Paris, Jardin des Tuileries, 25 juin 2003. Chaleur étouffante. Je
m'écroule sur une chaise
à la terrasse d'un café. Débarqué tôt le matin de
Bruxelles, j'avais passé plusieurs heures au Musée de la
Vie Romantique où deux belles pièces de l'exposition
Froment-Meurice m'avaient particulièrement intéressé: le Vase du baron de Feuchères, orné d'un portrait du
baron par Pradier, et un Bracelet aux nymphes dû
également à la collaboration de l'orfèvre et du sculpteur. J'avais arpenté ensuite tout le neuvième
arrondissement à la recherche d'un peu de fraîcheur,
saluant au passage, dans les salles bondées de l'Hôtel
Drouot, une pauvre Sapho assise
délaissée dans un coin. Pour finir, un trajet asphyxiant en
métro et la traversée du jardin avaient sapé mes
dernières forces.
A vrai dire, ce n'est pas tout à fait par hasard
que j'ai échoué ce jour-là aux Tuileries. Ayant appris que
le Prométhée de Pradier avait été remplacé par
une copie, j'étais curieux de jeter un il sur celle-ci
et de revoir l'original exposé désormais au Louvre. Donc,
après une longue escale j'ai dirigé
mes pas vers l'ancien emplacement de la statue, au pourtour
du grand bassin circulaire. En vain: aucune copie n'était
visible, ni à cet endroit ni aux alentours. Avais-je été
mal renseigné? Toujours est-il qu'avant d'aller plus loin
j'ai voulu vérifier l'état actuel du Phidias,
érigé tout près de là en 1835. Disparu, lui aussi, sans
laisser de traces.
Deux statues majeures de Pradier supprimées depuis ma
dernière visite! Il était temps, certes, de les mettre à
l'abri, elles avaient trop souffert de leur long séjour en
plein air. C'est tout de même dommage: plusieurs
générations de promeneurs les avaient côtoyées au cours
des 160 ans et plus qu'elles y avaient monté la garde.
J'ai reconduit ma sur Thérèse jusqu'au quai d'Orsay par les Tuileries. Nous avons admiré le Prométhée en
passant. (John Pradier, Cahiers des enfants,
1er mai 1879.)
L'heure était tardive et je n'ai pas eu le courage de
franchir les portes du Louvre. Quelques semaines plus
tard cependant, j'ai eu l'agréable surprise de recevoir plusieurs
belles photos du Prométhée tel qu'il se présente
aujourd'hui dans la cour Puget de l'aile Richelieu,
nettoyé, restauré et somme toute plus lisible qu'au haut de
son ancien socle. Je me fais un plaisir de les montrer
ici, avec l'aimable autorisation des photographes.
Pour rappel, c'est au cours de
son deuxième séjour à Rome, en 1823-1824, que Pradier avait
commencé cette statue. Présentée au Salon de 1827 et
acquise par la Maison du Roi, elle ne prit le chemin des
Tuileries qu'en 1832. Installée tout d'abord, comme trois ans
plus tard le Phidias, dans l'allée reliant le bassin
circulaire à la Seine, elle remplaça en 1836 le
Cadmus de Dupaty à l'extrémité nord-est de cette
même allée, côté rue
de Rivoli. Lors des transformations du jardin par Hector
Lefuel, elle séjourna temporairement sur la terrasse de
l'Orangerie en 1858-1859. On la porta ensuite au Louvre avec
le Philopmen de David d'Angers. En 1862, le comte de Nieuwerkerke eut beau protester de la fragilité de
l'uvre « dont le marbre est friable et tombe en
poudre »; sur l'intervention de Napoléon III, Lefuel
la fit mettre au bassin circulaire. Nieuwerkerke avait
pourtant proposé de faire faire « par des hommes
de talent » des copies des deux statues afin de
les remplacer dans le jardin 1.
A l'occasion de ce premier retour au Louvre, Charles Blanc
signale que le Philopmen
a été nettoyé mais que le Prométhée
« attend encore qu'on le délivre des souillures
que lui ont fait subir, pendant de longues années, dans les
allées des Tuileries, la pluie et les végétations
parasites ». Continuant sur sa lancée, il ajoute:
En multipliant dans
Versailles les groupes en bronze et en plomb, le siècle
de Louis XIV avait compris combien notre climat est
hostile aux chefs-d'uvre faits de marbre et surtout
de pierre. Trois mois après que l'on avait frotté et
gratté la fontaine Cuvier de Feuchère, qui
fait face à l'une des entrées du Jardin des Plantes,
elle était déjà deshonorée par de hideuses taches,
qui l'ont de nouveau rapidement envahie tout entière.
Faudrait-t-il donc procéder, chaque saison, à une
toilette toujours dangereuse pour le délicat épiderme
du marbre? Et ne serait-ce pas plus digne du respect que
l'on doit à notre école de sculpture des XVIIe et XVIIIe siècles, de
mettre à l'abri dans nos musées, les Lepautre et les
Coustou, qui ornent le jardin des Tuileries et l'entrée
des Champs-Élysées, et de les remplacer soit par de
belles copies soit par des moulages en bronze? Qui ne
verrait avec plaisir les Chevaux de Marly, par
exemple, prendre place au Louvre à côté des
uvres de Jean Goujon et du Pujet?
2
Ces vux seront partiellement exaucés dans les dernières décennies du 20e
siècle. En effet, le Louvre abrite maintenant la plupart des
Lepautre et des Coustou, dont les Chevaux de Marly de Guillaume Coustou, remplacés en 1984 par des exemplaires en ciment. J'ignore quel sort sera
réservé au Phidias. Il faut espérér qu'il ne
restera pas trop longtemps oublié dans les caves du
musée et qu'une bonne cure de jouvence lui vaudra une place
aux côtés du Prométhée.
* * *
Ayant constaté ainsi, « à la sueur de mon
front », le vide laissé aux Tuileries par la
disparition des deux Pradier, c'est avec grand plaisir que
j'ai découvert par la suite, lors d'une promenade plus
confortable sur... la « toile », la présence
insoupçonnée, dans un autre jardin public, d'une autre
grande uvre du sculpteur.
Une dépêche du musée des
Augustins de Toulouse a confirmé ma trouvaille. Car il
s'agissait d'un moulage en résine du Printemps,
également appelé Flore, ou Chloris caressée
par Zéphyr, dont l'original en marbre appartient à ce
musée. Réalisé par l'atelier de restauration municipal, il
embellit depuis plusieurs années déjà à l'insu, je
crois, de tous les spécialistes une allée du Jardin
des Plantes à Toulouse.
Voici, à gauche, l'original en marbre confiné au musée
et, à droite, sa sur jumelle se délectant en pleine
nature:
Je n'ai pas pu savoir en quelle année ni dans quelles
circonstances cette copie a été faite. Mme Christelle
Sallet, du service documentation du musée, m'informe que
l'atelier de restauration n'a pas su lui fournir de date
précise, mais que la commande remonte très probablement aux années 1980. « Je regrette en effet,
écrit-t-elle, de ne pouvoir vous fournir davantage de
précisions. Nous n'en avons en effet aucune trace dans le
dossier de l'uvre. Toute l'équipe du musée a été
renouvelée depuis les années '90 et il ne reste
malheureusement personne qui puisse s'en souvenir. Restent
les archives municipales auxquelles nous versons
régulièrement nos courriers. Mais il me semble très
difficile d'y rechercher l'information en l'absence de date
précise. »
On peut néanmoins supposer
que la confection du moulage ait précédé l'ouverture en 1985 de l'exposition Statues de chair, dont le catalogue
reproduit, sans indication de date ou de source, une photo
semblable prise sur fond de verdure. Il s'agit selon toute
vraisemblance à moins que le marbre n'ait été
photographié en plein air d'une autre vue du moulage
érigé au Jardin des Plantes.
Exposée au Salon de 1849, cette
voluptueuse jeune fille n'a pas remporté les suffrages de
tout le monde. Dans un long article du Journal
de Toulouse, Barry lui reprocha, entre autres défauts, ses « formes grêles, légèrement disproportionnées », sa « taille
amincie par l'entrave du corset »,
sa « maturité hâtive et imparfaite tout à la
fois, fruit malheureux de la civilisation » 3.
Gustave Planche se montra également sévère, estimant que
malgré la fraîcheur et la grâce de la partie supérieure
du corps, « non seulement le ventre n'est pas
jeune, mais les hanches ont un développement que la
virginité n'a jamais connu, et les malléoles sont
engorgées comme au temps de la grossesse » 4. Autres temps,
autres optiques... Mais Théophile Gautier, toujours enthousiaste devant les uvres de son ami, sut trouver les mots justes pour balayer toutes ces mauvaises langues:
Il semble que l'artiste, par le
choix de l'âge, du type et des formes de la figure, ait
voulu marquer le printemps d'avril plutôt que celui de
mai. On dirait que le haut sommet de l'Hymette est encore
blanc, car la belle enfant n'a pas dépouillé tout à
fait sa tunique, et quelque chose de frileux dans sa pose
montre que malgré le soleil brillant, le zéphir qui
caresse son épaule nue a trempé son aile dans la neige.
C'est donc l'éveil des fleurs, la puberté de l'année
et de l'âge, l'enivrement de la première sortie après
la réclusion de l'hiver, la joie de retouver la
lumière, les parfums et les couleurs: aussi
pas une fleurette n'a été épargnée; aussi la jeune
fille tâche de contenir de ses mains sa moisson
odorante; les fleurs s'échappent des plis de sa tunique
et roulent à terre. On devine à l'abandon de la tête,
au regard vague, à la bouche mi-ouverte, le doux vertige
causé par les pénétrants arômes et le trouble
amoureux du printemps 5.
Un autre ami de longue date, le sculpteur Francisque Duret,
membre du jury des récompenses avec Rude, Debay, Dantan
aîné, Charles Blanc, d'Albert de Luynes, et al.,
proposa séance tenante, après que le jury eut décerné la
première médaille du Salon au Pénélope endormie de Jules Cavalier, d'attribuer par la même occasion une
médaille d'honneur au Printemps de Pradier. Mais
d'Albert de Luynes et Charles Blanc arrêtèrent net toute
discussion sur ce point, faisant remarquer que « le
Jury consulté solennellement sur une proposition spéciale a
dû l'examiner à l'exclusion de toute autre » [sic].
Et le procès-verbal de conclure: « Cet incident
n'a pas de suite. » L'uvre de Pradier fut
tout de même mise en tête de la liste des ouvrages qui,
dans l'opinion du jury, méritaient d'être acquis par
l'État 6. Elle figura par la suite à l'exposition spéciale des ouvrages récompensés, dans l'Orangerie. Acquise pour 14 000 francs le
21 septembre 1849, elle partit aussitôt pour le musée de Toulouse.
Pradier avait commencé cette uvre, on le sait,
longtemps avant le Salon de 1849. Le modèle grandeur nature, conservé au Musée d'Art et d'Histoire de Genève, est
signé et daté dans le plâtre « J. Pradier 1847 ». Dès 1841, cependant, il avait esquissé à
Rome son petit groupe de Flore et Zéphyr « Zéphyr qui lui prend un baiser sur le
cou » 7. De là à rendre Zéphyr invisible, tant pour le spectateur que pour Flore
elle-même, il n'y avait qu'un pas. Mais une lettre inédite
du sculpteur apporte des indices fascinants sur la genèse et
l'exécution du Printemps.
Vers la mi-avril 1849,
deux mois avant l'ouverture du Salon, s'adressant à un
destinataire non idéntifié, Pradier précise à la fois la
date d'achèvement du marbre, l'endroit exact où
l'esquisse originale a été faite, et le prénom du modèle.
Tout cela est dit dès la première phrase:
Monsieur,
Je viens de terminer en marbre de Paros la statue de la Primavera pour l'exposition, celle dont l'esquisse a été faite à Chappe d'après Mlle Jeanne.
De quel Chappe s'agit-il
il y en a plusieurs et qui était cette Mlle
Jeanne ? Mais continuons d'abord notre lecture:
Si ce souvenir a quelque chose
d'agréable pour vous, ainsi que le travail de cette
statue, la vue en est à votre disposition dans mon
atelier de l'Institut, quai de l'Institut, jusqu'à
mercredi, jour de mon départ pour le Midi passant par
Genève. Plus tard encore, si vous le préférez, vous y
trouverez François Aubin, mon praticien, qui aura
l'honneur de vous recevoir.
Le destinataire n'est ostensiblement pas un intime mais
les mots « ce souvenir » impliquent
qu'il fut présent à Chappe en même temps que Mlle Jeanne et qu'il avait assisté à l'exécution de
l'esquisse. A noter que le départ pour le Midi
dont il est question ici eut lieu le mercredi 18 avril 1849,
comme l'atteste une autre lettre adressée quelques jours plus
tôt par Pradier au compositeur Giacomo Meyerbeer 8. Il se rendait à Nîmes pour y avancer ses cinq statues de la
Fontaine de l'Esplanade et ne devait regagner Paris qu'en
octobre, après un nouveau séjour à Genève.
Ce n'est pas la seule fois que le nom de Chappe
se rencontre sous la plume du sculpteur. Une lettre adressée
le 3 octobre 1845 (?) à ses filles Charlotte (11 ans) et
Thérèse (6 ans), en vacances à Liancourt, dans l'Oise, porte
en haut à droite la mention « Vendredi, Chappes » (cette fois avec un « s »). Pradier leur écrivait ceci:
Ma bonne petite Charlotte,
Tu dois trouver le temps long de ne pas
me voir arriver près de vous. Prenez patience et
profitez bien du beau temps comme nous. Je suis bien
tranquille sur vore compte car je connais tous les soins
que ces dames doivent vous donner et les bonnes petites
promenades que vous faites. [...] Je crois que nos
plaisirs sont les mêmes: la chasse, la pêche, le
cheval, l'eau, la flânerie, les écrevisses, les bateaux
où John est le mousse (nous avons fabriqué une voile,
seulement nous n'avons pas de vent), les pommes, les
raisins, enfin tout ce qu'on peut inventer pour passer le
temps.
Et toi, Thérèse, que fais-tu? Les amuses-tu avec ton bon
petit esprit? [...] Nous avons Marin avec nous qui nous
amuse beaucoup. [...]
Mademoiselle Adeline me charge de vous dire à toutes
deux mille choses. Jhoun aussi [...] ainsi que Guillaume.
[...] 9.
Il est donc en villégiature près d'une rivière ou d'un lac
dans une région vinicole, accompagné de son fils John
(« Jhoun »), du genevois Paul Marin,
de l'institutrice de Thérèse, Adeline Chômat, et de
Guillaume. Celui-ci serait soit son élève Eugène Guillaume,
soit le parrain de Thérèse, François-Nicolas Guillaume, qui
achètera sa maison de campagne à Ville-d'Avray en
septembre 1849. Le second, riche seigneur et grand amateur
de musique, s'intéressait beaucoup, paraît-il, aux danseuses de l'Opéra. Mlle Jeanne était-elle du nombre?
Quatre ans plus tard, se rappelant cette joyeuse
escapade et, surtout, la pêche aux écrevisses (son
passe-temps préféré dans le Midi et en Suisse), Pradier
écrivit le 24 décembre 1849 à Paul Marin, de retour à
Genève:
Hem! comment trouvez-vous cette
bise froide? L'écrevisse doit être rentrée dans son
terrier. Engraissez-vous et grossissez, crustacés, et
c'est assez pour notre retour dans votre belle patrie et
la nôtre, pour que le subtil Marin en vous saisisant
s'écrie: Ah! par exemple, en voici une qui dépasse la
mesure. Honneur à toi, à nous, qui n'avons plus
rien à envier à Chappes
que les retraites obscures où le sauvage recouvert de
ses bottes peut impunément pêcher loin des
humains [...] 10
Il y a sûrement ici un souvenir du séjour de 1845. Mais où
diable se trouve-t-il, ce Chappe(s)? Il en existe au moins
quatre, dont deux dans le Massif central et deux en Champagne.
Pour autant que je sache, Pradier ne fréquentait pas ces
contrées. Et alors? Je penche pour une autre localité,
dans une région qui lui était beaucoup plus familière. Le
village de Saint-Chaptes on ne prononce
peut-être pas le « t » ?
se trouve à une vingtaine de kilomètres au nord de Nîmes sur
la route d'Alès, entouré de vignobles et tout près du
Gardon. Si c'est bien là que Pradier a séjourné avec
Marin, Guillaume, Mlle Adeline (qui avait une sur dans
la région) et John, sa lettre à ses filles pouvait bien
dater du 3 octobre 1845. Car vers le 10 octobre suivant,
rentré à Paris, il écrivait au maire d'Aigues-Mortes:
« J'eusse été heureux, passant par
Nïmes ces jours derniers pour des travaux de
sculpture que je vais y exécuter, de connaître votre projet à
l'égard de la statue de s[ain]t Louis que vous voulez ériger
dans votre ville » 11.
Aux environs de St-Chaptes, dans le Gard.
Photo Guillaume Kosmicki, 1999. |
Ce serait donc au pays du Gard, berceau de ses ancêtres
son grand-père paternel naquit en 1736 à Saint-Ambroix, à une trentaine de kilomètres au nord de
Saint-Chaptes , que Pradier aurait esquissé sa jolie
statue du Printemps.
Ce Printemps, cette Primavera, qui
s'appelle aussi Flore ou Chloris carressée par Zéphyr, arborait encore un autre nom dont
Théodore de Banville, poète des Cariatides et des
Stalactites, a raconté l'histoire. L'anedcote est
sans doute apocryphe, mais comme elle n'est guère connue et
ne manque pas de... piquant, la voici:
C'était à la Comédie-Française, autrefois. Il y avait une belle
dame qui aimait à la passion les roses effeuillées. A cette
époque de l'année où le parfumeur Lubin fait avec des roses
des préparations chimiques et a devant son officine des
claies immenses sur lesquelles les tas de roses effeuillées
s'élèvent à deux ou trois pieds de haut, la dame en
faisait acheter chez Lubin et, en remplissait sa loge, en
couvrait les meubles, les tables, les divans, en jonchait
les jardinières, les vases de Chine et tout ce qui
pouvait contenir des roses effeuillées! Mais, comme il
arrive souvent, ce qui la ravissait la faisait mourir. Sa
loge n'était pas plutôt pleine de roses que le
délicieux parfum l'asphyxiait. Alors ses femmes de
chambre n'étaient occupées qu'à remplir des vases de
Chine avec les roses effeuillées et à emporter ces
vases hors de a loge. Et autour de cette loge cela
sentait si bon, si bon, que tous les gens qui passsaient
dans le couloir pouvaient dire: Je ne suis pas la rose,
mais j'ai habité avec la rose! Aussi la dame avait été
surnommée la Femme-aux-Roses. Égaré un soir au foyer
de la Comédie, Pradier entendit ce nom charmant, et
conçut l'idée de sa jolie statuette appelée la
Femme-aux-Roses, cette femme nue, si svelte et si
gracieuse, dont le corps est jonché de roses 12.
Lors de l'exposition Statues de chair, un
exemplaire on ne peut plus kitsch de cette statuette
doré, argenté et peint en noir a eu l'audace de se
faufiler auprès du grand modèle blanc. D'autres
réductions sont connues ou attestées, en bronze, en plâtre
et en marbre. Selon John Pradier, qui tenait l'information
du praticien Poggi, son père aurait offert au duc de Leuchtenberg un petit exemplaire en marbre de la statue,
qu'il avait taillé lui-même. Mais cela, c'est une
autre histoire, que je vous invite à lire dans
Nouvelles
de Russie (I).
* * *
Et c'est ainsi qu'en pleine canicule, Prométhée, voleur du feu, m'a manqué de rendez-vous au jardin des Tuileries, alors que la sur jumelle du Printemps, rafraîchie par Zéphyr,
m'attendait loin de là, au détour d'une autre allée...
Notes
1
Sur les statues du jardin, voir Geneviève Bresc-Bautier, Anne Pingeot et Antoinette Le Norman-Romain, Sculptures des jardins du Louvre, du Carrousel et
des Tuileries, Éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1986, 2 vols. Le premier volume retrace l'histoire des jardins, depuis leurs origines jusqu'à nos jours. Le deuxième propose un catalogue raisonné de toutes les uvres sculptées qui s'y trouvaient en 1986 ou qui, à un moment donné, y ont figuré. Depuis la publication de cet ouvrage, un nombre considérable de statues ont été retirées des jardins ou déplacées. La place du Prométhée de Pradier est occupée aujourd'hui par le groupe du Centaure Nessus enlevant Déjanire (Marqueste, 1896), qui se trouvait auparavant sur le côté opposé du bassin rond, au coin sud-est de l'allée reliant le bassin à la Seine. Aucune uvre n'a remplacé le Phidias.
2
Gazette des Beaux-Arts, t. 4, 15 novembre 1859, p. 255.
3
Barry, « La Chloris de Monsieur Pradier », dans Le Journal de Toulouse, 1er avril 1851.
4
Gustave Planche, « Pradier », dans La Revue des Deux-Mondes, 15 juillet 1852, p. 369.
5
Théophile Gautier, « Salon de 1849 », dans La Presse, 28 juillet 1849.
6
Procès-verbaux du Jury des Récompenses, Arch. nat., F21 527.
7
James Pradier. Correspondance, textes réunis,
classés et annotés par Douglas Siler, Librairie Droz, Genève, 1984-, t. II, lettre 386. Voir aussi Statues de chair. Sculptures de James Pradier (1790-1852), Genève, Musée d'Art et d'Histoire, 1985, p. 271-272.
8
The Pierport Morgan Library, New York.
9
James Pradier. Correspondance, t. III, lettre 587.
10
Douglas Siler, « James Pradier et ses amis genevois les Marin: lettres, dessins et documents inédits », dans Genava, n.s., t. XXVII, 1979, p. 142 (où j'ai lu par erreur chapper à la place de Chappes).
11
James Pradier. Correspondance, t. III,
lettre 588. Une coquille s'est glissée dans la date assignée à cette lettre: il faut lire vers le 10
octobre et non vers le 20 octobre 1845.
12
Théodore de Banville, « La Comédie-Française en 1863... », dans La Lanterne magique (copie
dactylographiée, arch. Pierre Lièvre).
A lire aussi :
→ Forum:
Chloris au Jardin des Plantes de Toulouse et à... St-Chaptes?
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