Sur le littoral du Mourillon, alors que le boulevard
nexiste pas encore, deux lieux privilégiés
rassemblent, au milieu du XIXe siècle, l'élite
cultivée toulonnaise mais aussi parisienne : la bastide
Lauvergne et la villa Cloquet 1.
Éminent professeur de médecine à Paris et fin lettré, Jules
Cloquet reçoit au « Prieuré de Lamalgue » (ill. 1) hommes de lettres et artistes, tout comme
son confrère et voisin toulonnais, le Docteur Hubert Lauvergne (ill. 2).
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1. James Pradier, Prieuré de Lamalgue. Dessin, vers 1844. Genève, Musée d'art et d'histoire
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2. James Pradier, Dr Hubert Lauvergne. Plâtre, 1844. Toulon, Musée du Vieux-Toulon. |
Parmi les noms des nombreux hôtes de la villa se trouve
celui de James Pradier, un des sculpteurs les plus connus de
Paris, ami de longue date de Jules Cloquet. La première
femme de celui-ci, Juliette Lebreton, était une cousine de
sa femme. A ce titre, Pradier fait partie de la mémoire de Toulon et du Midi pour y avoir laissé une production importante.
Il faut tout d'abord replacer Pradier dans l'évolution
de la sculpture de la première moitié du XIXe
siècle.
Cest lépoque dominée par le goût
de lAntique. Les collections dantiques du Louvre,
enrichies par lEmpire, étaient copiées par tous les
sculpteurs lors de leur formation à lÉcole des beaux-arts.
Cest aussi lépoque de la prédominance
des règles du « Beau idéal » et du « grand
style », tirant leurs thèmes de lhistoire
antique ou de la Bible. Allégorie et symbole sont à la base
du langage néoclassique défini en 1823 par Quatremère de
Quincy.
Dans les années 1820-1840, arrive une génération
nouvelle de sculpteurs, influencés par lhellénisme et
les modèles grecs trouvés récemment, comme la Vénus de
Milo ou les marbres du Parthénon.
Alors que le mouvement romantique sépanouit
en peinture, sa gestation est plus lente en sculpture en
raison, entre autres, de la domination officielle de la
génération néoclassique incarnée par le sculpteur Bosio (ill. 3), champion de lesthétique néo-canovienne.
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3. François-Joseph Bosio, Hercule combattant Achéloüs métamorphosé en serpent. Bronze, 1823. Paris, Musée du Louvre |
Luvre de Pradier correspond, entre 1820 et 1850,
à ce moment de crise identitaire de la sculpture partagée
entre le respect figé des règles établies et une liberté
créatrice.
La vie de cet artiste complexe est bien connue grâce à
son abondante correspondance qui a été publiée en trois
volumes par Douglas Siler, deux autres volumes restant à
venir.
Pradier (ill. 4) est dorigine suisse mais de
racines françaises. Il est né en 1790 à Genève (ill.
5) qui devient en 1798 la capitale du département français
du Léman. Son grand-père paternel, de religion réformée,
né à Saint-Ambroix dans le Gard, en 1736, avait émigré en
Suisse, au milieu du XVIII° siècle, et sy était
marié.
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4. Marius Fouque, James Pradier. Huile, 1877. Genève, Musée d'art et d'histoire (copie réalisée par l'artiste pour Genève d'après son tableau original exposé au Salon de 1848)
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5. James Pradier, Vue de Genève.
Dessin, vers 1832. Genève, Musée d'art et d'histoire |
Très tôt, Pradier entre comme apprenti chez un bijoutier-horloger,
tout en étant inscrit à lécole de dessin de Genève.
En 1807-1808, il rejoint à Paris son frère aîné Charles-Simon,
graveur. Il entre en 1809 dans latelier du sculpteur
Frédéric Lemot, rencontré opportunément, et est admis à
lÉcole des beaux-arts.
Citoyen suisse et français, il peut se présenter
au concours du Prix de Rome, quil obtient en septembre
1813 grâce à cette uvre typique des morceaux de
concours pour lequel le candidat doit faire preuve de respect
des règles exigées par lAcadémie, notamment la
référence à une uvre antique et lidéalisation
(ill. 6). Pradier devient pensionnaire de la Villa
Médicis (ill. 7) jusquen 1818.
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6. James Pradier, Néoptolème empêche Philoctète de percer Ulysse de ses flèches. Relief en plâtre, 1813. Genève, Musée d'art et d'histoire |
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7. James Pradier, Vue de la Villa Médicis. Dessin, vers 1815. Paris, Musée du Louvre |
En 1819, il rentre de Rome, sinstalle à Paris et
commence une vie dhomme du monde et dartiste. Il
retournera à Rome pour deux longs séjours, en 1823-24 et en
1841-42, rêvant de sy installer.
Dès son retour à Paris, il expose avec succès aux
Salons officiels, passages obligés pour trouver des
commanditaires privés ou publics. Admiré et reconnu pour
son talent, il reçoit rapidement les consécrations
officielles dun artiste auréolé du Prix de Rome. En
1827, il est admis à lInstitut (ill. 8) et à
lÉcole des beaux-arts comme professeur de sculpture,
succédant à son maître Lemot, décédé : deux
institutions dans lesquelles il nest pas accueilli sans
réticences. En 1828, il est décoré de la Légion
dhonneur.
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8. François-Joseph Heim, Portrait de James Pradier en académicien. Dessin, vers 1829. Coll. famille Pradier |
Le mécénat nétant plus dans les mains des grandes
familles aristocratiques dont la fortune a été écornée
par la Révolution, les artistes doivent se retourner vers
lÉtat et les grandes villes. Pradier sy emploie
sous la Restauration et surtout sous la Monarchie de Juillet.
Il profite de la bienveillance officielle du roi Louis-Philippe
(ill. 9) et de la reine Marie-Amélie (ill.
11), sans pénétrer vraiment dans le cercle des fidèles de
lentourage royal, ayant un ennemi déclaré en la
personne du peintre et sculpteur Ary Scheffer, professeur de
sculpture de la princesse Marie dOrléans. Malgré tout,
il est chargé dexécuter plusieurs statues ou bustes
de leur fils, Ferdinand, duc d'Orléans (ill. 10),
mort accidentellement en juillet 1842.
Il est vrai que son
talent et son réseau damis dans la haute
administration le servent. Il profite de ses bonnes relations
avec le comte de Cailleux, secrétaire général puis
directeur en 1841 des Musées royaux. Il en sera de même,
après la chute de la Monarchie de Juillet, avec son
successeur le comte de Nieuwerkerke, sculpteur lui-même et
amateur de sculpture.
Pradier fréquente de nombreux salons parisiens,
notamment celui du baron Gérard, côtoyant ainsi tous les
milieux artistiques et mondains. Lui-même tient salon et
compose des romances quil distribue aux membres de
lAcadémie pour leurs femmes musiciennes.
Dans les dernières années de sa vie, il a la
satisfaction de recevoir un accueil chaleureux dans le Midi
de la France. A Nîmes, il exécute en 1844 le buste du
général baron de Feuchères (ill. 12) 2,
bienfaiteur de cette ville, ce qui le fait connaître.
Souvre alors pour lui le monde des salons nîmois mais
aussi arlésiens, en particulier le salon de madame Grange,
fille du peintre Réattu. Lhomme de lettres nîmois
Jules Canonge (ill. 13), un des familiers de ce
salon arlésien, entretient une correspondance suivie avec
Pradier quil recommande aux municipalités voisines
désireuses de procéder à des décorations urbaines. Nîmes,
Aigues-Mortes, Arles lui passent commande.
Mais ses derniers projets ne pourront se réaliser. Les
monuments de Monseigneur de Belzunce et de Pierre Puget pour
la ville de Marseille et celui dAdam de Craponne pour
Salon-de-Provence seront exécutés par le sculpteur aixois
Marius Joseph Ramus.
Sa vie privée est marquée par deux femmes,
devenues célèbres dans les milieux littéraires, en
particulier la première.
En effet, vers 1825 commence une liaison avec
Juliette Drouet, née Gauvain (ill. 14), orpheline
à dix ans et élevée par sa tante dont elle prend le nom.
De leur amour, naît en 1826 une fille, Claire (ill.
15), qui aura une courte existence de 20 ans. Pradier la
reconnaît en 1828 3. Juliette, après des débuts peu probants sur la scène à
Bruxelles et à Paris, rencontre en février 1833 Victor Hugo
avec lequel elle aura une longue et célèbre liaison.
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14. Champmartin, Juliette Drouet. Huile, vers 1825. Paris, Maison de Victor Hugo |
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15. James Pradier, Claire Pradier. Dessin, vers 1842. Paris, École
nationale supérieure des beaux-arts |
En 1833, il se marie avec Louise dArcet (ill.
16), âgée de 19 ans, dont il aura trois enfants. Louise,
chantée par Alexandre Dumas fils, un de ses multiples amants,
sous le nom de « la belle aux cheveux dor »,
se montre une femme particulièrement frivole et dépensière,
endettée en permanence et, disait-elle, « ne sachant
résister à personne ».
Après avoir obtenu un constat dadultère et
lintervention de la justice, Pradier obtient le
jugement de séparation avec Louise, en janvier 1845. La vie
de Louise sera racontée par sa confidente et auxiliaire
Louise-Françoise Boyé, dans les célèbres Mémoires de
Madame Ludovica 4 dont Flaubert
sest inspiré pour la rédaction de Madame Bovary 5.
La personnalité de ce sculpteur est complexe, suscitant autant ladmiration que la détestation. En témoignent ses rapports avec Juliette Drouet qui,
dans sa correspondance avec Victor Hugo, porte à
légard de Pradier des jugements sanglants, lui
reprochant constamment de ne pas faire assez pour leur fille
commune. Ces jugements, repris par les biographes de ce
célèbre couple, ont porté tort à la « réputation »
de Pradier. Cependant, Juliette sollicite souvent pour son ex-amant
le soutien de Victor Hugo qui prononce même ses louanges
dans un discours à la Chambre des pairs en février 1846.
Sil est admiré pour ses talents reconnus,
appelé Phidias par lentourage de Flaubert et qualifié
par Théophile Gautier de « dernier des grecs »,
il est aussi critiqué, notamment par la presse et souvent
par Baudelaire qui ne lapprécie pas.
Deux jugements contradictoires illustrent cette
complexité.
Tout dabord, celui de Flaubert dans une de ses
lettres à Louise Colet, sa maîtresse, dont Pradier a fait
le buste et une statuette (ill. 17): « C'est
un excellent homme et un grand artiste, oui un grand artiste,
un vrai grec, et le plus ancien de tous les modernes. Un
homme qui est là à faire sa tâche du matin au soir avec
lenvie de la bien faire et lamour de son art.
Tout est là, lamour de son art ».
A lopposé, le sculpteur Préault, jeune loup
romantique, porte ce jugement lapidaire, dans la rubrique
nécrologique de son confrère: « M. Pradier a eu
la main dun sculpteur, jamais le cerveau
Il
partait tous les matins pour Athènes, et le soir arrivait rue
de Bréda ». (Il faut préciser que la rue Bréda à
Paris, aujourd'hui rue Henri-Monnier et rue Frochot, était
le quartier des « filles galantes » à l'époque
romantique).
Ainsi, Pradier est-il seulement capable de
représenter les apparences de la beauté ou peut-on lui
accorder davantage dintériorité ? Est-il
simplement un sculpteur néoclassique ou participe-t-il au
courant romantique naissant, en proie à une mise à
lécart au Salon officiel ?
Certes, les portraits que nous venons de voir sont
remarquables par leur expressivité et leur individualisme. A
partir dexemples choisis parmi ses uvres
françaises les plus représentatives, je vais aborder
létude de luvre profane, de luvre
religieuse et ce qui fait le succès indiscutable de Pradier,
la représentation du corps féminin.
Le début des années 1830 marque pour Pradier une
grande période de commandes publiques parisiennes, inaugurée
en 1825 par le décor de lArc de Triomphe du Carrousel
et clôturée en 1850 par le tombeau de Napoléon.
En province, la fontaine de lEsplanade de
Nîmes parachève, en 1851, cet impressionnant parcours
officiel.
La Révolution de 1830 met fin à la commande de
lArc du Carrousel pour laquelle Pradier ne peut livrer
que deux fragments en marbre, exposés au Louvre.
Par contre, les Renommées
de lArc de triomphe (ill. 18)
constituent la première grande réalisation monumentale,
formée de quatre bas-reliefs en pierre de 6m de hauteur sur
6m de largeur, décorant les écoinçons de larcade
centrale, coté Paris et coté Neuilly. Commandées en mars
1829, leur gestation dure quatre ans et linauguration
na lieu quen juillet 1836. Cest un décor,
sur le modèle antique, de figures allégoriques, dune
grande finesse.
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18. James Pradier, Renommées. Pierre, 1834. Paris, Arc de triomphe de l'Étoile, côté Champs-Élysées |
La nouvelle Chambre des députés au Palais Bourbon,
commencée sous Charles X, est réalisée en grande partie
sous la Monarchie de Juillet. Guizot, en 1830, charge Pradier
des deux figures destinées à décorer lintérieur de
la salle de séance. Installées dans des niches placées de
part et dautre de la tribune présidentielle (ill.
19, 20 et 21), ces deux statues féminines colossales, La
Liberté et LOrdre public,
sont remarquables par leur force et leur stabilité
néoclassiques.
Coiffée dune peau de panthère, La Liberté
foule aux pieds des chaînes et un joug rompus. Elle tient de
la main droite le drapeau tricolore, surmonté du coq.
Lhirondelle, initialement prévue pour la main gauche,
a été remplacée par un globe terrestre surmonté d'une
Victoire, commémorant les Trois Glorieuses, à linstar
de linscription figurant sur la cippe.
LOrdre public tient une lance et une
main de justice, et foule aux pieds le Désordre représenté
par un poignard et un flambeau.
Terminées en 1832, elles sont critiquées car
Pradier est moins à laise dans la sculpture publique
allégorique que dans la sculpture simplement ornementale
dexécution enlevée et facile. Néanmoins, le message
des deux allégories sadapte parfaitement à ce lieu
chargé d'histoire.
Sur la façade du Palais Bourbon, de part et
dautre du fronton de Cortot, se trouvent deux bas-reliefs :
à droite, celui de Rude intitulé Prométhée animant les
Arts, et à gauche, celui de Pradier intitulé LInstruction
publique (ill. 22) et terminé en 1839.
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22. James Pradier, L'Instruction publique. Relief en pierre, 1839. Paris, Assemblée nationale (Chambre des députés) |
Ce sujet brûlant a abouti en juin 1833, après de longs
débats parlementaires, à la loi Guizot, qui met en place
pour lenseignement primaire un nouveau système
éducatif ; il nest question encore ni
dobligation, ni de gratuité mais de liberté affirmée
dans la libre concurrence des écoles privées et des écoles
publiques.
Au centre, « lInstruction publique »
est personnifiée par une Minerve casquée, en train de
détailler les premières lettres de lalphabet,
entourée denfants attentifs et de muses. A la gauche
de Minerve, une femme tient un livre ouvert où
sinscrivent les termes « Écriture Sainte » :
elle symbolise lÉglise et indique son rôle,
nouvellement reconnu par la loi Guizot en soulevant le voile
qui la dissimulait. De l'autre coté, une petite fille, la
seule vêtue dune robe dépoque, apprend à lire,
la main posée sur lépaule de la déesse, en signe de
continuité culturelle. Autour, les neuf muses veillent sur
lenseignement des sciences et des arts quelles
symbolisent.
Cest un bas relief didactique simple,
accessible à tous et aussi dune grande liberté,
malgré son apparence antique. Lintroduction de la
référence moderne du costume dun personnage, les
gestes et les attitudes rendent la scène réaliste et
parlante. Du point de vue stylistique, on la comparé
à la procession des Panathénées de Phidias.
A la même époque, Pradier participe à la
décoration de la place de la Concorde (ill.
23), sur laquelle on édifie huit statues colossales
représentant les « principales » villes de
France. Pradier est chargé de Strasbourg et de
Lille exécutés entre 1836 et 1838.
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23. James Prader, La Ville de Lille (à gauche), La Ville de Strasbourg (à droite). Paris, place de la Concorde. |
Personnifications des villes, ces femmes assises et portant des couronnes murales se rencontraient dans la sculpture depuis
lAntiquité.
Strasbourg (ill. 24), assise sur
un rocher, les pieds posés sur un canon, porte une épée à
la saignée du coude, et une clé dans sa main droite
fermement appuyée sur la hanche. Lille (ill.
25) , assise dans la même position, porte une épée à
lépaule et se distingue par son vêtement plus proche
du déshabillé de boudoir que du costume à lantique.
Leurs physionomies et leurs coiffures modernes correspondent
aux modèles observés à latelier, ce qui constitue
pour beaucoup une choquante entorse aux conventions de la
sculpture allégorique devant idéaliser costume et
expression physionomique.
Ce nest sans doute pas Juliette Drouet qui est
représentée sous les traits de Strasbourg, comme il
la été maintes fois répété. Elle est toute à sa
liaison avec Victor Hugo au moment de la genèse de cette
uvre, et il ne peut être question de poser pour
Pradier. Peut-être est-ce sa femme Louise, solidement
campée et à la moue dédaigneuse.
Comparées aux réalisations de ses concurrents,
Petitot pour Lyon et Marseille (ill. 26),
Cortot pour Brest et Rouen, Caillouette
pour Nantes et Bordeaux, les statues de
Pradier frappent par lélégance de leur pose et
dénotent un classicisme évident teinté dune certaine
liberté prise avec les règles, ce qui fait
loriginalité de son travail.
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26. Pierre Petitot, La Ville de Marseille. Pierre, 1838. Paris, place de la Concorde. |
La statue de LIndustrie (ill. 27 et 28), située à lun des angles postérieurs de la Bourse, reprendra en 1851 ce type dallégorie assise. La figure
porte une massue sur son épaule tandis que sa main droite
repose sur une grande roue dengrenage et une scie
circulaire. Cette statue a la même élégance que les deux
précédentes, mais les vêtements et la coiffure sont moins « modernes »
à un moment où Pradier observe un certain retour à
lAntique.
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27. James Pradier, L'Industrie (face). Modèle en plâtre, 1848. Genève, Musée d'art et d'histoire |
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28. James Pradier, L'Industrie (dos). Modèle en plâtre, 1848. Genève, Musée d'art et d'histoire. |
Au même moment, il participe à la décoration du Palais
de Luxembourg en exécutant en 1840 la décoration
qui entoure lhorloge face au jardin (ill.
29): quatre statues en ronde-bosse (La Sagesse, LÉloquence,
La Prudence, La Justice), deux hauts-reliefs
(La Guerre et La Paix) et trois bas-reliefs
(Le Jour, La Nuit et un génie).
Nous ne commenterons pas les statues emblématiques,
dune platitude vite reconnue. Nous mettrons, par contre,
en valeur la grâce du programme allégorique entourant
lhorloge (ill. 30). Pradier représente Le
Jour (à gauche) par une figure féminine vue de face,
brandissant un flambeau. L'autre figure féminine, La Nuit
(à droite), tourne le dos au spectateur. Le charme de
ces deux silhouettes, enroulées dans des draperies qui
flottent, provient de leurs lignes en arabesque proches du
travail de Jean Goujon. Admiratif, le sculpteur David dAngers,
pourtant ennemi juré de Pradier, dit à leur propos: « [
]
Pradier est certainement lhomme le plus doué pour les
arts quil est possible de rencontrer ».
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30. James Pradier, Le Jour, La Nuit, Génie. Pierre, 1841. Paris, Palais du Luxembourg, pavillon de l'horloge. |
Au dessous, entouré par les signes du Zodiaque, un génie
potelé tient deux guirlandes en forme de cornes
dabondance faites de fruits, participant ainsi à ce
maniérisme raffiné.
Ce talent va sexercer avec éclat dans la
décoration des fontaines, pour lesquelles Pradier peut
déployer tout son art et son attachement à l'antiquité :
dabord à Paris pour la Fontaine Molière inaugurée en
1844, puis à Nîmes, sept ans après.
La fontaine dédiée à Molière (ill.
31), située rue Richelieu à proximité du Palais Royal, est
conçue par larchitecte Visconti. Le sculpteur Seurre
représente Molière en bronze, assis dans un fauteuil,
entouré de quatre colonnes surmontées dun entablement
et dun fronton arrondi. Au bas du monument, Pradier est
chargé de la réalisation de deux figures allégoriques
décorant le socle du monument.
Dans un premier temps, les esquisses de ces figures, réalisées
en plâtre, représentent deux Renommées aux ailes
importantes, chacune portant un rouleau déployé sur lequel
sont inscrites les uvres de Molière. Une fois
exécutées en marbre, elles deviennent la Comédie
légère et la Comédie sérieuse (ill.
32 et 33), appelées en 1844 la Muse enjouée et la
Muse grave. Leur pose rappelle un peu celle des statues
de muses de lAntiquité ; par contre,
lagencement de leurs lourds drapés leur donne un
aspect résolument moderne. Pradier a su les adapter à
lallure maniériste de ce monument démontrant toute sa
virtuosité.
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32. James Pradier, La Comédie légère. Marbre, 1844. Fontaine Molière, Paris, rue de Richelieu.
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33. James Pradier, La Comédie sérieuse. Marbre, 1844. Fontaine Molière,
Paris, rue de Richelieu. |
Ici encore, on parlera de portrait : Théophile Gautier
trouvera dans la muse de droite une ressemblance avec Louise
Pradier.
Ces muses donnent tout son éclat à cette fontaine
jugée par ailleurs assez banale. Pourtant, elle fait
lobjet dune inauguration particulièrement
solennelle car cétait là le premier monument public
parisien dédié à un homme de lart.
La construction de la crypte du Tombeau de
Napoléon aux Invalides permet à Pradier
dacquérir la grande consécration de sa carrière.
A lorigine du projet, le sarcophage devait
être surmonté dun « gisant » confié à
Pradier mais dont lidée est vite abandonnée. A
défaut, trois arrêtés de 1843 lui confient le travail de
figures adossées aux piliers entourant le sarcophage et
destinées à rappeler les victoires de l'Empire (ill.
34). Le « programme » général conçu par
Visconti recommande au sculpteur de sinspirer de
lAntiquité, davoir une grande conformité de
lignes, et de se différencier seulement par « lexpression,
lagencement des draperies, et quelques attributs
».
De nombreux croquis
sont élaborés, rendant compte de lévolution de ce
projet, source de déboires pour Pradier, victime de retards
de paiement et malmené par Visconti.
En avril 1847, cinq Victoires sont livrées mais ne
donnent pas satisfaction à Visconti. En 1850, le statuaire
reprend son travail et le termine, mais Visconti exige encore
des modifications qui ne seront faites quaprès la mort
du sculpteur par son élève Lequesne. Et, il fait détruire
volontairement les modèles en plâtre.
Ces douze Victoires ailées (ill. 35 et 36),
hautes de 3,50m, drapées à lAntique, frappent par
leur taille et leur allure semblable, individualisées par
quelques détails de leur robe ou de leur coiffure et par les
accessoires tenus dans leurs mains : palmes, couronnes,
glaives ou trompettes. Soumises à larchitecture, elles
font preuve dune grande homogénéité dans un ensemble
sculpté pour glorifier plus les actions civiles de Napoléon
que les batailles dont les noms sont inscrits sur la
mosaïque autour du sarcophage.
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35. James Pradier, Victoires.
Marbre, 1843-1853. Tombeau de Napoléon Ier, Paris, église Saint-Louis des Invalides. |
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36. James Pradier, Victoire (détail)
Marbre, 1843-1853. Tombeau de Napoléon Ier, Paris, église Saint-Louis des Invalides. |
A propos des difficultés rencontrées, Pradier aurait eu ces
paroles prémonitoires : « le tombeau de
lEmpereur sera le mien. »
A Nîmes, il décore la magnifique Fontaine de
lEsplanade (ill. 37), dont la
construction décidée en 1844, est confiée à
larchitecte Questel au moment où Nîmes connaît une
grande prospérité économique, qui va de pair avec une vie
intellectuelle brillante.
Lesquisse en plâtre (ill. 38) se trouve au
Musée des beaux-arts de Nîmes, où elle a été récemment
présentée dans une exposition consacrée à la Pandore
de Pradier.
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38. James Pradier et Charles Questel, Fontaine de l'Esplanade. Nîmes. Première maquette, plâtre, 1845. Musée des beaux-arts de Nîmes. |
La réalisation de cette fontaine, dune élévation
totale de près de onze mètres, anime un espace nouveau de
réorganisation urbaine, situé entre la ville ancienne
délimitée par lEsplanade et le nouvel espace que doit
occuper la gare en projet.
Sur un fort massif central élevé formant un
piédestal quadrilobé, sarticulent des vasques
circulaires portées par des pieds et des massifs de refends
et supportant cinq figures colossales détachées et haut
placées, ce qui la distingue des fontaines traditionnelles
construites à Paris.
Lensemble est dominé par la représentation
de la Ville de Nîmes triomphante
(ill. 39). Elle est habillée dun peplos à
plis serrés. Elle tient à la main un rameau dolivier,
symbole de lapaisement des querelles religieuses et
politiques. De lautre main, elle tient un bouclier,
décoré du blason de la ville orné du crocodile. Sa tête (ill.
40) est surmontée dune couronne formée des façades
des édifices antiques et du Palais de Justice, nouvellement
construit dans le style néoclassique.
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39. James Pradier, Ville de Nîmes. Marbre, 1850. Nîmes, Fontaine de l'Esplanade. |
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40. James Pradier, Ville de Nîmes (détail). Marbre, 1850. Nîmes, Fontaine de l'Esplanade. |
A ses pieds, les
quatre allégories des fleuves et des
sources sont désignées par leur nom écrit en latin, selon
le désir insistant de l'architecte Questel.
Jupiter assis représente le Rhône (« Rhodanus »)
un bras posé sur un aviron tandis que lautre repose
sur un masque de la Tragédie, en signe du caractère
imprévisible du fleuve (ill. 41 et ill. 42,
à gauche).
Le magnifique Gardon (« Vardo »),
affluent du Rhône, est symbolisé par Neptune appuyant avec
force sur son trident, le pied appuyé sur une amphore,
exprimant ainsi la puissance de son cours (ill. 42,
à droite, et ill. 43).
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41. James Pradier, Le Rhône (Rhodanus). Marbre, 1850. Nîmes, Fontaine de l'Esplanade. |
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42. James Pradier, Le Rhône (Rhodanus), Nemausa, Le Gardon (Vardo). Marbre, 1850, Nîmes, Fontaine de l'Esplanade.
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43. James Pradier, Le Gardon (Vardo). Marbre, 1850. Nîmes, Fontaine de l'Esplanade. |
Les sources sont
représentées par deux nymphes : la fontaine de Nîmes
(« Nemausa ») (ill. 44), couronnée de
nénuphars, nymphe qualifiée de « rustique »; de
lautre coté, lEure (« Ura ») (ill.
45), située près dUzès, coiffée dune couronne
tressée, et tenant une lyre avec grâce, nymphe qualifiée
« durbaine ». Il semblerait dailleurs
que les appellations des deux nymphes aient été inversées
par le sculpteur, Nemausa étant en réalité «
lurbaine » et « Ura » la « rustique ».
Canonge le signale à Pradier qui reconnaît lerreur,
se disant prêt à en changer, ce que ne lui permet pas le
destin.
Lensemble
fut reconnu comme une uvre dart remarquable, mais
le côté somptuaire de la décoration sera dénoncé pour
son inutilité, comme le fait le journal local juste après
linauguration du 1er juin 1851 : «
la
nouvelle fontaine, avec ses rares et minces filets deau
et la barrière qui défend lapproche de ses bassins,
nest même pas un monument dutilité publique » 6.
Commandes publiques
destinées à décorer les places ou les jardins
Les statues de Phidias
et Prométhée sont exposées actuellement au
Louvre après avoir été longtemps exposées à
lextérieur et ainsi très abîmées.
La statue en marbre de Phidias (ill.
46 et 47), commandée en 1832 pour la cour du Louvre,
est placée en 1835 au jardin des Tuileries où elle demeure
jusquen 1993. Pradier, après avoir fait des recherches
au sujet de ce sculpteur grec du Vème siècle avant J.C, le
représente de taille moyenne, pensif, solidement adossé à
une colonne sur laquelle est posé un petit modèle
dune de ses uvres.
La statue de Prométhée (ill.
48) en marbre de Carrare, est commencée à Rome en 1823,
terminée à Paris en 1827 et placée aux Tuileries en 1832.
Puni par Zeus pour avoir dérobé le feu aux dieux et
lavoir donné aux hommes, Prométhée fut enchaîné au
sommet du mont Caucase et son foie qui repoussait constamment,
était dévoré par un aigle qui sera tué par Héraclès. Le
sculpteur donne une image nouvelle du héros antique,
prisonnier de ses chaînes, mais libéré du vautour qui gît
à ses pieds. Cette interprétation très romantique est
appréciée par la critique. Certains y voient le présage de
la Révolution qui aura lieu trois ans après.
Pour la ville dAigues-Mortes, il exécute en
1847-1848 la statue colossale en bronze de Saint Louis
(ill. 49, 50 et 51), dabord attribuée à son
rival de longue date Marochetti qui, trop cher, est évincé
au profit de Pradier, et ceci grâce à la médiation du
nîmois Canonge. La statue, mesurant huit pieds (2,60m) est
placée sur un imposant piédestal conçu par larchitecte
Questel : il est en pierre, orné de deux proues de
navire. Pradier modifiera le geste du bras droit du Saint
dont le dessin (ill. 52), soumis à la commission de
la ville chargée du choix du sculpteur, avait été
critiqué, lensemble ayant été jugé lourd. Il est
vrai que cest imposant mais cest en accord avec
lénorme ceinture de remparts moyenâgeux dAigues-Mortes.
Et il préfigure un peu le style des statues colossales des
années 1930.
Des séjours toulonnais de Pradier au Prieuré de Lamalgue,
il reste un mascaron qui, à lorigine,
était placé sur un mur de soutien de la falaise bordant le
jardin face à la mer. On peut le voir sur ce dessin de
Letuaire (ill. 53) 7, dessinateur
et peintre toulonnais. Placé face à limmense panorama
maritime, il produisait sur tous les visiteurs se promenant
sur la plage une impression de grandeur antique.
Pradier exécute aussi des fresques (une Pallas, La
Poésie, une Amphitrite) et des reliefs dont un,
sur le thème de la Maison de Socrate. Mais ces
uvres sont en partie perdues.
Le mascaron sera déplacé plus haut, devant la
villa (ill. 54), à une date ignoré pour le moment.
Brisé vers 1851, il sera remplacé par un autre mascaron
suggéré par Pradier 8 mais
dune iconographie légèrement différente.
Ce deuxième mascaron (ill. 55), fondu par Victor
Paillard, est resté sur place où on peut le voir dans le
jardin de la résidence du « Prieuré »,
construite sur lemplacement de la villa Cloquet.
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55. James Pradier, Neptune. Fonte de zinc, après juin 1852. Toulon, résidence « Le Prieuré »
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56. James Pradier, Neptune. Plâtre, après juin 1852. Genève, Musée d'art et d'histoire |
Le masque, encastré dans une large conque, représente
Neptune, le front orné de cornes et la barbe décorée de
deux dauphins qui sen échappent, lensemble sur
une hauteur d'environ 1,40m. Il porte le nom de Pradier, la
date de son décès et un motif funéraire à fleur brisée,
comme le plâtre qui se trouve à Genève (ill. 56).
On peut donc penser quil sagit là en fait
dune uvre posthume, en hommage à Pradier et
reproduisant le modèle antérieur.
Les commandes religieuses tiennent une place non négligeable
dans l'uvre de Pradier.
Nous citons seulement pour mémoire la première
grande commande religieuse que constitue lédification
du Monument du Duc de Berry (ill. 57) en
1824, dans la cathédrale Saint-Louis de
Versailles.
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57. James Pradier, Monument du duc de Berry. Marbre, 1823. Versailles, cathédrale Saint-Louis |
Dans léglise de la Madeleine à Paris, se
trouve un groupe sculpté en 1842 par Pradier,Le
Mariage de la Vierge (ill. 58 et 59).
Cest une scène classique de
liconographie religieuse, souvent traitée en peinture,
mais ne sappuyant sur aucun texte biblique. Dans une
construction pyramidale, la scène représente Marie et
Joseph agenouillés, enveloppés de lourdes draperies et
couronnés de fleurs.
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58. James Pradier, Mariage de la Vierge. Marbre, 1842. Paris, église de la Madeleine |
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59. James Pradier, Mariage de la Vierge (détail). Marbre, 1842. Paris, église de la Madeleine |
Ils reçoivent la bénédiction du grand prêtre à la
physionomie très expressive (ill. 59), pour lequel
Pradier sest montré attentif à l'exactitude du
costume et des insignes. On retrouvera ce souci de vérité
historique dans la Pietà de la chapelle de la
Pauline.
La statue de La Vierge de Notre-Dame des
Doms à Avignon (ill. 60), datée
de 1838, est le premier ouvrage religieux, exécuté pour le
Midi. Il a la particularité de représenter son épouse
Louise, comme le reconnaît Pradier lui-même, racontant sa
visite à la cathédrale lors d'un voyage dans la ville
dAvignon, ce que confirmera Louise, disant à Cortot,
qui félicitait Pradier pour les mains de la Vierge,
quelles étaient siennes et quelles avaient été
moulées.
A La Garde, Pradier a laissé, dans la chapelle funéraire
néo-gothique de La Pauline, un ensemble
intéressant et peu connu.
Le 6 novembre 1844, de retour à Paris, après un
séjour à Toulon, Pradier propose, dans une lettre au
Docteur Lauvergne, de sculpter pour une chapelle du Mourillon
à construire, « le groupe de la Vierge tenant
entre ses genoux le Christ mort ». Il sagissait
de léglise Saint- Flavien, comme il lest
indiqué sur le dossier des archives 9.
Immédiatement, Lauvergne le propose au conseil municipal qui
l'accepte. Pradier se met au travail, ne révélant sa Pietà
(ill. 61) quau salon de février 1847 où elle
soulève un tollé général dans la presse et le groupe
nest pas acquis par lÉtat, qui a été
sollicité en vain par le conseil municipal de Toulon en
février et en août de cette année 1847 10.
Pradier envoie en décembre 1848, un plâtre de
cette Pietà (ill. 62) à la municipalité
de Nîmes, espérant en obtenir la commande en marbre, pour
léglise Saint-Paul nouvellement construite. La
commande ne se fait pas, mais le plâtre, longtemps conservé
dans divers musées de la ville, sera installé dans cette
église vers 1990.
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61. James Pradier, Pietà. Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
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62. James Pradier, Pietà. Plâtre, 1847. Nîmes, église Saint-Paul. |
Le groupe est acquis en 1850 par une habitante de la Farlède,
veuve du fils dun notaire valettois, Charles Farnous
qui sétait enrichi « au-delà des mers » 11.
Cette uvre est placée sur le tabernacle de
lautel de la chapelle érigée entre 1850-1852, à la
mémoire de son mari par larchitecte lyonnais Fontaine
dans le quartier de La Pauline. (ill. 63).
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63. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et Saint Charles Borromée, 1850-1852. La Garde, près de Toulon. |
Cest une uvre puissante traduisant un souci de
vérité anatomique et de recherche archéologique. La Vierge
hiératique, dotée dune coiffure et dun costume
syriens, présente un visage sévère (ill. 64) sur
lequel apparaissent des larmes visibles. Elle tient devant
elle un Christ dont le corps, portant les marques de son
calvaire, est affaissé mais dont le visage, à la barbe
soignée, dans une position faisant penser à Mantegna, reste
serein (ill. 65).
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64. James Pradier, Pietà (détail).
Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et
Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
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65. James Pradier, Pietà (détail).
Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et
Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
Les critiques reprocheront à Pradier de ne pas avoir senti
le coté mystique de la scène en raison de son éducation
protestante, mais elles sont à replacer dans un contexte
religieux qui nest plus de mise actuellement. Cette
uvre de Pradier est importante pour la statuaire
religieuse française, traduisant la préoccupation de
certains chrétiens désireux de donner au Christ
lapparence « du plus beau des hommes » et
de trouver une vrai Mère de douleurs laissant tomber ses
larmes. La signature de Pradier est visible sur le coté
gauche du bas de la robe de la Vierge.
Le tympan du portail de léglise est orné
dun relief qui représente Saint Charles Borromée
soignant les pestiférés de Milan (ill. 66),
signé par Pradier, à droite sous la
poitrine de la femme agonisante. Le choix du
sujet, correspondant à une des dernières uvres de
Puget, ne me semble pas innocent de la part de Pradier qui se
réclamait souvent de Puget. Le travail a certainement dû
être terminé par ses aides car l'uvre na pas la
vigueur de ce que fait Pradier habituellement.
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66. James Pradier, Saint Charles Borromée soignant les pestiférés de Milan. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
Le portail est surmonté dun pignon portant à la cime lAnge
de la Résurrection (ill. 67), signé « J.
PRADIER » sur le devant de son socle 12.
Par son allure étirée, on peut le rapprocher de ceux qui
ornent une urne funéraire monumentale de Pradier exposée au
Salon de 1840, rappelant par leur silhouette les sculptures
néogothiques chères aux sculpteurs romantiques.
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67. James Pradier, L'Ange de la Résurrection. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre-Dame de la Pitié et Saint-Charles Borromée,
La Garde, près de Toulon. |
Sur les deux contreforts bordant les extrémités de la
façade se dressent les statues de Saint Charles (ill.
68) et Sainte Thérèse (ill. 69), qui
étaient les patrons des époux Farnous; ces statues
apparemment non signées ne peuvent, dans létat actuel
des recherches, être attribuées avec certitude à Pradier.
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68. James Pradier (?), Saint Charles. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre- Dame de la Pitié et Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
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69. James Pradier (?), Sainte Thérèse. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre- Dame de la Pitié et Saint-Charles Borromée, La Garde, près de Toulon. |
Enfin, en 1852, peu avant sa mort, par un curieux retour aux
origines, il exécute une sculpture destinée au tombeau
dAndré Amenlier dans le cimetière protestant de
Nîmes, berceau de ses ancêtres paternels. Pour ce
riche propriétaire nîmois mort en 1847, son exécuteur
testamentaire François Jalabert fait ériger un monument
funéraire dont « le plan a été dressé par M.
Feuchère, architecte du Gard » 13.
Pradier est chargé de réaliser une figure
allégorique représentant LImmortalité de
lâme ou LEspérance en Dieu (ill.
70 et 71). La statue, commandée en juillet 1850, arrive à
Nîmes fin mai 1852, juste avant la mort de Pradier le 4 juin.
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70. James Pradier, L'Immortalité.
Marbre, 1852. Nîmes, cimetière protestant,
tombeau d'André Amenlier. |
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71. James Pradier, L'Immortalité.
Marbre, 1852. Nîmes, cimetière protestant, tombeau d'André Amenlier. |
Elle représente une jeune femme drapée, les yeux levés au
ciel, couronnée de lauriers et tenant une couronne de pommes
de pin de la main droite alors quelle désigne de
lindex gauche la Bible posée à ses pieds. La statue
est en « marbre blanc clair parce quil
blanchit à l'air » signale Pradier à son aide Poggi
dans une lettre datée de 1850, dans laquelle il écrit plus
loin : «
lamour des arts est porté
haut et fait honneur à la classe distinguée de la
population de Nîmes; jen suis fier puisque je suis un
petit enfant du département ».
A Jules Canonge, il signale dans un autre courrier de
juin 1850: «
mon petit modèle que je viens
denvoyer à Poggi a eu un vrai succès à Paris, on
la trouvé mieux que la Sapho.. ».
Cette production publique et religieuse reste dans
lensemble néoclassique, selon les exigences des
commanditaires. Par contre, Pradier peut innover dans ses
commandes privées, et plus précisément dans les
représentations féminines qualifiées de « statues
de chair », selon le titre de la seule grande
exposition faite sur lui en 1985-86 à Genève puis à Paris.
Au pasteur genevois, Gaberel, de passage à Paris en
1838, Pradier, se plaignant du mauvais goût ambiant, aurait
dit : «
Jeus de mauvais jours après
1830
les arts étaient envahis par le laid, le
grotesque, le tordu;
et, lantique, la perfection
de la beauté humaine, cétait du rococo
on
comprendra que le seul avenir possible pour la sculpture, ce
sont les formes anciennes rajeunies par des expressions, une
vie nouvelle;
» 14. Ce jugement
est une clé permettant de comprendre lévolution de ce
type de production.
Les Trois Grâces (ill.
72 et 73) du Louvre, uvre de 1831, possèdent
apparemment les caractères exigés par lAcadémie, et
permettant d'exposer aux Salons : la référence aux
trois divinités gréco-romaines de la Beauté, Aglaé,
Thalie et Euphrosyne; la nudité des corps; enfin, le jeu des
attitudes nécessaires à lintelligence de
laction de ces personnages vivant dans lHarmonie.
Lapparence est bien « grecque », comme
lexige lépoque. Mais par le réalisme des
figures, Pradier innove, ce que les critiques de
lépoque ont bien senti. Pour eux, il est question de
« respect scrupuleux de la vérité de la forme »,
de « chaleur dexécution » et même de « Grâces
jolies et désirables » 15.
En 1834, avec le groupe Satyre et Bacchante (ill. 74 et 75) du Louvre, Pradier adopte totalement ce genre nouveau, le « nu érotique », déjà inauguré avec la Nymphe de Rouen en 1819.
Les corps sont disposés en demi-cercle, le corps du satyre
penché sur la bacchante qui sabandonne. Le groupe est
remarquable par sa composition et par le réalisme de ses
détails : plis de chair du corps de la bacchante aux
yeux mi-clos et effets cutanés de la pression des doigts du
satyre sur son corps. Et dailleurs, ce groupe est
placé en retrait au Salon de 1834 car jugé trop choquant.
Des recherches récentes 16
ont montré que Pradier sétait inspiré des statues
antiques de la villa Ludovici à Rome pour faire mieux que l'art
grec, dépassant ainsi la modération de lart classique.
Pradier a su adapter ce sujet mythologique aux
formes contemporaines de sensibilité à laube du
mouvement romantique.
A coté des bacchantes, les figures de la
mythologie sont pour Pradier un sujet de prédilection.
Sans en faire un commentaire exhaustif, nous choisirons les
plus caractéristiques du souci de Pradier darriver à
une représentation parfaite de la beauté, le titre de l'uvre
nétant alors quun prétexte.
Cassandre (ill. 76) a
été exécutée en 1843, et elle est conservée depuis cette
date au Musée des beaux-arts dAvignon. Selon le mythe,
Cassandre a reçu dApollon le don de prédire
lavenir mais sétant refusée à lui, le dieu
décréta que personne ne croirait à ses prédictions.
Appuyée sur lautel de Minerve, seul élément qui la
rattache à lantiquité, elle se trouve dans un abandon
propice à linspiration. La réalisation de Cassandre
est jugée parfaite mais pas la nature, jugée vulgaire, sans
noblesse, conforme au modèle de latelier et ne faisant
pas honneur au sculpteur.
En 1824 à Rome, utilisant une colonne antique de marbre de
paros, Pradier conçoit une uvre à propos de laquelle
il écrit : « Jai composé une figure
grande comme nature. On pourrait la nommer Psyché (ill.
77 et 78). Cest une jeune fille debout qui va
prendre un papillon posé sur son bras gauche. » Ici,
le sculpteur semble davantage intéressé par une action, une
scène poétique que par la description dune figure
mythologique.
Psyché est à sa toilette, la chevelure apprêtée et parée
de bijoux. Le sculpteur aurait pris comme modèle sa
maîtresse du moment, « une belle romaine » 17,
à laquelle il aurait donné un déhanchement inspiré de la
Venus de Milo. Il rajoute une touche maniériste dans le
traitement des cheveux, dans linclinaison de la tête
et la disposition des bras. Elle prend laspect
dune femme pudique, le bras replié sur la poitrine et,
en même temps elle témoigne dun certain érotisme
donné par la chute du drapé sur les hanches.
La Poésie légère (ill.
79 et 80) se trouve au Musée des beaux-arts de Nîmes.
Élaborée en marbre de Carrare, elle frappe par
laudace de son mouvement : le corps envahit
lespace, la statue telle une arabesque tourne sur elle-même
et le vêtement accroît lillusion du déplacement du
corps.
Pradier fait preuve dans cette uvre particulièrement
soignée dune grande maîtrise dexécution par
les effets polychromes des bijoux et de la harpe, par
lextraordinaire modelé de la draperie bordée
dor, et par la minutie de la représentation du sol
rempli de détails zoomorphes.
Si les éléments décoratifs rappellent
lantiquité, le dynamisme de la statue la rend moderne,
préfigurant les tentatives futures des sculpteurs de la fin
du XIX siècle.
Exposée au Salon de 1846, elle provoque une
réaction très élogieuse mais aussi des critiques violentes.
La statue de Nyssia (ill.
81 et 82) obtient au salon de 1848 la médaille de première
classe, la plus haute récompense. Pradier sest
inspiré du Roi Candaule écrit en 1844 par Théophile
Gautier. Nyssia, dune beauté hors du commun, venge sa
pudeur outragée en tuant son mari, le prince grec Candaule
qui la donne à voir à son propre ami pour lui montrer sa
beauté alors quelle est à sa toilette.
Cest une des sculptures les plus fascinantes de Pradier,
visible au Musée Fabre de Montpellier. Il a utilisé le
marbre pentélique dune ancienne colonne grecque,
lumineux, de couleur mordorée, sans veinure.
Nyssia, dune grande beauté est affairée à
sa toilette, coiffant sa longue chevelure traitée dans un
marbre aux reflets brillants (ill. 83). Son
extraordinaire masse de cheveux tombe en partie dans un coupe
supportée par un trépied, richement décoré de palmes, de
poissons, de dauphins et aux quatre coins, de paons, symbole
de lentente conjugale. Le poids de son corps, fait de
marbre lisse, est rendu par leffet des plissements du
coussin (ill. 84). Sur la base, une mosaïque
rappelant le pavement des demeures antiques, dénote une
recherche de polychromie.
Pradier va au-delà de la beauté archéologique de Canova,
donnant une expressivité particulière, proche des
romantiques.
Avec la Toilette dAtalante (ill.
85 et 86), uvre de 1849 que
lon trouve au Louvre, Pradier aborde un thème tiré
des Métamorphoses d'Ovide, cher aux sculpteurs
baroques. Toujours victorieuse dans les courses, Atalante
avait promis, face à ses nombreux prétendants écartés, de
s'offrir à celui qui la dépasserait. Un stratagème de
Vénus permit à Hippomène de la conquérir, en lançant au
devant delle trois pommes dor quAtalante ramassa, retardant sa course.
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85. James Pradier, La toilette d'Atalante. Marbre, 1850. Paris, Musée du Louvre. |
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86. James Pradier, La toilette d'Atalante (détail). Marbre, 1850. Paris, Musée du Louvre. |
Elle est représentée accroupie, attachant une de ses
sandales placées sur le socle à coté des trois pommes
dor, seul rappel du mythe. Elle est remarquable par sa
grâce, par la minutie de la représentation de sa coiffure
et de ses sandales. Elle représente léternelle
beauté.
Les critiques ne sy sont pas trompés, y
voyant une « parisienne sortant du bain plutôt
quune grecque ».
On trouve de nombreuses Pandore: une en
marbre « grandeur nature » en Belgique, et deux
de format « demi-nature » en bronze, une à
Genève et lautre à Nîmes (ill. 87), objet
dune récente exposition 18 ; il
existe aussi de nombreuses réductions en bronze ou autres
matières (ill. 88).
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87. James Pradier, Pandore. Bronze, H. 94 cm, 1845-1850. Nîmes, Musée des beaux-arts. |
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88. James Pradier, Pandore.
Bronze doré, H. 41 cm, 1845-1850. Genève, Musée d'art et d'histoire. |
Selon le mythe transmis par Hésiode, « la première
femme » formée par Héphaïstos, est dotée par les
dieux de dons divers, beauté, intelligence, grâce mais
aussi mensonge et fourberie. Envoyée en émissaire chez les
mortels, elle ouvre lurne dont elle était chargée
contenant les misères humaines, qui se répandent. Seule,
lEspérance reste emprisonnée dans lurne
refermée trop brutalement. A lépoque romantique, elle
devient une métaphore pour célébrer la beauté féminine
mais aussi son pouvoir fatal.
Particulièrement soignée, Pandore est
ornée de nombreux bijoux, du diadème au bracelet de pied,
et elle est munie dune urne historiée. Dans un
déhanchement suggestif, Pandore est représentée
dans sa duplicité que met en valeur la draperie qui la coupe
verticalement en deux, comme les ombres de son visage
penchée.
Elle devient « pudique » pour
lexemplaire de Genève ou « impudique »
pour celui de Nîmes, acheté en 2006 pour le Musée des
beaux-arts. « Limpudique » de Nîmes ne
cache pas ses formes sur le bas-ventre, laissant le
spectateur voir ou ne pas voir sa semi-nudité, selon
lendroit où il se trouve.
A partir du mythe antique, Pradier donne à voir une
femme nouvelle que traiteront librement des artistes comme
Courbet.
Le Musée dOrsay possède Sapho (ill.
89 et 90), une des dernières uvres de Pradier,
décédé au moment de son exposition au salon de 1852.
Elle est exécutée parfaitement selon lhabitude du
sculpteur : robe savamment plissée, rendu du visage et
de la chevelure, collier et bracelet minutieusement sculptés.
Personnifiée par la lyre posée à son coté, elle incarne
la femme poète en méditation, les mains croisées sur sa
jambe repliée, très fermée sur elle-même, le regard perdu.
Le thème évoqué est moins celui de la beauté que
celui de la création artistique et de la mélancolie.
Là aussi, elle aurait été inspirée par
lobservation du geste dun modèle.
Dun instantané, dun geste ou dune
pose observés, Pradier imagine une uvre à laquelle il
met ensuite une appellation, que ce soit Cassandre, Psyché
ou Sapho. Ainsi, on voit lévolution de son art passant,
dune esthétique basée sur un vocabulaire et des
règles définis, à une esthétique plus libérale qui le
rapproche des artistes romantiques.
Ses uvres intimistes ou orientalistes, dont
voici quelques exemples, lengagent délibérément dans
cette lignée, et même dans celle des artistes
postromantiques.
La femme couchée (ill. 91) rappelle
Le Nu couché (ill. 92) de 1907 de Matisse.
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91. James Pradier, Femme couchée sur une peau de lion. Bronze, 1842. Coll. particulière. |
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92. Henri Matisse, Nu couché (Aurore). Bronze, 1907. Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI. |
La Négresse au tambourin (ill. 93) annonce
la vogue de lart africain des années 1930. La femme
mettant son bas (ill. 94) a la position des
danseuses de Degas.
Terminons par cette petite statuette de 23 cm en plâtre, Vénus à la coquille(ill.
95 et 96) correspondant à des séries éditées en plusieurs
exemplaires, comme il était possible de le faire après la
vente des droits aux fondeurs 19.
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95. James Pradier, Vénus à la coquille avec deux dauphins. Plâtre, 1844. Genève, Musée d'art et d'histoire. |
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96. James Pradier, Vénus à la coquille avec deux Amours. Bronze, 1844. Coll. particulière. |
Vénus apparaît dans un écrin de coquillage, simplement
vêtue dun sautoir de perles, passé sur lépaule,
et offre sa beauté soignée et désirable au spectateur. Ce
thème botticellien avait été déjà utilisé par Pradier
à la villa Cloquet pour la peinture murale dune
Amphitrite sortant de londe sur sa coquille. Pradier le
reprend dans cette uvre qui symbolise la Création, la
naissance de lhomme mais aussi la création de
lartiste. On le retrouvera chez Rodin trente ans après.
En 1849, face aux critiques nombreuses
laccusant de « se plaire aux afféteries
coquettes », Pradier renoue avec le genre « héroïque »
et ébauche en plâtre un Ulysse relevant le corps
dAchille (ill. 97), contenant tous les
éléments du mode héroïque néoclassique, quil
neut pas le temps de réaliser en marbre.
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97. James Pradier, Ulysse relevant le corps d'Achille. Plâtre, 1849. Genève, Musée d'art et d'histoire. |
Fervent dart classique quil tenait pour
supérieur à tout, fidèle par goût et par commodité aux
règles académiques exigées à son époque, Pradier
sest montré un artiste à facettes, éclectique dans
le choix et le traitement des ses uvres, quil
traite avec un réalisme libéré de toute contrainte.
Inspiré par le maniérisme, se réclamant de Puget, Pradier
plus éclectique que néoclassique, a ouvert en sculpture une
voie quemprunteront les sculpteurs de la fin du
XIXème siècle, notamment un, cher à la mémoire toulonnaise,
André Allar.
Cest Flaubert qui avait raison, sa seule préoccupation,
cest lamour de lArt qui lui permet
datteindre ce qui est lessence même de l'Art,
la Beauté.
Remerciements
Cette étude a été présentée le 14 octobre 2009 à l'Académie du Var par Mme Monique Bourguet-Vic, membre associé de cette Académie, professeur agrégé d'histoire et professeur d'histoire des arts. Nous remercions Mme Bourguet-Vic d'avoir accepté qu'elle soit diffusée ici. Une version en format pdf peut être lue sur le site de l'Académie du Var en cliquant ici.
Notes
1
Voir Jules Fontan, « Les Romantiques à Toulon. La Malgue
et la Villa Cloquet », in Bulletin de la Société des
Amis du Vieux Toulon, n° 12, octobre-décembre
1926, pp. 275-290, et n° 13, janvier-mars 1927, pp.
14-25.
2 Cf.
la Correspondance de James Pradier, textes réunis,
classés et annotés par Douglas Siler, Librairie Droz,
Genève, 1984-, t. 3, lettre 446, pp. 23-24.
3 Selon
le document de la Bibliothèque de Genève acheté à un
descendant du neveu de Juliette Drouet, reproduit et
transcrit dans la Correspondance de James Pradier, op.
cit., t. 1, Illustrations, et t. 1, p. 144, lettre
88 bis.
4 Douglas
Siler, Flaubert et Louise Pradier. Le texte intégral des
« Mémoires de Madame Ludovica»,
Archives des Lettres Modernes, Paris, 1973. Cf. la Correspondance
de James Pradier, op. cit., t. 3, lettre 486, p. 88,
note 3.
5 Un
« scénario » du roman publié en 1979 par
Douglas Siler constitue la preuve de lutilisation des
« Mémoires de madame Ludovica » par
Flaubert qui connaissait bien le ménage Pradier. Voir
Douglas Siler, « Du nouveau sur la genèse de Madame
Bovary », in Revue d'Histoire Littéraire de
la France, janvier/février 1979, pp. 26-49.
6 Le
Messager du Midi, 4 juin 1851, article de Morelot.
7 L'Illustration
du 30 août 1845, article de Charles Poncy (« Les
baignades »). Cf. aussi « Le Toulon de
Letuaire, chronique tirée de lIllustration,
1844-1869 », Alamo, 1986, p.421.
8 Lettre
inédite de Pradier à Jules Cloquet, juillet 1851 : « Dites-moi
ce que vous voudriez pour mettre à La Malgue à la place de
notre pauvre Neptune brisé. Nous pourrions faire une
sculpture en terre cuite ou en plomb ou en zinc. Venez un
moment en passant et nous élèverons un colosse. »
9 Archives
Municipales de Toulon, RVII.2.
10
Archives Municipales de Toulon, RVII.2
11 A.
Bonnet, « La Chapelle Saint-Charles Borromée de
la Pauline », in Bulletin des Amis du Vieux Toulon,
n° 10, 1926, pp. 151-161.
12
Communication de M. Louis Le Pennec à M. Douglas Siler (voir sur le Forum Pradier son
courrier du 13/12/04).
13 On
trouvera les détails de cette commande dans la Correspondance de
James Pradier, op. cit., t. 4 et 5 (à paraître).
14 J.
Gaberel, « Notice sur les ouvrages de James
Pradier »,
Bibliothèque universelle de Genève, nouvelle
série, t. 15, juin 1838, p. 284-286 (cité sur le Forum
Pradier, rubrique Rencontres du troisième type).
15 Charles
Lenormant, Les artistes contemporains. Salon de 1831, t. 1, Paris, Mesnier, 1833.
16
Wolfgang Drost, « Pradier à la villa Ludovici, autour
du groupe Satyre et Bacchante ». in La sculpture au
XIXème siècle. Mélanges pour A.Pingeot, éd. Chadun,
2008.
17 Correspondance de
James Pradier, op.cit, t. 1, p. 66, note 3, et pp. 70-74.
18 Sur
cette uvre, lire ici même l'étude de Jacques de Caso
et Douglas Siler,
« Une
Pandore impudique redécouverte ».
19 Sur
cette uvre, lire ici même l'étude de Claude Lapaire,
« Vénus
dans une coquille, deux statuettes de James Pradier, sources
et postérité ».
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