Fagel de Villez par le peintre D'Haleim. Ces mêmes locataires sont encore là en 1884. L'année suivante l'inspecteur des finances cède sa place au peintre Zubert vraisemblablement le Jean-Henri Zuber repéré plus haut dans le livret du Salon de 1875 et en 1886 le peintre D'Haleim disparaît de la liste. L'année 1887 étant incomplètement numérisée et les années 1888-1892 étant en déficit, il faut se reporter ensuite à l'année 1893. Là la liste se présente comme suit:
-
-
Corbel, sculpteur-statuaire.
-
Durupt, vins-traiteur.
-
Fourcade fils (E.), tapioca universel, chicorée, chocolat avec primes.
-
Guédy (Louis) O. *)*, artiste-peintre.
-
Guilbert (E.C.D.), sculpteur-statuaire.
-
Zuber (J.), peintre-art..
-
Giacomotti est curieusement absent. Mais son nom réapparaît avec ces mêmes locataires dans l'annuaire de 1894. Je ne le trouve pas en 1896 (l'annuaire de 1895 n'étant pas numérisé), ni en 1897 ou en 1898. En contrepartie, Corbel, Guédy, Guilbert et Zuber s'y trouvent toujours en 1898, rejoints par le sculpteur A. Lambert et par les peintres Étienne-Eugène Leroux et Gabriel de Cool. Jusqu'à la fin du siècle donc, et probablement bien au-delà, le 59 rue de Vaugirard a continué à abriter plusieurs artistes.
Aujourd'hui le 59 se trouve au coin du boulevard Raspail (voir ici) et le 69 plus au sud, de l'autre côté de la rue de Rennes (voir ici). Pour autant qu'on puisse en juger d'après les façades, les maisons anciennes ont disparues. Par contre, la maison du 49 rue St-Placide où Giacomotti aurait eu son domicile semble être d'époque (voir ici). Il est possible toutefois c'est à vérifier que la numérotation actuelle des deux rues ne corresponde plus à celle du XIXe siècle.
Pour revenir à la photographie réalisée par Edmond Bénard (1838-1907), l'article Wikipedia consacré à ce photographe (voir ici) précise qu'il « est réputé pour sa série de vues d'ateliers d'artistes contemporains (Artistes chez eux), prise dans les années 1880-1890 [...] qu'il dépose à la Bibliothèque nationale de France entre 1890 et 1899 ». Ainsi, étant donné que Giacomotti semble n'avoir plus travaillé au 69 de la rue de Vaugirard après 1880, vous avez sans doute raison de dire que la photographie a dû être prise au 59. Cependant, ce n'est pas la seule photographie de Bénard pour laquelle il a posé. Il y a aussi celle-ci, reproduite dans le catalogue de la vente Christie's, Paris, du 14 septembre 2016, lot 101:
-
-
Pour faciliter la comparaison, voici les deux photos côte-à-côte:
-
-
A part le fait que Giacomotti porte apparemment le même costume sur les deux, je ne distingue aucun élément qui leur soit commun, sauf peut-être la chaise placée sur le tapis dans la deuxième, identique, semble-t-il, à la chaise sur laquelle il est assis dans la première. S'agirait-il de deux coins différents de la même pièce? C'est possible. A moins qu'il ne s'agisse de deux pièces différentes dans la même maison puisque, comme on l'a vu plus haut, l'annuaire Firmin-Didot signale pour lui, au 59 rue de Vaugirard, non pas un atelier mais des ateliers, au pluriel. En tout cas la deuxième photographie montre de nombreuses œuvres du peintre, absentes de la première, qu'il serait intéressant d'identifier. Y en aurait-t-il parmi elles que vous reconnaissez?
A noter que la Bibliothèque de l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA), qui vient d'ouvrir ses portes dans la salle Labrouste restaurée de la BnF, rue de Richelieu, conserve un important fonds de photographies d'atelier d'artistes par Edmond Bénard (4 tomes numérisés ici). Ce fonds a été augumenté en 2014 par l'acquisition d'un nouvel album de 61 épreuves (description ici et ici) datant de la même époque.
Pour terminer, une petite rectification concernant le portrait de John Pradier par Giacomotti. Sur votre fiche vous écrivez:
« John avait suivi une formation artistique dans ses jeunes années et était devenu l’ami de nombreux artistes [...]. Il était également peintre et sculpteur à ses heures. » Au fait, ayant suivi une formation de peintre et de musicien, John n'a jamais fait de la sculpture. Pendant son long séjour à Genève, de 1867 à 1871, il composa de nombreuses pièces pour piano et voix ainsi qu'une symphonie. Par la suite, après son retour définitif à Paris, il s'est consacré principalement à la peinture. La famille Pradier conserve une liste établie par lui de ses compositions musicales (certaines ayant été publiées) tandis que ses peintures sont souvent évoquées et parfois sommairement copiées dans ses « Cahiers des enfants ».
-
Jérôme Pontarollo (9/1/2017)
Pour une bonne surprise c'est une bonne surprise. Je suis admiratif de tout le travail fourni et en si peu de temps. De mon côté j'ai fait quelques recherches et je vous envoie en pièce jointe mes fiches (voir ici) concernant un portrait du peintre Jules Didier et deux œuvres L’enlèvement d’Amymoné et Nymphe et centaure que j'ai pu identifier sur la deuxième photographie d'atelier. Vous remarquerez que la présence de Nymphe et centaure permet de dater cette photographie vers 1879-1880 et par conséquent de dire qu'elle correspond au numéro 59 de la rue de Vaugirard. Je ne pense pas qu'il s'agisse de la même chaise sur les deux photographies. Mais comme vous le faites remarquer, il peut très bien s'agir du même atelier vu sous deux angles différents ou de deux ateliers distincts. En tout cas, votre recherche sur les adresses de Giacomotti va me permettre d'enrichir ma biographie (soyez assuré de trouver votre nom en note de bas de page).
-
Douglas Siler (15/1/2017)
Merci pour ces nouvelles fiches qui permettent d'identifier sur la deuxième photographie, en haut, à droite, Nymphe et centaure et, directement en-dessous, entouré d'un cadre oval, L’enlèvement d’Amymoné. Vous avez bien fait d'inclure aussi une fiche pour le portrait du paysagiste Jules Didier, non visible sur la photographie. Comme vous l'avez déjà souligné au début de nos échanges, John Pradier le mentionne dans ses « Cahiers des enfants » sous la date du 5 mai 1877 (extrait cité en Annexe B ci-dessous), l'ayant croisé dans la rue en compagnie de Giacomotti:
-
|
De là chez Giacomotti que je croise rue de Vaugirard au carrefour de Rennes à deux pas de son atelier et de son chez lui. Il était avec Didier, un paysagiste Prix de Rome, que j'ai connu à Rome lors de mon voyage il y a 20 ans.
|
|
-
Le fait que John rencontre Didier et Giacomotti ensemble à cet endroit n'est pas surprenant puisque l'annuaire Firmin-Didot les signale tous deux au 59 rue de Vaugirard, non loin de la rue de Rennes. A noter en passant que c'est la seule adresse signalée pour Didier tandis que le domicile de Giacomotti rue St-Placide, tout près de là, est également indiquée. Il est donc probable que Didier y avait son atelier et qu'il y logeait aussi.
John mentionne dans ce même extrait qu'il l'avait connu à Rome vingt ans auparavant, donc en 1857. Ailleurs dans ses « Cahiers » il précise que ce fut effectivement en 1857 qu'il y avait séjourné, âgé de « 21 ans environ » (il est né le 21 mai 1836). Ainsi, Didier ayant obtenu le Prix de Rome cette année-là, probablement au mois de septembre (à vérifier), leur rencontre a dû avoir lieu au cours des trois derniers mois de l'année. Au cours de ce même séjour John a aussi rencontré Giacomotti, Prix de Rome en 1854, comme il se le rappelle sous la date du 3 avril 1877: « J'ai connu Ed[mond] About en Italie. Nous avons visité ensemble en voiturin, avec Giacomotti, Louis David, Dugué de la Fauconnerie, le pays de l'Ombrie, Assise, etc.... etc.... »
A propos du portrait de Didier, puis-je vous demander combien d'œuvres de Giacomotti vous avez répertoriées jusqu'ici et si vous lui avait consacré d'autres écrits depuis votre contribution à l'exposition d'Étampes en 2005? Par ailleurs, travaillez-vous toujours au musée de Brou?
-
Jérôme Pontarollo (19/1/2017)
Pour l'heure, j'ai répertorié et réalisé la notice de 173 œuvres de Giacomotti (peinture, carnet, gravure, dessin...) et il me reste environ une bonne vingtaine d'œuvres à faire (ces œuvres m'apparaissent par le biais des sites d'enchères ou par le biais des collectionneurs qui prennent directement contact avec moi). Une fois ce travail fait, le catalogue raisonné comptera pratiquement 200 œuvres. Parallèlement j’enrichis la biographie du peintre avec des recherches personnelles. Dernièrement j'ai « épluché » tout Gallica concernant Giacomotti mais je n'ai pas trouvé le temps de passer à la partie rédactionnelle. Depuis l'exposition à Étampes, je n'ai rien publié de nouveau sur lui. J'effectue ce travail uniquement en tant que passionné et spécialiste du peintre et non pas dans le cadre d'un livre ou d'un diplôme.
Oui, je suis toujours médiateur culturel au monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse. J'ai intégré l'équipe du musée en tant qu'historien de l'art et j'ai réalisé deux expositions en tant que commissaire. La première intitulée Armand Bernard, peintre paysagiste portait sur Armand Bernard (1829-1894) qui fut grand prix de Rome en 1854 en même temps que Giacomotti mais dans la catégorie du paysage historique. La deuxième intitulée Gustave Doré, un peintre né portait sur Gustave Doré (1832-1883) en tant que peintre; un aspect méconnu de Doré et plus particulièrement du public français. J'ai également mené d'autres missions pour le musée. Toutefois, l'essentiel de mon travail reste l'accueil des publics (adultes, scolaires et spécifiques).
Merci encore pour votre aide et la mise en lumière sur Giacomotti via votre site. Si à l'avenir vous obtenez d'autres informations à son sujet, je vous serai reconnaissant de me les communiquer. Je ferai de même pour vous avec Pradier.
-
Douglas Siler (20/1/2017)
Bravo pour votre travail sur Giacomotti et vos activités au musée de Brou. Ces informations ne manqueront pas d’intéresser les lecteurs de nos échanges.
A propos des œuvres de Giacomotti, j’imagine qu’il en a produit beaucoup plus que 200, compte tenu de la longueur de sa carrière plus de 50 ans , mais que beaucoup d’entre elles ont disparu ou n’ont pas encore été repérées. Il faudrait tout de même faire une place dans votre catalogue à celles, non encore identifiées, qui apparaissent sur les deux photographies de son atelier.
A tout hasard je vous signale mais vous les connaissez déjà, probablement deux esquisses de Giacomotti dans une collection de 31 esquisses pour le concours du Prix de Rome ayant appartenu à son maître, François-Édouard Picot, mises en vente chez Sotheby’s le 17 juin 2015 et préemptées par le Musée d'Orsay (voir ici et ici).
Quant à Gallica, j’ai souvent constaté que son moteur de recherche ne trouve pas tout, loin de là, soit que certains ouvrages numérisés ne sont pas interrogeables, soit que, pour une raison ou une autre, ils ne le sont que partiellement et les résultats de la recherche sont incomplets. Il est souvent très difficile, par exemple, de repérer dans l’annuaire Firmin-Didot les adresses de telle personne repértoriées par rues. Là la seule solution consiste parfois à « ouvrir » le volume à une page quelconque, quitte ensuite à avancer ou à reculer jusqu’à ce qu’on tombe sur la rue qu’on cherche. Mais c’est tout de même, bien entendu, un outil formidable. J’ai encore le souvenir de l’époque où il fallait utiliser des heures pour commander et consulter sur place, à la BnF, les originaux des annuaires et des livrets du Salon…
-
Trois tableaux de Félix-Henri Giacomotti dans
l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris
(extraits du catalogue raisonné établi par Jérôme Pontarollo)
|
|
|
I. Jésus bénissant les enfants,
vers 1867, huile/toile, H. env. 3,5 x L. env. 2,5 m.
Historique:
Ce tableau datant de 1867 fut commandé à
Giacomotti avec deux autres toiles religieuses
intitulées Jésus au milieu des docteurs
et La Pentecôte. Il représente Jésus
à droite, assis sur une chaise à l'intérieur
d'une petite maison, bénissant à l'aide
de ses deux mains, deux enfants. A gauche,
plusieurs femmes avec leurs enfants attendent
leur tour, l'une d'elle au seuil de la
porte se retourne pour regarder si d'autres
personnes viennent demander la bénédiction au
sauveur. Dans le fond du tableau, un groupe de
trois hommes assiste à la scène. Giacomotti fait ici
preuve de son talent habituel à représenter les
femmes italiennes, mais également de son talent
de coloriste, notamment avec le rouge et le bleu
très présent dans l'uvre. La seule
faiblesse de ce tableau réside dans son décor
extrêmement pauvre; c'est pour cette
raison que le peintre a trouvé utile de peintre
dans le fond un groupe d'hommes.
Malheureusement, ceux-ci se ressemblent
étrangement,
peut-être en raison de l'utilisation d'un
même patron, comme le souligne Charles Beauquier
dans sa critique. Présenté au Salon de 1867, ce
tableau ne connaîtra pas un grand succès, la
peinture religieuse étant au milieu du
XIXe siècle, totalement tombée en désuétude.
Bibliographie:
Mantz (P), « Salon de 1867 » in
Gazette des Beaux-Arts, tome XXII,
Paris, Imp. de J. Claye, 1867, pp.525-526.
Beauquier (C), « Les artistes francs-comtois
aux deux expositions de 1867 » in Revue
littéraire de la Franche-Comté, vol. IV,
Besançon, Imp. Outhenin Chalandre, 1867, p.374.
Estignard (A), Giacomotti, sa vie ses
uvres, Besançon, Imp. Joseph Jacques,
1911, p.49.
II. Jésus au milieu des docteurs,
vers 1868, huile/toile, H. env. 3,5 x L env. 2,5 m.
Historique:
Ce tableau datant probablement de la fin des années
1860, fut commandé à Giacomotti avec deux
autres toiles religieuses, intitulées, Jésus
bénissant les enfants et La
Pentecôte.
Il représente Jésus adolescent, au centre du
temple de Jérusalem, entouré par des docteurs.
Le jeune homme parle aux adultes et lève la main
droite comme pour appuyer ses propos. Ceux-ci
l'écoutent
avec attention, tandis que Marie et Joseph situés
à gauche du tableau, se précipitent pour
retrouver leur enfant. En effet, selon les écrits
religieux, après un voyage en famille à Jérusalem,
Jésus s'enfuit sans raison apparente. Après
trois jours de recherches infructueuses, ses
parents le retrouvèrent au temple, en train de
donner des leçons aux différents docteurs de la
ville. Par leur souffrance, Marie et Joseph
venaient d'accomplir la prophétie du
vieillard Syméon, annoncée lors de la consécration
de Jésus au temple.
Bibliographie:
Estignard (A), Giacomotti, sa vie ses
uvres, Besançon, Imp. Joseph Jacques,
1911, p.49.
III. La Pentecôte,
vers 1870, huile/toile , H. env. 3,5 x L env. 2,5 m.
Historique:
Ce tableau également appelé La
descente du Saint-Esprit date
approximativement de 1870 et fut présenté au
Salon de la même année. Commandé à Giacomotti
avec deux autres toiles religieuses intitulées
Jésus
bénissant les enfants et Jésus au
milieu des docteurs, il représente Jésus
debout sur une estrade, entouré de plusieurs
personnages. Levant les bras au ciel, il ne
semble pas effrayé par les éclairs qui
surgissent d'un nuage, situé au-dessus de
sa tête. Parmi les autres personnages, certains
tendent les mains vers lui, d'autres
semblent prier. Au centre, la Vierge Marie est
assise. Malgré son titre, ce tableau de
Giacomotti ne fait pas allusion à Moïse, au
mont Sinaï, ou aux tables de la Loi, mais à la
descente du Saint-Esprit sur les croyants, le
jour de la Pentecôte, annoncée par l'apôtre
Pierre. Celui-ci devait baptiser tous les
repentis et les habiter pour toujours.
Nous devons signaler qu'une esquisse de ce
tableau sera vendue à la vente après décès.
Bibliographie:
Catalogue des tableaux et dessins composant
l'atelier F-H Giacomotti, vente
publique; Paris, Hôtel Drouot Salle 6, 17 mars
1910, p.17.
Estignard (A), Giacomotti, sa vie ses
uvres, Besançon, Imp. Joseph Jacques,
1911, p.49.
|
|
-
Félix-Henri Giacomotti dans les « Cahiers des enfants » de John Pradier 1
|
|
|
24 nov. 1872
Francis 2
et moi nous allons à pied chez
Giacomotti voir sa copie du Corrège faite à
Londres (Vénus, Mercure et l'Amour).
9 janv. 1874
Retenu au bureau, il est trop tard pour me rendre
chez Desbarolles auquel j'écris ainsi qu'à
Giacomotti pour le prier de venir me faire un
petit dessin de Francis malade. Je ne sais si
Giacomotti, en Italie, doit être déjà de
retour. Quant à Desbarolles, je reçois une
lettre de lui lundi matin. Il n'a pu venir,
sa visite est remise.
17 février 1874
[...] je dois noter [...] le plaisir de Jules 3 auquel j'avais remis un beau pinceau, bien nettoyé avec le canif pour enlever quelques marques de couleur à //la toile\\ l'huile, car il provenait de ma boîte à couleurs lorsque j'étais à l'Atelier des élèves de Mr Gleyre 69 rue de Vaugirard (atelier occupé en ce moment par notre ami Giacomotti). Jules avait déjà un gros pinceau de la même source!
15 mars 1874
Lina 4
et moi nous allons voir Giacomotti à son
atelier. Sa femme arrive pendant notre visite.
Nous nous rendons ensuite chez Étex qui nous a
envoyé une invitation pour venir voir son
atelier.
2 oct. 1874
[...] chez Giacomotti [...] nous causons des
peintures de l'Opéra par Baudry. Giacomotti
les trouve peut-être un peu trop... chiqués, d'un
dessin douteux et pas assez peintes. A son avis
elles auraient besoin d'être continuées,
terminées par Bouguereau. C'est joli,
enlevé, mais peut-être pas assez fort comme
fini, tel est l'avis de Giacomotti. Il y a
beaucoup d'esprit dans ce travail mais
Baudry, pense-t-il, a eu tort de ne pas soumettre
un peu son travail à la critique de vrais amis.
5 oct. 1874
Visite à Giacomotti à son atelier 69 rue de
Vaugirard.
16 avril 1875
M. de St-Auban, mon chef de bureau au Ministère
des Beaux-Arts, m'envoie en négociation
pour un tableau chez Paul Flandrin, le pasagiste,
au 4e, 10 rue Garancière. Je ne trouve que sa
femme qui se charge de lui faire part du but de
ma visite. De là chez Giacomotti, 69 rue de
Vaugirard, et comme il dîne chez sa soeur dans
mon quartier nous revenons rensemble en compagnie
du petit chien blanc et jaune: Picchini.
2 janv. 1876
Je vais le matin à pied chez Giacomotti; il me
reçoit au lit [...]
9 janv. 1876
Charles 5
et moi nous allons après déjeuner
chez Étex et Giacomotti.
24 sept. 1876
Trois bonnes visites. Rubin de Méribel à midi
venait me voir pour un tableau « Coup de vent
aux portes d'Alger ». Uzanne le frère
de Mme Poignavant, du parc des Princes, vers 2 h.
[...] Giacomotti le peintre de portraits et d'histoire.
Il venait comme Méribel voir mon tableau.
25 janv. 1877
Visite à Henri IV pour l'inscription de
Francis [...] Henri IV, mon cher collège que je
n'avais pas revu depuis tant d'années!
J'y ai retrouvé comme fixé sur un miroir
le même sourire de mes 15 ans! [...] Nous allons
dans la chapelle du cathéchisme
(St-Étienne-du-Mont) pour montrer à Francis le
portrait de Papa fait par Giacomotti notre ami,
dans la 1ère de ses trois fresques qui ornent
cette chapelle à droite en entrant, mais il fait
déjà trop sombre. De là nous allons chez le
proviseur et sa femme [...]
14 févr. 1877
Congé du mercredi des Cendres. [...] Je vais de
là chez M. Lequesne, en route je croise Charles
Blanc avec qui je parle de mon procès gagné
[contre l'éditeur Susse], etc., etc. De
chez Lequene je vais chez Victor Vilain,
statuaire, élève de mon père, ensuite chez M.
et Mme Étex puis enfin chez Giacomotti où se
trouvent les portraits nouveaux de Melle
Le Verrier (Mme Mague) et de notre ancien
compagnon de voyage en Italie, le député Dugué
de la Fauconnerie. Celui-ci est très resemblant
et c'est un magnifique portrait. Giacomotti
va bien...il avait agrandi son atelier, où se
trouvait aussi son immense plafond commencé pour
le palais du Luxembourg: Van Dyck, Rubens,
etc.... Le dessin au fusain de cette grande toile
était presque terminé.
1er avril 1877
Je reçois un autographe d'Émile de
Girardin, auquel j'avais porté, hier soir,
en son hôtel de la rue de la Pérouse, mon livre
sur Alger, avec une demande relative à la
rédaction du prochain Salon dans le Petit
Journal. Malheureusement, il me répond que
c'est trop tard, que la place est donnée. [cf. l'extrait
suivant]
3 avril 1877
Même démarche au Journal du XIXe S.
pour le directeur Edmond About. J'ai connu Ed. About
en Italie. Nous avons visité ensemble en
voiturin, avec Giacomotti, Louis David, Dugué de
la Fauconnerie, le pays de l'Ombrie, Assise,
etc.... etc....
5 mai 1877
Je passe chez Crauk, rue de Vaugirard, que je ne
trouve pas. Ensuite chez Moulin. Je suis heureux
de rencontrer ce second artiste, statuaire
également. Je reste quelques instants chez lui.
De là chez Giacomotti que je croise rue de
Vaugirard au carrefour de Rennes à deux pas de
son atelier et de son chez lui. Il était avec
Didier, un paysagiste Prix de Rome, que j'ai
connu à Rome lors de mon voyage il y a 20 ans.
9 juin 1877
Je retourne à la Mairie des Batignolles pour
faire dresser l'acte de naissance de
Carle 6
[...]. Avec les enfants 7
je traverse le Jardin du Luxembourg, salue l'horloge
sculptée par grand-père et passe près de 2
heures chez Giacomotti.
20 sept. 1877
En allant chez Maman je suis allé voir mon
portrait qui figure dans la 1re fresque à
droite (chapelle des cathéchismes). J'avais en
effet posé un des personnages pour Giacomotti un
jour qu'il faisait ce tableau fresque, de la
Prédication du petit Jésus, dans son atelier,
rue de Vaugirard. Le personnage en question est
en vert clair.
7 oct. 1877
Visite chez Maman [...] Avant le dîner j'emmenais
Jules et Francis du côté du Panthéon [...]
Ensuite nous allâmes voir les trois fresques de
Giacomotti à la chapelle des Catéchismes de
St-Étienne-du-Mont. Mais il faisait trop sombre
pour y découvrir dans la 1ère à droite en
entrant, le personnage de l'apôtre ou
plutôt du docteur, pour lequel j'ai posé
jadis un moment rue de Vaugirard 59 [sic] à l'atelier
même de Giacomotti, mon vieil ami. A cette
époque j'étais seul à Paris, la petite
famille était restée à Genève 8.
– Visite au collège Henri IV.
30 déc. 1877
[...] De là je vais porter quelques cartes de
visite de jour de l'an [...] Ensuite chez
Giacomotti où je passe près de deux bonnes
heures. Il avait dans son atelier le buste en
bronze de Leverrier 9
fait par mon père, buste
original prêté par la famille. M. Giacomotti
faisait le portrait du célèbre astronome
décédé dernièrement. Au cou d'un
mannequin se trouvait suspendu la croix de
Commandeur de Prusse ou de Bavière, un cordon
noir dans tous les cas. C'était bien le
vrai spectacle du néant des grandeurs humaines!
J'en fis la remarque à mon vieil ami. Il me
fait voir la tête de Leverrier qu'il avait
peinte après la mort. Dans son atelier deux
beaux portaits de dames, dont l'un celui de
la fille de M. Leverrier... Mme ? ... l'autre
celui d'une dame étrangère debout dans un
oratoire, un livre de messe et un chapelet à la
main. Celui-ci était principalement charmant par
son recueillement et sa distinction. - Giacomotti
allume son éclairage au gaz pour me montrer en
premier, avant les dits portraits, son grand
plafond ébauché pour le Luxembourg et très
avancé.
2 décembre 1878
Je profite du voisinage pour aller serrer la main
de Giacomotti, 59 [sic] rue de Vaugirard. Je le
trouve en train de dessiner une italienne au
fusain, sur une toile. Le modèle était là qui
posait en costume sur la grande échelle qui
avait servi à faire le grand plafond du
Luxembourg: Le triomphe de Rubens...
5 mars 1879
[...] à 9 h. chez Étienne Arago, 2 passage
Stanislas, rue Notre-Dame des Champs. Je ne l'ai
pas trouvé [...] De chez Arago je suis allé
voir un moment Giacomotti. Dans son atelier, un
charmant tableau d'italienne en train de
dessiner assise sur une échelle d'atelier.
A ses pieds, son déjeuner composé d'un
morceau de pain, d'une pomme et d'un
verre d'eau.
18 mars 1879
Été le matin rendre visite à Étienne Arago. Il
ne faut pas compter sur la place au [musée du]
Luxembourg. On veut lui imposer absolument un
employé des musées. De là chez Giacomotti en
train de peindre, il travaillait à son tableau
de la jeune italienne dessinant assise sur un
escalier roulant [sic]. Il me promit de me mettre
de côté une charmante pochade que je lui
demandait. Elle représentait la même italienne
appuyée debout, sur les marches de la même
échelle roulante!
25 mai 1879
Je vais le matin au Luxembourg [...]. Je passe
ensuite à l'atelier de Giacomotti. Sa femme
vient et je reste à déjeuner avec eux. Je
reviens ensuite à l'atelier avec eux. Il
travaille à son grand plafond de Rubens pour le
Luxembourg et éclarcit cette grande toile qu'il
trouvait trop sombre.
6 juin 1879
Été voir Paul de St-Victor chez lui, place de
Furstemberg, au sujet du portrait que lui offre
Giacomotti, pour lui ou pour sa fille, autrement
dit lui ou elle. Démarche jugée utile par mon
ami, que j'étais bien aise de faire dans l'espérance
de lui rendre service, car il estimait que
St-Victor pourrait avoir une grand influence sur
ses succès. Celui-ci avait chez lui de fort
beaux tableaux. Intérieur d'antiquaire et d'artiste.
Il m'a fort bien accueilli. Je ne le
connaissais que de chez Victor Hugo. - De là
chez Giacomotti que je trouve au coin de sa rue,
rentrant de déjeuner...
12 sept. 1879
Courses chez les artistes. Vu Giacomotti, Étex,
Philippoteaux, Roubaud. Été chez Gigoux [...]
chez Crauk, Paul Flandrin, Paris, Leconte du
Noüy.
23 déc. 1879
Après le bureau je suis allé voir Giacomotti à
son atelier, 59 [sic] rue de Vaugirard. J'ai
fait pour lui une visite au sculpteur Chapu. Il s'agissait
d'obtenir à mon cher et excellent ami une
place d'inspecteur des Écoles de dessins,
vacante par le fait de la démission de Barrias,
le statuaire.
31 mai 1880
Après le bureau, je suis allé chez Giacomotti.
Nous avons causé longtemps de l'exposition.
J'ai apporté mon portrait de Melle de la
Brière. Il avait reçu hier la visite de M.
Ramon que je lui avais adressé la veille avec un
mot, et qui est venu s'excuser de la
singulière manière dont il s'était
présenté. En effet, le pauvre garçon s'étant
trouvé mal en route, on l'avait porté dans
une pharmacie, et de là conduit en voiture chez
Giacomotti, car il n'avait pour toute
adresse sur lui que ma lettre à celui-ci. On a
alors pensé que c'était M. Giacomotti,
lequel ne le connaissant nullement n'a
compris l'incident qu'une fois ma
lettre lue. Mais, enfin, Carlos Ramon a pu se
remettre un peu et Giacomotti l'a
réexpédié dans la même voiture.
17 sept. 1881
J'ai mené Francis et Jules chez M.
Guillaume et [chez] Giacomotti. Nous n'avons
trouvé le premier ni chez lui ni à son atelier.
[...] Trouvé Giacomotti. Francis et Jules
avaient leurs galons de sergent et de
sergent-major. Francis viendra en récompense
faire faire son portrait. Jules un peu plus tard,
quand notre grand peintre et cher ami aura un peu
de temps.
20 sept. 1881
Le matin je mène Francis chez Giacomotti pour
son portrait à l'huile 10.
C'est le joli petit portrait en veste gros bleu et cravate
noire. Giacomotti l'a fait en entier dans sa
journée. Nous avons déjeuné chez lui avec sa
femme et son neveu à lui. Le soir nous
rapportons le portrait à Maman surprise et ravie 11.
Notes
1
Jean-Jacques Pradier, dit John, fils unique du
sculpteur Jean-Jacques Pradier, dit James
(Genève 1790- Rueil 1852), et de Louise d'Arcet
(Paris 1814-1885), nait à Paris le 21 mai 1836.
Il épouse à Metz, le 21 mai 1867, Lina
Ackermann (Metz 1847-Paris 1930). Le couple
s'installe à Genève immédiatement après leur
mariage. Leurs deux premiers enfants, Francis et
Jules, y naissent en 1869 et 1871 respectivement. Ils
s'installent définitivement à Paris en 1871 où leur
troisième et dernier enfant,
James-Ludovic-Carle, naît en 1877. C'est à
partir du 28 avril 1872 que John Pradier commence
à résumer presque quotidiennement, dans une
série de cahiers appelés « Cahiers des
enfants », ses activités, rencontres,
conversations, sorties familiales, etc. Le 45e et
dernier cahier s'arrête à la date du 12
juillet 1882, après que John eut perdu son poste
au bureau de la comptabilité du ministère des
Beaux-Arts où il avait travaillé depuis son
retour à Paris. Ces cahiers sont conservés
aujourd'hui par les descendants de son
troisième fils. A part quelques extraits que j'ai
cités dans diverses publications, ils sont
inédits. J'en possède une copie manuscrite
établie par la petite-fille de John aux années
1970. Cette copie est généralement très fidèle au
texte original, comme j'ai pu le constater
en la comparant à l'original. Elle n'est
pourtant pas tout à fait complète, certains
passages jugés trop personnels ou sans intérêt
« historique » (activités familiales,
jeux des enfants, etc.) ayant été omis. Les
descendants possèdent aussi quelques pages de
souvenirs rédigés par Lina Ackermann, l'épouse
de John, en 1913, ainsi qu'un
« calendrier journal » dont j'ai
également une copie manuscrite. Celui-ci,
commencé le 29 avril 1866, quelques semaines
avant son mariage, couvrent les années que le
couple passa à Genève, jusqu'au 11 mai
1871. Il est beaucoup plus succinct que les
« Cahiers » de John, chaque notation ne
comportant que quelques mots ou 2-3 lignes en
style télégraphique. J'y ai retrouvé deux
mentions de Giacomotti. A la date du 13 mai 1867,
Lina signale qu'il a répondu négativement
à l'invitation d'assister au mariage
à Metz. A la date du 27 avril 1869, il y a ceci:
« Lettre et photographies des
Giacomotti ». Je ne me souviens pas d'avoir
vu des lettres de Giacomotti dans les archives de
la famille mais il pourrait y en avoir. Je suis
certain, par contre, d'y avoir vu une photo
de Giacomotti.
2
Son fils James-Louis-Francis, né à Genève le
11 février 1869. Ingénieur chimiste, il meurt
célibataire à Paris le 29 décembre 1901.
3
Son deuxième fils Jules, né à Genève le 1er juin 1871], mort à Paris le 9 septembre 1886.
4
Son épouse Lina Ackermann (cf. note 1).
5
Son beau-frère, Charles Ackermann.
6
James-Ludovica-Carle, son troisième fils, né
le 6 juin 1877 à Paris, mort le 2 juillet 1936.
7
Ses deux autres fils, Francis et Jules.
8
Ceci permet de situer la séance de pose vers l'été
ou l'automne 1871, époque où John Pradier, ruiné, se
rendit seul de Genève à Paris pour se procurer un
emploi, comme le précise son épouse Lina dans les « souvenirs » qu'elle
rédigea en 1913: « En 1871, le 17 mai,
arrivée [à Genève] de ma chère Maman qui
vient pour la naissance de notre cher Jules le
1er juin 1871. Maman est libre et restera
désormais avec nous, car le pauvre papa
Ackermann a rendu son âme à Dieu le 11 mai de
cette année 1871. Le séjour de maman auprès de
nous permet à John de se rendre à Paris, où
grâce à Jules Simon alors directeur des
Beaux-Arts, John obtient pour octobre une place
au Ministère des Beaux-Arts. Ce n'est pas
celle que nous espérions, c'est toujours un
commencement. Cette place décidée, nous
quittons Genève, Maman, les deux enfants et moi,
pour nous rendre à Paris. Nous arrivons à 5h du
matin à la gare de Lyon où John est venu nous
chercher. » (Arch. famille Pradier.) A lire
le « calendrier-journal » de Lina, on
constate que John ne semble pas avoir fait d'autre
voyage à Paris pendant les années qu'il a
habité Genève, de 1866 à 1871.
9
Buste pour lesquel Leverrier a posé à l'atelier
de Pradier en 1846-1847. Le buste en marbre a
figuré au Salon de 1847.
10
Ce portrait appartient toujours à la famille
Pradier.
11
Les 45 « Cahiers des enfants » s'arrêtent
à la date du 12 juillet 1882. Dans quelques
notes éparses, sans date, rédigées après qu'il
eut perdu son poste aux Beaux-Arts en avril 1882,
John raconte ses différentes démarches auprès
de personnalités influentes dans l'espoir
de se faire rappeler au ministère ou de trouver
un autre emploi: « [...] Alphonse de
Rothschild lui-même [...] m'a consellé d'en
faire une affaire particulière en société avec
les artistes. Je suis allé voir à ce sujet
quelques célébrités que je ne connaissais pas,
entre autres, Detaille et Manet [...] Je suis
allée voir aussi Gervex et Saintin. J'avais
déjeuné jadis avec celui-ci avec Giacomotti il
y a une quinzaine d'années. Mais tous mes
efforts ne devaient être qu'insuffisants,
au moins jusqu'à nouvel ordre. » N.B.
Le peintre Jules-Emile Saintin (1829-1894),
peintre d'histoire et de genre, fut l'élève
de Drölling, Picot et Leboucher. Le déjeuner en
question a dû avoir lieu avant l'installation
de John à Genève en 1867.
|
|
|