En 1850, Pradier décide d’entreprendre
Homère et son guide, un groupe qu’il
compte tailler dans un grand bloc de marbre. Il y songe
peut-être déjà au cours de l’année précédente car le
catalogue de la vente après décès, en juin 1852, précise
que l’ouvrage « est le fruit d’un travail
persévérant de plusieurs années ». Le 16 janvier
1852, se fondant sur le modèle en plâtre, haut de 92 cm,
qu’il vient d’achever, il sollicite de l’Etat
« un marbre pour exécuter à [s]es frais un groupe
d’Homère et son petit conducteur de la proportion de 7
pieds de hauteur», soit environ 210 cm. La mort en décidera
autrement.
L’ouvrage revêt pour Pradier une
signification particulière. Il s’insère dans la série
des grandes statues héroïques exécutées au cours des
dernières années de sa vie: Sapho debout (Salon de
1848), Médée (Salon de 1850) et Sapho assise (en
travail depuis 1850, Salon de 1852), auxquels auraient dû
faire suite Ulysse relevant le corps d’Achille,
entrepris en 1848 et pour lequel, encore en 1852, le
sculpteur sollicite en vain un bloc de marbre et le Soldat
de Marathon, dont il achève le modèle en plâtre avant
de mourir.
Homère, comme les deux Sapho, est une
méditation sur l’artiste incompris, rejeté par son
entourage. Après avoir été comblé de commandes
officielles importantes jusque dans les années 1845, Pradier,
tout en jouissant d’une situation financière
confortable et des honneurs réservés à un membre de
l’Institut, estime ne plus être apprécié à la mesure
de son talent. Effets de l’âge, de la maladie, des
graves problèmes conjugaux? Effet sans doute aussi de
l’attitude de la critique qui se montre moins attentive
à ses travaux qu’elle ne l’avait été auparavant
et qui ne cesse de lui reprocher d’être seulement un
brillant exécutant, incapable de toute pensée profonde.
Pradier devant le buste d'Homère
Pradier partage son admiration envers Homère avec la plupart
de ses contemporains comme avec l’ensemble des hommes du
monde occidental. Déjà dans les premières années de sa
carrière, alors qu’il était pensionnaire de la Villa
Médicis, il en avait dessiné le portrait.
Les plus anciens portraits imaginaires de
l’auteur de l’Iliade et de l’Odyssée
remontent au IIe siècle avant J.-C. 1. L’un d’eux montrait le poète dans son
grand âge, les yeux éteints dans des orbites profondément
creusées, le front dégarni mais auréolé d’une
chevelure et d’une barbe aux boucles animées, ceint
d’un fin bandeau. Cet œuvre hellénistique, perdue,
est connue par de nombreuses répliques romaines. L’une
est une tête en marbre du Musée de Naples, provenant de
l’ancienne collection Farnèse 2. Une autre, conservée au Musée du Capitole avant
d’être emportée à Paris en 1797 par Napoléon 3, est un buste en hermès, devenu célèbre en France (ill. 1).
Sur l’un de ses plus anciens dessins connus, Pradier se
représente, assis sur une chaise, le ciseau dans la main
gauche et un maillet dans la droite, devant un buste d'Homère
posé sur une selle. Derrière lui se tiennent une jeune
femme et un jeune homme de ses amis. Tous regardent le
spectateur du dessin et non le buste dont on ne voit
qu’une moitié. Un chien pose son museau et ses pattes
sur la cuisse du sculpteur 4 (ill. 2).
Le jeune artiste exécute ce portrait à Rome, en 1817, pendant
son séjour à la Villa Médicis.

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2. James Pradier, L’artiste devant un buste d’Homère, 1817. Dessin. Bayonne, Musée Bonnat.
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Sur la base du buste en hermès figurent une lyre en bas-relief
et l'inscription «HOMERE». Sa face latérale droite est
ornée d’une couronne votive en relief. Le poète est
représenté en vieil aveugle, les yeux fixes, les orbites
creusées, la barbe bouclée, selon l’image canonique.
Pradier se dépeint en train de travailler à
un ouvrage en marbre (le ciseau et le maillet qu’il met
dans ses mains ne seraient pas adéquats pour un plâtre ou
une terre), bien qu’il ait l’attention attirée
ailleurs et bien que l’ouvrage paraisse complètement
terminé, prêt tout au plus à recevoir encore une signature.
Mais son dessin ne montre probablement pas une œuvre
réelle de sa main, encore moins quelque moulage
d’après l’antique. Il se veut plutôt un hommage
au génie d’Homère sous la tutelle duquel se place le
jeune sculpteur. De nombreuses représentations du buste
d’Homère sont ainsi des invocations au génie de la
poésie: depuis la grande peinture de Rembrandt Aristote
devant le buste d’Homère 5 (ill. 3)
au portrait de Winckelmann par Anton von Maron (1733-1808)
où figure, derrière le savant, au fond de sa chambre, un
portrait d’Homère qui est précisément un buste en
hermès, de profil, dont on ne voit qu’une moitié,
comme dans le dessin de Pradier 6 (ill. 4).

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3. Rembrandt, Aristote devant le buste d’Homère, 1653. Huile sur toile,
New York, Metropolitan Museum of Art. |
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4. Anton von Maron, Portrait de Winckelmann, vers 1785. Huile sur toile. Weimar, Schlossmuseum. |
A la quête d'un sujet : du poète triomphant au mendiant
Malade, ayant rédigé son testament, Pradier songe une
nouvelle fois à Homère. Il souhaite lui dédier une grande
sculpture. Nous ignorons tout des idées qui lui viennent à
ce propos. Il a certainement été ému par « L’Aveugle »,
un poème des Bucoliques d’André Chénier, paru
à titre posthume en 1829, qui redonne les grandes lignes du
texte d’Hérodote sur la vie de l’aède, et sans
doute passe-t-il en revue les diverses façons dont les
artistes l’ont représenté.
Dans Le Parnasse, une fresque
réalisée vers 1511 dans la Salle de la Signature au Vatican
(ill. 5 et 5bis), Raphaël place Homère au
sommet de sa composition, debout, déclamant, entouré de
Dante et de Virgile. Il est richement vêtu et sa tête
barbue est couronnée de lauriers. Son regard fixe est celui
d’un aveugle, ses traits ceux d’un homme âgé,
mais en pleine possession de ses moyens.

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5. Raphaël, Le Parnasse, vers 1511. Fresque. Rome, Palais du Vatican, Salle de la Signature. |
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5bis. Raphaël, Le Parnasse (détail), vers 1511. Fresque. Rome, Palais du Vatican, Salle de la Signature. |
Cette vision triomphale du poète inspire les artistes tout
au long des siècles. John Flaxman (1755-1826), notamment, la
reprend sur une plaque en « Jasperware »,
modelée en 1776 pour la manufacture de Wedgwood (ill.
6), sur laquelle Homère, tenant sa lyre, s’apprête à
monter sur les marches d’une estrade entourée
d’allégories qui proclament son triomphe 7.
Elle culmine dans L’Apothéose
d’Homère, peinte en 1827 par Dominique Ingres (1780-1867)
au plafond d'une des salles du Musée Charles X au Louvre 8 (ill. 7) et dans la décoration de la
coupole de la bibliothèque du Palais du Luxembourg,
réalisée entre 1840 et 1846 par Eugène Delacroix (1798-1863).
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6. John Flaxman, Apothéose d’Homère, 1776. Céramique de la manufacture de Wedgwood. Londres, British Museum. |
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7. Dominique Ingres, L’Apothéose d’Homère, 1827. Huile sur toile. Paris, Musée du Louvre. |
Pradier choisira-t-il plutôt de montrer le
vieil aveugle chantant en s’accompagnant de la lyre?
Hérodote mentionne à plusieurs reprises qu’Homère, au
cours de ses pérégrinations, avait ouvert des écoles de
poésie en diverses cités. Pier Francesco Mola (1612-1666)
imagine cet enseignant, richement vêtu, assis sous un arbre,
chantant et s’accompagnant d'une viole de gambe. Auprès
de lui, un jeune étudiant note ses paroles 9 (ill. 8). Peint à Rome vers 1660, son
ouvrage connaît un vif succès dont témoignent ses
nombreuses répliques et variantes, comme aussi des copies
par d’autres artistes, tel un beau dessin d’Honoré
Fragonard 10. On peut supposer qu’il suggéra à Rembrandt
son émouvant portrait d'Homère 11 (ill.
9), peint en 1663, dans lequel le vieil homme, habillé
d’une pelisse, la tête ceinte d’un bandeau, dicte
ses vers à deux jeunes gens qui figuraient en bas, à droite
du tableau, avant qu’il ne fût coupé. Mais,
contrairement à Mola, Rembrandt ne met aucun instrument de
musique dans les mains du poète.

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8. Pier Francesco Mola, Homère chantant, vers1660. Huile sur toile. Rome, Galleria nazionale d’arte antica, Palazzo Corsini. |
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9. Rembrandt, Portrait d’Homère, 1663. Huile sur toile. La Haye, Mauritshuis. |
Cette façon de représenter Homère chantant,
seul, s’accompagnant ou non d’un instrument, ne
permet de distinguer le poète d’autres musiciens que
par son grand âge et par la fixité de son regard.
C’est le cas du portrait composé par Mattia Preti (1613-1699)
qui figure Homère, toujours richement et élégamment vêtu,
couronné de lauriers, les yeux levés au ciel, jouant du
violon 12 (ill. 10). Cette toile fut, comme celle de
Mola, l’objet de plusieurs répliques et variantes et
inspira d'autres artistes.
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10. Mattia Preti, Homère jouant du violon, vers 1665. Huile sur toile. Venise,
Galleria dell’Accademia.
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Les sculpteurs - quand ils ne se limitent pas au portrait en
buste - donnent généralement d’Homère une statue le
représentant seul, debout ou assis et jouant de la lyre.
Ainsi isolé, le poète apparaît à la manière d’un
héros. Il s’inscrit dans la tradition de la série des
statues des « Grands hommes de la France »,
initiée en 1776. La plus ancienne semble être la statue
présentée au Salon de 1802 par Philippe Laurent Roland (1746-1816),
intitulée Homère chantant ses poèmes. Elle
n’est plus connue aujourd’hui mais pourrait
correspondre à une petite esquisse en plâtre, représentant
le poète assis avec sa lyre, conservée à Valenciennes 13 (ill. 11). Au Salon de 1812, Roland
revient sur le sujet avec Homère jouant de la lyre,
marbre de grandeur nature 14 (ill.
12), magnifiant le poète à la façon d’un héros
antique, debout, nu, drapé seulement d’un pan de tissu
tombant de l’épaule gauche pour voiler le sexe.
L’aède joue de la lyre et chante. Il a posé son bâton
contre une stèle couronnée placée derrière lui, tandis
qu’une seconde couronne gît à ses pieds.
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11. Philippe Laurent Roland, Homère chantant ses poèmes, 1802 (?). Plâtre. Valenciennes, Musée des beaux-arts. |
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12. Philippe Laurent Roland, Homère jouant de la lyre, 1812. Marbre. Paris, Musée du Louvre. |
L’esquisse de Roland inspire sans doute
à Charles Antoine Callamard (1769-1821) une statuette
d’Homère chantant, dans laquelle le poète,
assis sur un bloc de pierre, drapé d’une étoffe qui
dégage à demi le torse, chante en s'accompagnant d'une
énorme lyre. La statuette n’est connue que par une
figurine en biscuit éditée par la manufacture de
Sèvres entre 1807-1812 15 (ill. 13).
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13. Charles Antoine Callamard, Homère chantant, 1807-1812. Biscuit. Sèvres, Musée national de la céramique. |
Plus simplement, Charles René Laitié (1782-1862) compose,
pendant son séjour à Rome, une statuette d’Homère
chantant qui le montre assis, trônant à la façon
d’un dieu et tenant un thyrse dans sa main droite,
tandis que sa lyre est posée contre le siège. Un petit
bronze, présenté au Salon de 1827, porte la date de 1806
qui est vraisemblablement celle du modèle en plâtre 16 (ill. 14).
Homère chantant devant les bergers
Cette image d’Homère seul manque d’action et ne
permet guère d’exprimer des sentiments. Les peintres
d’histoire de l'époque néoclassique lui ont préféré
celle du poète chantant devant un public plus ou moins
nombreux, au beau milieu d'un paysage ou sur les marches
d’un édifice.
A l’exposition de la Royal Academy de 1791, Thomas
Lawrence (1769-1830) présente une toile qu’il intitule Homer
reciting his Poems 17 (ill. 15)..
A l’orée d’une forêt, Homère, debout, tenant sa
lyre, déclame devant une foule installée au pied des arbres
et dans leurs frondaisons. La scène pourrait se passer dans
la campagne anglaise. L’aède est en longue robe de bure,
plus chrétienne que grecque; les personnages qui
l’entourent, peu attentifs à sa récitation, portent
des vêtements dont certains paraissent avoir été taillés
au XVIIIe siècle; au premier plan – comme
collé dans la composition – le jeune homme
presque nu, allongé, dans lequel les contemporains
reconnaissaient un fameux pugiliste londonien, ne saurait
guère évoquer le petit guide de l’aveugle.
Jean Pierre Saint-Ours (1752-1809) donne de cette scène une
image plus convaincante. Son Homère chantant
l’Odyssée, peint en 1793 18 (ill. 16), est situé dans un paysage
arcadien.
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16. Jean Pierre Saint-Ours, Homère chantant l’Odyssée, 1793. Huile sur toile. Vente Sotheby’s Zurich, 8 décembre 1994, n°4. |
L’aède joue de la lyre et chante; son petit guide assis
à ses côtés le contemple. Un jeune homme et deux jeunes
femmes debout devant lui l’écoutent. Le poète est
assis sous le buste en hermès de Minerve, placé sur une
stèle. Saint-Ours, rentré définitivement à Genève après
son long séjour romain, s’identifie à Ulysse revenu
dans sa patrie et prête à deux des auditeurs les traits de
sa propre fiancée et de son futur beau-frère.
Ce sujet bucolique suscite un grand nombre d’autres
peintures et dessins dont nous ne retiendrons que trois
exemples. Un dessin de Pierre Narcisse Guérin (1774-1833)
montre Homère assis sur un rocher, à la lisière d’une
forêt, chantant en s'accompagnant de la lyre tandis
qu’un jeune berger, assis auprès de lui avec sa brebis,
le regarde admiratif 19 (ill. 17). Un grand médaillon du Salon
doré de la Malmaison, peint à l’huile par Etienne Jean
Delécluze (1781-1863), présente Homère, assis à
l’orée d’un bois, buvant le lait d’une
chèvre que deux enfants traient pour lui (ill. 18).

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17. Pierre Narcisse Guérin, Homère charme Glaucus par ses chants, vers 1810. Dessin. Valenciennes, Musée des beaux-arts. |
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18. Etienne Jean Delécluze, Homère, vers 1820. Huile sur toile. Château de la Malmaison. |
En 1845, Jean-Baptiste Corot peint Homère
et les bergers 20 (ill. 19), où l’aède, assis dans un
vaste paysage arcadien, chante devant trois bergers, selon
une composition inspirée peut-être du tableau de Saint-Ours
dont il a pu voir à Genève l’une des versions.

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19. Jean Baptiste Corot, Homère et les bergers, 1845. Huile sur toile. Saint-Lô, Musée des beaux-arts. |
Homère chantant devant les Grecs
Dans le Liber amicorum de Jan Six, Rembrandt dessine,
en 1652, Homère récitant devant les Grecs. Il
esquisse la figure du poète, debout, au milieu
d’auditeurs faisant cercle autour de lui. Cette pâle et
émouvante image 21 est la plus ancienne représentation de ce sujet.
En 1794, Jean Louis David (1748-1825) compose des dessins
pour Homère chantant sur une place publique dont il
entend faire une grande peinture 22. L’un montre le poète, assis sur les marches
d’un escalier, qui déclame devant une foule admirative.
Des femmes déposent des offrandes dans un panier placé
derrière lui (ill. 20). A cette étude très
achevée répond un autre dessin (ill. 21). qui,
dans le même cadre architectural, montre Homère, couché
sur les marches de l’escalier de la cour, complètement
seul, un chien assis à ses pieds. En 1794, David, après
avoir connu la gloire, est emprisonné par la Convention et
risque la mort. Il a tout lieu de s’identifier au poète
plongé dans ses pensées, ayant laissé sa lyre, abandonné
de tous, auquel seules deux femmes apportent un peu de pain.

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20.Jean Louis David, Homère chantant sur une place publique, 1794. Dessin. Paris, Musée du Louvre. |
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21. Jean Louis David, Homère couché sur les marches d’un édifice public, 1794. Dessin. Paris, Musée du Louvre. |
Le sujet d’Homère déclamant devant les
Grecs connaît un grand succès chez les peintres. Vers 1795,
Asmus Jakob Carstens (1754-1798) compose à Rome un grand
dessin 23 où l’aède debout chante devant les Grecs lui
faisant face. Une toile de Guillaume Guillon dit Léthière (1760-1832),
datée de 1811 24 (ill. 22), représente Homère assis au
bord d’une route conduisant aux portes d’une cité
grecque, chantant pour un groupe d’auditeurs en
s’accompagnant de la lyre. Derrière lui, son jeune
guide s’est assoupi.
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22. Guillaume Guillon dit Léthière, Homère chantant devant les Grecs, 1811. Huile sur toile. Nottingham Castle. |
En 1834, l’Ecole des beaux-arts propose comme sujet du
Prix de Rome de peinture Homère chantant devant les Grecs.
Désormais le thème fait partie du répertoire de la
peinture européenne.
Par contre, il est très rare dans la sculpture avant 1875,
date à laquelle le sujet du Prix de Rome de sculpture était
« Homère, accompagné de son jeune guide, chante ses
poésies dans une ville de la Grèce » 25. Thorvaldsen, qui avait déjà taillé en 1790 un
buste d’Homère 26 , compose en 1836 un grand relief avec Homère,
assis sur les marches d’un temple, déclamant devant la
foule des Grecs 27(ill.
23). Parmi les auditeurs, tous debout, l’artiste fait
son autoportrait (l'avant dernier personnage, à gauche).
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23. Bertel Thorvaldsen, Homère déclamant devant les Grecs, 1836. Relief en plâtre. Copenhague, Thorvaldsens Museum. |
Pradier n’entend pas s’engager dans cette voie.
Fait pour la peinture, ce thème narratif ne peut être
traité qu’en relief, un genre que le sculpteur semble
ne pas apprécier autant que la ronde bosse. Ne l’a-t-il
pas utilisé seulement que par obligation: pour son Prix de
Rome et pour des commandes monumentales?
Homère et son guide
Il va trouver son sujet dans une autre image d’Homère,
celle de l’aveugle marchant dans la campagne,
accompagné d’un personnage qui le protège ou le
conduit.
La vie d’Homère, insérée à la fin du livre IX
des Histoires d’Hérodote, ne précise pas qui
lui servait de guide. Elle mentionne seulement le nom de
Glaucus, un berger de l’île de Chio qui avait secouru
Homère lorsque ce dernier avait été attaqué par des
chiens appartenant à des pêcheurs. Une terre cuite de
Clodion (1738-1814), datée de 1809, illustre cet épisode.
Elle montre le poète amplement drapé, sans sa lyre,
avançant malgré deux chiens qui le mordent aux jambes. Un
jeune homme nu, de la même taille que lui, le soutient et
fouette les animaux 28 (ill. 24). Le succès de la statuette
incite Jean Philippe Thomire à l’éditer en bronze vers
1820 29 et Jean Pierre Granger (1779-1840) en fait le sujet
d’un tableau exposé au Salon de 1819 30 (ill. 25).

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24. Clodion, Homère mordu par des chiens, 1809. Terre cuite. Paris, Musée du Louvre. |
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25. Jean Pierre Granger, Homère et le berger Glaucus, 1819. Huile sur toile. Dijon, Musée des beaux-arts. |
Mais les artistes s’attachent surtout au sujet
particulièrement touchant du vieil aveugle guidé par un
enfant 31.
François Gérard (1770-1837) compose Homère et son guide,
une toile datée de 1795, autrefois conservée à Saint-Pétersbourg
et qu’il présentera au Salon seulement en 1814 (ill.
26).

26. François Gérard, Homère et son guide, 1795.
Gravure par Auguste Desnoyers, 1806. Château de la Malmaison. |
Elle dépeint le poète, la lyre attachée dans le dos, qui
marche vers la droite en déclamant et qui s’approche
dangereusement du bord d’une falaise. Il pose la main
droite sur l’épaule de l’enfant qui le précède
et dont les cheveux bouclés et la courte tunique sont
plutôt ceux d’une adolescente que d’un jeune
garçon. Le guide se retourne vers Homère pour
l’empêcher de tomber dans la mer. Le tableau connaît
un tel succès qu’en 1797 Gérard en élabore le pendant
avec Bélisaire et son jeune guide. Les deux peintures
seront popularisées en 1806 par les gravures d’Auguste
Desnoyers (1779-1857) 32.
L’image créée par Gérard fixe pour longtemps
l’iconographie d’Homère guidé par un enfant 33. Une statuette anonyme, en bronze doré (ill.
27), en reprend les grandes lignes, faisant du poète un
philosophe âgé, sans lyre ni bâton, nu sous son manteau
rejeté sur les épaules en dégageant le torse.
Il marche pieds nus, posant la main droite sur l’épaule
de l’enfant qui se tient à sa droite. Celui-ci
s’avance d’un pas vif et étend le bras gauche
comme pour montrer du doigt un obstacle et, en même temps,
arrêter les pas de l’aveugle. Son visage poupin, ses
cheveux bouclés, sa courte tunique flottant au vent et sa
démarche presque dansante pourraient le faire prendre pour
une fillette 34.
Une figurine en faïence vernissée, éditée autour des
années 1800 par la manufacture de Rouen 35 (ill. 28), dérive elle aussi de la
gravure d’après Gérard.
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28. Anonyme, Homère et son guide, vers 1809. Faïence vernissée. Sèvres, Musée national de la céramique. |
Modelée dans le style rustique qui caractérise
habituellement ce genre de production artisanale, elle
représente un vieil homme à la barbe finement taillée,
vêtu d’une longue blouse et d’un lourd manteau,
chaussé de bas et de gros souliers. Cet Homère des
campagnes françaises n’a pas de lyre et tient seulement
un bâton dans la droite en posant la gauche sur l'épaule
d’un jeune garçon qui tend la main droite pour quérir
l’aumône. L’enfant porte une courte tunique et est
chaussé comme son maître.
En 1851, alors que Pradier achève son groupe d’Homère
et son guide, Edward-Sheffield Bartholomew (1822-1858),
un sculpteur américain établi à Rome, compose un relief en
marbre représentant Homère marchant à grands pas – une
allure qui n’est pas précisément celle d’un
aveugle –, précédé de son guide 36 (ill. 29).

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29. Edward Sheffield Bartholomew, Homère et son guide. Marbre, 1851. New York, Metropolitan Museum of art. |
Le guide est ici une très jeune fille, avec de longues
boucles à l’anglaise et une courte tunique laissant
deviner ses seins naissants. Comme dans la toile de Gérard,
elle se retourne en regardant admirativement le vieil homme.
Analogies entre l'image d'Homère et celles de Bélisaire
et d'Œdipe
La vie et les campagnes militaires de Bélisaire, mort à
Constantinople en 565, sont connues par les Histoires
de Procope de Césarée, son contemporain. Nulle part il
n’y est dit que ce grand stratège byzantin, général
des armées de Justinien, certes tombé en disgrâce à la
fin de sa carrière, ait été aveuglé sur les ordres de
l’empereur et réduit à la mendicité. Cette fable,
forgée au XIIIe siècle en tant qu’exemplum, rappelle
que la vie est faite de hauts et de bas et propose en même
temps un modèle de courage dans l’adversité.
Bélisaire forme ainsi le pendant d’Homère: tous deux
sont vieux, aveugles et réduits à mendier, généralement
conduits par un enfant; tous deux restent dignes dans leur
malheur. Dans les représentations qu’en donnent les
artistes, les deux hommes ne se distinguent que par des
détails: la lyre d’Homère, le casque de Bélisaire lui
servant à recueillir les aumônes ou le serpent qui menace
les pas de ce dernier.
L’histoire de Bélisaire est relatée dans plusieurs
textes imprimés dès le XVIe siècle. Bélisaire publié à
Paris en 1767 par Jean François Marmontel (1723-1799)
connaît un grand succès et incite les artistes à en
représenter certains épisodes en se fondant sur des
peintures et des gravures du XVIIe siècle. L’iconographie de
Bélisaire ayant fait l’objet de très nombreuses
études 37, nous n’y reviendrons que pour rappeler deux
thèmes qui ont un rapport direct avec les images d'Homère.
Avant même de travailler à son Homère chantant devant
les Grecs, Jean Louis David peint en 1781 Bélisaire
reconnu par un soldat 38 (ill. 30).

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30. Jean Louis David, Bélisaire reconnu par un soldat, 1781. Huile sur toile. Lille, Palais des beaux-arts. |
Le tableau donne à voir Bélisaire, aveugle, pieds nus, mais
portant la cuirasse, assis sur les marches d’un édifice
antique. Il serre un enfant dans ses bras. Celui-ci tend un
casque à une femme qui leur fait l’aumône. Un soldat,
étonné, contemple son ancien général. Le succès de la
toile au Salon de 1781 est tel que la composition de David
servira de référence aux innombrables représentations de
Bélisaire réalisées de Londres à Saint-Pétersbourg à la
fin du XVIIIe et tout au long du XIXesiècle.
Arrêtons-nous plus longuement sur les images de Bélisaire
guidé par un enfant qui forme un pendant à celles, à peine
plus anciennes, d’Homère et son guide. Elles prennent
leur source dans l’une des gravures d’après Hubert
François Gravelot (1699-1773) illustrant le Bélisaire
de Marmontel, paru en 1767. Celle du frontispice (ill.
31) représente le général aveugle marchant dans une
campagne semée de ruines, guidé par un enfant. Un serpent,
au pied d’une colonne, guette les passants.S’inspirant de cette gravure, une statuette en
biscuit de « terre de Lorraine », modelée vers
1775 par Paul Louis Cyfflé (1724-1806), fait voir Bélisaire
guidé par l’enfant, écrasant ce serpent sous son pied
droit 39 (ill. 32).
Gérard, dans la toile datée de 1797, déjà citée,
représente Bélisaire marchant droit devant lui en portant
sur son bras gauche l’enfant mordu par le serpent encore
enroulé autour de sa jambe 40 (ill. 33). Elle forme le pendant de son Homère,
daté de 1795, décrit plus haut (ill. 26). Comme ce
dernier, elle sera popularisée par la gravure.
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33. François Gérard, Bélisaire et son
guide, 1797. Gravure par Auguste Desnoyers, 1806. Château de la Malmaison. |
Homère et Bélisaire partagent, dans l’imaginaire
occidental, le sort d’un autre aveugle de
l’antiquité, Œdipe, errant après s'être crevé
les yeux. Dans la célèbre tragédie de Sophocle, Œdipe,
chassé de Thèbes, s’enfuit jusqu’à Colone,
conduit par sa fille Antigone. Au contraire de sa
rencontre avec le sphinx, cet ultime épisode de son
existence est peu représenté dans les arts. A partir de la
fin du XVIIIe siècle, soit pratiquement au même moment où
Homère et Bélisaire deviennent des sujets à la mode, les
peintres – et plus rarement les sculpteurs –
s’attachent à ce thème nouveau. Entre 1791 et 1814 les
livrets du Salon mentionnent pas moins de onze peintures
portant le titre Œdipe et Antigone ou Œdipe
à Colone. Une terre cuite de Charles Marin (1749-1834),
datée de 1807 41, décrit le malheureux père assis, sa fille
agenouillée auprès de lui, posant la tête sur ses genoux.
En 1828, Antoni Stanislaw Brodowski (1784-1832) peint Œdipe
et Antigone, une toile monumentale dans laquelle
l’aveugle, vêtu d’un court manteau et tenant un
bâton dans la droite, marche en s’appuyant sur sa fille
42 (ill. 34).
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34. Antoni Stanislaw Brodowski,
Œdipe et Antigone, 1828. Huile sur toile. Varsovie, Musée national. |
Pour la figure d’Œdipe, le peintre polonais reprend
littéralement le Bélisaire de Gérard. Il avait
travaillé chez ce dernier à Paris, entre 1809 et 1814 et,
rentré à Varsovie, disposait sans doute des gravures
d’après les tableaux de son maître. Mais, alors que
Gérard donne à voir Bélisaire portant son jeune guide
blessé, Brodowski peint Antigone, debout auprès de son
père. La jeune fille, lourdement drapée, détourne la tête.
Elle semble extraite d’une autre image, maladroitement
collée à celle de l’aveugle.
Homère et son guide par Pradier
Lorsqu’en 1850 Pradier entreprend le groupe qu’il
appelle « Homère et son petit conducteur » 43 (ill. 35-37), la tradition iconographique
du sujet est donc établie depuis près de cent ans.
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35. James Pradier, Homère et son guide, 1851-1852. Modèle en plâtre. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
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36. James Pradier, Homère et son guide, 1851-1852. Modèle en plâtre. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
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37. James Pradier, Homère et son guide, 1851-1852. Modèle en plâtre. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
Il n’a probablement pas vu la terre cuite de Clodion (ill.
24) et ne connaît sans doute pas la statuette de Cyfflé (ill.
32) relevant plus de l'art populaire que de la grande
statuaire. Mais il n’ignore rien des deux tableaux de
Gérard (ill. 26 et 33).
Sources directes
C'est à François Gérard (1770–1837) que Pradier doit
ses débuts et ses premières commandes. Peu après son
arrivée à Paris, le jeune homme est admis dans l'entourage
du peintre, auquel son frère Charles-Simon avait été
recommandé en 1810 et qui exécutera, dès 1812, plusieurs
gravures d'après certaines toiles du maître. Gérard,
membre de l'Institut et professeur à l'Ecole des beaux-arts
depuis 1812, tient pendant plus de trente ans l'un des plus
importants salons artistiques de Paris. Pradier en est un
familier et, en 1824 encore, déclare qu’il n’a
«pas d'autre maître» que lui 44.
Le sculpteur s’inspire à la fois d’Homère et
son guide (ill. 26) et du Bélisaire (ill.
33) de Gérard dont il a vraisemblablement les gravures dans
ses cartons. Sans aucunement copier ces documents vieux de
plus de cinquante ans, il en synthétise les deux
compositions: l’attitude de son Homère est presque
celle du Bélisaire de Gérard, tandis qu’il vêt
et coiffe son guide comme le fait Gérard pour celui d’Homère.
Dessins et esquisse plastique
Les gravures de Gérard servent seulement de déclencheurs au
projet de Pradier qui travaille intensément à
l’élaboration de son groupe, comme le prouvent les
quinze croquis, dessins et calques conservés 45 qui fixent toute la variété des solutions
envisagées pour préciser son sujet. Il s’agit de trois
grandes feuilles, exécutées avec soin au crayon,
détaillant les ombres comme si elles évoquaient des
sculptures imaginaires placées déjà sur leurs bases, et de
petits croquis tirés d'un carnet, souvent jetés sur les
deux faces de la page, formant de simples notes griffonnées
en quelques instants. Cet ensemble est le seul dans
l’œuvre dessiné de Pradier qui permette de suivre
l’évolution de la pensée de l’artiste au jour le
jour et de pénétrer ainsi si profondément dans le
processus de la création d’une de ses sculptures.
Un premier dessin (ill. 38) montre un Homère massif,
debout, torse nu, serrant sa lyre contre l’épaule
droite et arrêté dans sa marche par le geste brusque de son
jeune guide au moment où le poète pose le pied sur un
serpent qui se dresse contre lui.
L’enfant, presque nu, se tient à sa droite. Dans un
léger croquis, en haut à gauche de la feuille,
l’artiste cherche une position différente pour
l’enfant. Les deux figures sont placées sur une base
rectangulaire portant la signature en majuscules « J.
PRADIER ». On se rappellera que l’épisode du
serpent n‘appartient pas à la légende d’Homère
mais fait partie de celle de Bélisaire. L’artiste
abandonne bientôt ce projet pourtant très élaboré, qui
lui paraît sans doute trop solennel.
Il cherche une autre façon de représenter le
poète et note, en huit petits croquis, d’environ 12 x 9
cm (ill. 39-46), les idées qui lui viennent un peu
à la façon d’un « brain storming ».
Sept se concentrent sur la seule figure d’Homère vêtu
d’un court manteau, toujours debout, la lyre suspendue
dans le dos ou pendant au bout de son bras gauche, parfois
s’appuyant ou s’accoudant à une stèle, à un
rocher ou à une souche. Dans le huitième (ill. 46), un croquis
jeté à gauche de la figure étudie l’enfant, tandis qu’un neuvième
(ill. 47) le montre debout à ses côtés.
Pradier synthétise le résultat de ces brèves notations sur
une grande feuille (ill. 48) où Homère, vêtu
d’une courte tunique et d’un manteau qui dégagent
les mollets et une partie de la jambe gauche, serre la lyre
contre l’épaule droite.
L’enfant se tient debout, à sa gauche; une draperie lui
couvre le dos. Ici encore, de petits croquis marginaux
fouillent la position de l’enfant. Dans l’angle
inférieur droit, l’artiste détaille d’un trait
plus incisif les éléments d’une autre statue à
laquelle il est en train de travailler, la première version
de Sapho assise, destinée à l’édition. Il
étudie la forme du tabouret sur lequel la poétesse est
assise et quelques ornements de son collier. Dans la version
éditée en bronze, il la dotera d’ailleurs d’une
lyre en tous points semblable à celle qu’il prête à
Homère.
Enfin, un dernier dessin (ill. 49) représente
Homère debout, vêtu d’un court manteau jeté sur
l’épaule gauche, dégageant la partie droite du torse
et serré à la taille; dégageant aussi les mollets.
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49. James Pradier, Homère et son guide. Dessin. Paris, Ecole nationale des beaux-arts. |
Le poète a attaché sa lyre dans le dos au moyen d’un
baudrier. Tête droite, jambes presque écartées, il tient
fermement son bâton et donne l’image d’un homme
résolu, droit et fier dont on croit difficilement qu’il
est un vieil aveugle mendiant. L’enfant est assis à sa
gauche sur un tas de pierres, tenant un très long bâton
entre ses jambes. Il écoute rêveusement l’aveugle et
laisse pendre la sébile qu’il tenait à la main. Le
groupe est placé sur une base moulurée, à la façon
d’une sculpture. Il se détache sur un réseau de
hachures parmi lesquelles transparaît une énorme lyre que
l’aède serre contre son épaule gauche et dont la
position constitue une nouveauté prometteuse. En marge, deux
croquis étudient Homère s’appuyant plus lourdement au
tas de pierres et l’enfant assis, les jambes croisées.
Aucun des dessins et des croquis n’annonce la solution
retenue par Pradier dans une (première?) esquisse en plâtre 46 (ill. 50), haute de 40 cm.
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50. James Pradier, Homère et son guide, 1851. Esquisse en plâtre. Aix-en-Provence, Musée Granet. |
Celle-ci se compose de deux figures arrivées à des stades
d’exécution différents. Le poète est modelé avec
soin et déjà proche de ce que sera la composition
définitive (à quelques différences près: la tête est
droite, le corps est moins penché contre le rocher et semble
prêt à faire un pas en avant). La lyre, sommairement
traitée, est maintenant posée verticalement sur le rocher,
à gauche d’Homère qui garde pourtant encore le
baudrier à l’épaule. Jointe à cette figure
pratiquement achevée, celle de l’enfant a toute la
spontanéité d’un premier jet. Elle le présente les
jambes croisées, levant les yeux vers le poète. On y sent l'artiste
entièrement pris par le plaisir du pétrissage de la pâte,
du modelage par grosses boulettes écrasées à coups de
pouce ou par les doigts glissant sur elles pour les étirer
et les creuser de sillons. Les vides arrachés par les
mirettes, les profils marqués au couteau et les coups de
poinçon griffant un plan montrent la vigueur et la
célérité avec laquelle il agit pour établir les grandes
lignes et les plans de sa composition.
Pradier trouve cette esquisse de travail suffisamment
significative pour l’offrir et la dédicacer en 1851 à
son jeune ami le peintre provençal Victor Chavet (1822-1906)
dont il modèle le buste en cette même année.
Modèle en plâtre: description, source antiques
Poursuivant l’idée retenue pour l’esquisse,
Pradier aboutit au grand modèle en plâtre, haut de 92 cm,
complètement achevé avant sa mort et portant la signature
« J. PRADIER 1852 » (ill. 51).
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51. James Pradier, Homère et son guide, 1851-1852. Modèle en plâtre. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
Homère et son guide font halte. Le poète, debout,
s’appuie contre la lyre dressée verticalement sur un
rocher situé à sa gauche et pose le bras gauche sur le haut
de l’instrument. Il est entièrement nu sous un drap
jeté sur l’épaule droite qui retombe en plis amples et
lourds, sans voiler son nombril ni dissimuler les prémices
de la pilosité du sexe. De sa main droite, émergeant des
replis de ce qui lui sert de manteau, il tient – ou
plutôt il effleure – un long bâton noueux. Le poète
penche la tête en avant. Ses traits et sa chevelure sont
conformes aux bustes antiques, ceints du bandeau des aèdes.
Il se tourne un peu vers l’enfant avec lequel, peut-être,
il converse. Le jeune guide aux beaux cheveux bouclés, lui
aussi complètement nu, assis à sa gauche sur le rocher, le
regarde intensément. Il croise les avant-bras sur le genou
gauche. Les plis de son mantelet, ramassé sur la cuisse
gauche, cachent son sexe. L’enfant retient à peine un
rameau d’olivier dans sa main gauche.
Le sculpteur détaille les éléments de la lourde lyre en
bois, avec ses neuf cordes puissamment serrées par
d’énormes chevilles, et son baudrier de cuir qui
retombe sur le rocher 47. Ce rocher, par contre, comme le sol, sont traités
sommairement.
Le groupe est une œuvre de grande qualité.
L’artiste donne du corps de son héros l’image
d’un homme dans la force de l'âge, certes fatigué par
une vie difficile, mais nullement affaibli. Rien
n’évoque le vieillard décharné du célèbre Voltaire
nu de Houdon. Sans être un athlète, le modèle
professionnel choisi est de belle stature. Le sculpteur en
imagine le visage buriné par le vent des îles, mais non
ravagé par les années de mendicité, pensif, amer peut-être.
Par contraste, il accentue la perfection idéalisée du corps
et du visage de l’enfant.
La composition est solide, ramassée en un cylindre qui
semble évoquer une colonne antique. De puissantes obliques
convergent vers le sol, accentuant la monumentalité des plis
du manteau. Le modelé est retenu, privilégiant de grands
plans tranquilles dans les anatomies auxquels répond la
sinuosité de la draperie. L’artiste ne relate pas
exactement une action mais, sans figer son groupe, transcrit
le moment où les deux personnages ont besoin de reprendre
leur souffle: l'enfant s’est laissé tomber par terre,
le vieil homme, pensif, ralentit son pas alors qu’il a
déjà posé sa lourde lyre sur le haut du rocher. Ces
mouvements, non dépourvus de contradictions dans leur
succession temporelle, créent une certaine tension qui
contraste avec le caractère statique de l’ensemble.
Les deux figures font discrètement référence à
l’antique. L’enfant n’est pas sans rappeler
certains éléments du jeune Tireur d’épine 48 et plus encore de l’Enfant pêcheur 49 que le pensionnaire de la Villa Médicis a dessiné
attentivement au Vatican.
Homère se réfère d’une façon allusive à l’Apollon
Sauroctone 50 qui s’appuie contre un arbre situé à sa
gauche, en portant en avant et en levant le bras gauche.
Cette statue de Praxitèle est la source d’inspiration
d’innombrables statues de personnages debout,
légèrement penchés sur le côté en croisant les jambes,
dont certains s’appuient sur une lyre dressée à leur
gauche, sur une colonne. C’est le cas d’une
réplique antique lourdement restaurée à la Renaissance et
transformée en Apollon 51 qui a joui d’un certain succès et a sans
doute inspiré à Antonio Canova (1757-1822) sa Terpsichore,
réalisée en 1811 52, et à Bertel Thorvaldsen (1770-1844) l’Apollon 53 taillé en 1838. Mais Pradier, tout en gardant
l’idée de ces dernières statues, croise à peine les
jambes d’Homère. En outre, il couvre la moitié droite
du corps du lourd drap de laine qu’il utilise pour la
plupart de ses modèles. Ce drapé lui permet d’opposer
le jeu des plis à un subtil modelé de l'anatomie, selon la
disposition adoptée déjà pour Phidias (1832), Phryné
(1844) et Pandore (1845), fournissant par une
coupure verticale deux vues d’un même corps, drapé et
nu.
Fortune critique, édition
Homère et son guide, jamais exposé par Pradier, ne sera
vu que par les intimes de l’atelier: aucun ne le décrit
ou ne le mentionne. Seul le fidèle Canonge en cite
incidemment le titre à propos de la figure du Gardon à la
Fontaine de Nîmes: « Ce colosse [...est] une
production complètement à part dans l'œuvre du maître;
c'était, comme il me le disait lui-même, un jalon dans sa
carrière, un premier pas vers une manière plus simple et
plus grandiose à laquelle il avait déjà préludé par le
modèle de son Polyphème; Pradier comptait la
manifester dans son Homère, et surtout par son beau
groupe d'Ulysse relevant le corps d'Achille. Ces
nobles rêves, une mort prématurée ne lui a pas permis de
les réaliser; ils rendent inappréciable la valeur du seul
travail que l'artiste a pu accomplir dans ce qu'on aurait pu
appeler sa grande manière. » 54
Le groupe ne sera visible à Paris qu’à l’occasion
de la vente après décès. Acquis par la Ville de Genève en
1852, il est exposé au Musée Rath où il ne retient pas
l’attention de la critique. De 1910 à 1950 environ, on
peut le voir dans la salle Pradier du Musée d’art et
d’histoire. Le plâtre n’est pas jugé digne
d’être reproduit en bronze, comme le seront, en 1910, Ulysse
et Polyphème. Les premières photographies
n’en sont publiées qu’en 1985, précédées par la
reproduction, parue à Genève en 1922 55, sans commentaire, d’une assez médiocre
réduction en plâtre. Il disparaît dans l’incendie de
1987.
L’œuvre longuement mûrie n’a donc pas été
considérée par les historiens de l’art avant la belle
et savante notice que Jacques de Caso lui consacre en 1985 56.
Elle n’est cependant pas passée inaperçue des amateurs.
Peu après la mort de Pradier, le mouleur parisien Salvatore
Marchi met sur le marché des réductions en plâtre, hautes
de 43 cm, dans lesquelles Homère est affublé d’une
canne particulièrement ridicule (ill. 52). Il fait
en outre reproduire le plâtre en daguerréotype
stéréoscopique qui en propose une image
inversée 57 (ill. 53).

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52. James Pradier, Homère et son guide. Réduction en plâtre par Marchi. |
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53. James Pradier, Homère et son guide.
Photographie stéréoscopique d’un plâtre édité par Marchi.
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Le modèle de sa réduction figure dans la vente qu’il
organise en 1856 accompagné d’un tirage en bronze 58.
Diverses maisons parisiennes éditent également des bronzes,
hauts de 40 cm environ, fondus d’après une réduction
plus conforme à l’œuvre originale (ill.
54-55).
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54. James Pradier, Homère et son guide.
Réduction en bronze. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
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55. James Pradier, Homère et son guide.
Réduction en bronze. Genève, Musée d’art et d’histoire. |
Certaines fontes portent, à côté du nom de Pradier, la
date de 1852. D’autres n’indiquent même pas qui en
est l’auteur. Les plus soignées sont commercialisées
par E. de Labrouë ou par Duplan et Salles.
En Grande-Bretagne, des manufactures de «Parian ware»
éditent des réductions mesurant environ 34 cm de haut (ill. 56).
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56. James Pradier, Homère et son guide.
Réduction en « Parian ware ». Marché de l’art en 2006. |
Elles diffèrent du modèle original par le
fait que l’enfant regarde devant lui. Elles ne portent
pas de marque, ni même le nom de Pradier 59.
Postérité
L’ouvrage de Pradier est-il aussi passé inaperçu des
artistes? Bartholomew, qui en 1851 compose à Rome le relief
déjà cité d’Homère et son guide (ill.
29), ne pouvait pas connaître le plâtre en train de naître
à Paris. Par contre, il semble légitime de se demander si
Johann Jakob Oechslin (1802-1873) en avait vu l’une des
réductions circulant en Europe à partir de 1852, quand il
entreprit son Bélisaire 60.
En 1848, Heinrich Moser (1805-1874), ancien horloger à la
cour de Russie, revient à Schaffhouse, sa ville natale, et y
développe une industrie prospère. Jouant un rôle politique
important dans la cité, il commande en 1857 une statue en
marbre de Bélisaire conduit par son guide à son
compatriote Oechslin, formé dans l’atelier de Dannecker
à Stuttgart. Le sculpteur avait séjourné à Rome de 1824
à 1827, travaillant peut-être pour Thorvaldsen, et avait
bénéficié de plusieurs commandes pour des édifices civils
ou religieux en Suisse orientale. Il affirme avoir taillé
lui-même son Bélisaire dans le marbre, haut de 98 cm
(ill. 57), faisant précéder le modèle en plâtre
de dessins à la mine de plomb très poussés, dont huit sont
aujourd’hui connus » 61. Rehaussés à la craie, ils étaient certainement
destinés à être soumis à son commanditaire (ill.
58). Ils témoignent d’un souci obstiné du détail.
Tous partent d’une conception générale qui semble
déjà fixée et qui pourrait avoir un rapport direct avec la
sculpture de Pradier.
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57. Johann Jakob Oechslin, Bélisaire conduit par son guide, 1859. Marbre. Schaffhouse, Museum zu Allerheiligen. |
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58. Johann Jakob Oechslin, Bélisaire conduit par son guide, 1857-1858. Dessin. Schaffhouse, Stadtbibliothek. |
Le marbre, daté de 1859, montre Bélisaire debout, pieds nus,
vêtu d’un court manteau qui recouvre sa cuirasse,
tenant un long bâton noueux dans la droite. Il tourne son
visage vers sa gauche et pose la main sur l’épaule de
l’enfant qui est debout à sa gauche et qui lève la
main droite comme pour désigner le chemin. Le jeune
conducteur aux cheveux bouclés a la grâce d’une
fillette. Sa courte tunique dégage partiellement le torse.
Il porte, serré contre lui, le casque destiné à recueillir
les aumônes.
La composition est statique, figée dans une symétrie
rigoureuse. Pour son général, le sculpteur se souvient de l'autoportrait
sculpté de Thorvaldsen 62 dont il reprend la pose, le costume et
l’attitude décidée, jusqu’à la haute figure
debout sur laquelle il prend appui. Il insiste sur la
puissante anatomie du militaire aux larges épaules, fier,
hautain même, et encore habitué à donner des ordres. Le Bélisaire
d’Oechslin est bien plus ancré dans la tradition
néoclassique que l'Homère de Pradier, pourtant plus
ancien.
Il se pourrait aussi que Dominique Ingres (1780-1867) se soit
souvenu de la sculpture de Pradier qu’il avait
vraisemblablement vue chez le sculpteur, quand il peindra Homère
et son guide, une petite toile datée de 1861 qu’il
exposera dans son atelier en 1864 63 (ill. 59).
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59. Dominique Ingres, Homère et son guide, 1861. Huile sur toile. Bruxelles, Musées royaux. |
A cette époque, le peintre se préparait à réaliser une
réplique de son Apothéose d’Homère (ill.
7). Du groupe, il ne retient que les bustes: le poète,
de face, tenant le bâton dans la main droite, serre contre
son épaule gauche l’enfant qui le regarde.
Une dernière fois, semble-t-il, le groupe de Pradier suscite
l’attention d’un peintre: au Salon de 1874, William
Bouguereau (1825-1905) expose Homère et son guide 64 (ill. 60). Sa toile colossale montre le
poète marchant droit devant lui, la lyre au dos, le bâton
dans la droite, accompagné d’un enfant. L’image
reprend pour la figure d’Homère la composition de
Pradier en l’enrichissant de force détails: le jeune
guide, debout, en tunique courte, un panier au bras, se
serrant contre le vieil aveugle, effrayé par un chien qui
aboie autour d’eux. Au loin, d’autres chiens et des
hommes s'agitent, évoquant probablement, eux aussi,
l’épisode de l’île de Chio 65
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60. William Bouguereau, Homère et son guide, 1874. Huile sur toile. Milwaukee, Art Museum. |
Le sujet d’Homère et son guide retenu par Pradier pour
une sculpture qu’il voulait colossale n’appartient
donc pas à une longue et ancienne tradition iconographique.
Il ne suscitera après lui que très peu d’autres
œuvres d’art. Célébré par de nombreux bustes
depuis l’antiquité et souvent représenté par les
peintres depuis la Renaissance, le grand poète est
l’objet seulement d’un petit nombre de statues en
pied à l’époque modernes, dont les plus anciennes
connues ne sont guère antérieures aux années 1800.
Pradier trouve dans l’image du poète aveugle, réduit
à la mendicité et conduit par un enfant qui, à l’extrême
fin du XVIIIe siècle avait déjà séduit le
peintre Gérard, une réponse à ses propres interrogations
sur la place de l’artiste dans la société.
Notes
1 Gisela M. A.
Richter, The portraits of the Greeks, Londres: Phaidon,
1965 (Homère. vol. I, pp. 45-56).
2 Naples,
Musée national d’archéologie, 6023.
3 Paris, Musée
du Louvre, Ma 440. Marbre, h: 53 cm.
4 Bayonne,
Musée Bonnat, Nl 1126, 2370. Mine de plomb et estompe, 27,8
x 21,2 cm, signé et daté « J. Pradier statuaire 1817 ». Le dessin français du XIXe siècle,
cat. exp., Paris, Musée du Louvre, 1979, n° 111. –
Reproduit dans James Pradier, Correspondance, textes
réunis, classés et annotés par Douglas Siler, t. 1, (1790–1833),
Genève: Droz, 1984, [cité désormais « Correspondance »].
– Statues de chair. Sculptures de James Pradier (1790–1852),
cat. exp., Genève, Musée d'art et d'histoire, 1985 /
Paris, Musée du Luxembourg, 1986, n° 2, n. 3 [cité
désormais « Statues de chair, 1985»]. – Claude
Lapaire, James Pradier et la sculpture française de la
génération romantique, catalogue raisonné, Milan: 5
Continents, 2010, n° 12 [cité désormais « Lapaire,
2010 »]. On notera que le chien pourrait bien être une
réminiscence de celui qui apparaît, dans la même position
et selon le même cadrage, dans le quadruple portrait de philosophes assis sous un
buste de Sénèque, peint par
Rubens vers 1614 et que Pradier n’a pas manqué de voir
lors de sa visite au Palazzo Pitti à Florence.
5 New York,
Metropolitan Museum of art, 61.198. Huile sur toile datée de
1653, 143,5 x 136,5 cm.
6 Weimar,
Schlossmuseum.
7 Londres,
British Museum.
8 Ce sont
aujourd’hui les salles des collections
d’archéologie au premier étage du Musée du Louvre.
Peinture détachée du plafond en 1855 et remplacée par une
copie. L’original est au département des peintures du
Louvre.
9 Rome,
Galleria nazionale d’arte antica, Palazzo Corsini. Pier
Francesco Mola, cat. exp., Rome, Musei Capitolini, 1989,
n° I 36.
10 Besançon, Musée des beaux-arts, D 2861.
11 La Haye, Mauritshuis, 584.
12 Venise, Galleria dell’Accademia. Pier
Francesco Mola, cat. exp. Rome, Musei Capitolini, 1989,
n° IV 10.
13 Valenciennes, Musée des beaux-arts, S 87-10.
14 Paris, Musée du Louvre, MR 2088. Marbre, h: 212 cm,
signé et daté 1812.
15 Sèvres, Musée national de la céramique, 26370.
Biscuit, h: 44 cm.
16 Angers, Musée des beaux-arts, MTC 759. Bronze, h:
32 cm, signé et daté « Laitié Rome 1806 ».
17 Londres, Tate Gallery, TO 1974.
18 Genève, Musée d’art et d’histoire, 1983-16.
Huile sur panneau 100,5 x 83 cm, signé daté 1793. Danielle
Buyssens, Musée d’art et d’histoire, peintures
et pastels de l’ancienne école genevoise, Genève,
1988, n° 331. Nous reproduisons la réplique, 41 x 30,5 cm,
passée en vente, Sotheby’s Zurich, 8 décembre 1994,
n° 4.
19 Homère charme Glaucus par ses chants,
Valenciennes, Musée des beaux-arts.
20 Saint-Lô, Musée des beaux-arts, 80 x 130 cm.
Exposé au Salon de 1845.
21 Amsterdam, collection Six. Otto Benesch, The
drawings of Rembrandt, Londres: Phaidon, 1973, n°813.
L’image est trop pâle pour être reproduite ici.
22 Paris, Musée du Louvre, département des arts
graphiques 26079 et RF 789, 26 x 37 et 27 x 34 cm. Pierre
Rosenberg et Louis- Antoine Pratt, Jacques-Louis David (1748-1825),
catalogue raisonné des dessins, Milan: Leonardo, 2002,
n° 144 et 145.
23 Weimar Schlossmuseum.
24 Nottingham Castle.
25 Prix gagné par Jean-Baptiste Hugues, relief
conservé à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts.
26 Copenhague, Thorvaldsens Museum.
27 Plâtre, 98 x 198 cm, Copenhague, Thorvaldsens
Museum A 502, Marbre, Rome, Palazzo Torlonia.
28 La statuette est présentée au Salon de 1810 sous
le titre Homère, aveugle, chassé par les pêcheurs. Paris,
Musée du Louvre, RF 4392, h: 61 cm. Guilhelm Scherf, « Homère
mordu par les chiens », dans: Revue du Louvre,
1993, pp. 54-60. – Guilhelm Scherf, « Clodion »
dans: Musée du Louvre. Nouvelles acquisitions du
département de sculpture 1992-1995, Paris: RMN, 1996, pp.
112-115.
29 Toledo Museum of art. Clodion, 1738-1814,
cat. exp. Paris, Musée du Louvre, 1992, fig. 43.
30 Homère et le berger Glaucus, Dijon, Musée
des beaux-arts.
31 Jamais les textes anciens ne prétendent qu’il
s’appelle Glaucus ou Glaucos.
32 Homère, gravure dédiée à E. Q. Visconti,
Bélisaire dédiée à Talleyrand (toutes deux
Malmaison, château MM 2000.24.1 et MM 2000.24.2). Landon
reproduit au trait les deux toiles dans les Annales du
Musée: Homère 1814, pl. 65; Bélisaire 1832,
pl. 48.
33 Ont-elles inspire à David un dessin
aujourd’hui perdu, mentionné dans le catalogue de sa
vente après décès (n° 47 « Homère, la lyre à la
main et conduit par son jeune guide » (cité par Pierre
Rosenberg et Louis- Antoine Pratt, Jacques-Louis David (1748-1825),
catalogue raisonné des dessins, Milan: Leonardo, 2002,
n° 144)?
34 Cologne, coll. part., h: 15,5 cm. Herbert Keutner,
« Der blinde Homer von dem Ziegenhüter Glaukos
geleitet », dans: Altersbildnisse in der
abendländischen Skulptur, cat; exp. Duisburg, Wilhelm
Lehmbruck Museum, 1996, pp. 157-159. Publiée comme étant
une œuvre du début du XVIIIe siècle, nous estimons que, malgré son modelé
baroque, elle dérive de la composition de Gérard et doit
remonter seulement aux années 1800.
35 Sèvres, Musée national de la céramique, 26370.
Faïence vernissée, h: 31 cm. Éditée vers 1809.
Considérée à tort comme représentant Bélisaire, alors
que ne sont visibles ni le casque, ni le serpent qui le
caractérisent habituellement.
36 New York, Metropolitan Museum of art, 1996.74, 75 x
51 cm. Le jeune guide est identifié à tort comme étant le
génie de la poésie épique inspirant Homère.
37 Friedrich Sauerhering, « Belisar in Sage und
Kunst », dans: Repertorium für Kunstwissenschaft,
16, 1893, pp.289-295. – Jon Whiteley, « Homer
abandoned: a French neo-classical theme », dans: The
artist and the writer in France. Essays in honour of Jean
Seznec, Oxford: Clarendon, 1974, pp. 40-51. –
Michael Fried, Absorption and theatricality. Painting and
beholder in the age of Diderot, Berkeley, Los Angeles:
University of California press, 1980, pp.145-160 (Bélisaire
par David, pp. 145-160, Homer par David: pp. 175-178). –
Klaus Weschenfelder, « Belisar und sein Begleiter »,
dans: Marburger Jahrbuch für Kunstwissenschaft, 30,
2003, pp. 245-268 (avec une liste détaillée). – James
David Draper, « Chaudet’s Belisarius and a
Borrowing from David », dans: La sculpture en
Occident. Etudes offertes à Jean-René Gaborit, Paris:
Faton, 2007, pp. 226-231.
38 Lille, Palais des beaux-arts, P 436. 288 x 312 cm.
Réduction datée de 1784 au Musée du Louvre.
39 Nancy, Musée lorrain. La revue des arts et des
Musées de France, 9, 1959, pp. 31-36, fig. 5 (ni n°
d’inventaire, ni dimensions cités). Cyfflé a aussi
composé Bélisaire recevant l’aumône, groupe en
biscuit (h: 34 cm, ibidem, fig. 7) d’après la
gravure d’un tableau autrefois attribué à Van Dyck.
Les biscuits de Cyfflé furent édités encore jusqu’au
début du XXe siècle. Un exemplaire en biscuit, Lille,
Palais des beaux-arts, C 1547.
40 Los Angeles, Getty Museum, 2005.10. 35¾ x 29 in.
41 Besançon, Musée des beaux-arts. H: 15 cm.
42 Varsovie, Musée national.
43 Statues de chair, 1985, p. 169, no 21.
– Lapaire, 2010, n° 370.
44 Correspondance I, 1984, p. 65.
45 Statues de chair, 1985, n° 116–125.
– Dessins de James Pradier dans les collections de
l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, cat.
exp., Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 2006,
n° 29. – Lapaire, 2010, n° 370.
46 Aix-en-Provence, Musée Granet, S 853.62. Alexandre
Maral, Sculptures. La galerie du Musée Granet, Paris:
Somogy, 2003 (Pradier, p. 143, cat. no 102).
– Lapaire, 2010, n° 371.
47 Pendant son
séjour à la Villa Médicis, Pradier avait, sur deux grands
dessins, reproduit avec soin des statues et des reliefs où
de telles lyres sont représentées: Paris, Musée du Louvre,
Cabinet des dessins, RF 32572; Besançon, Musée des beaux-arts,
D 2097.
48 Rome, Musées du Capitole.
49 Rome, Vatican, Museo Pio Clementino. Dessin,
Genève, MAH 1852-84.
50 Paris, Musée du Louvre, MA 441.
51 Florence, Galerie des Offices, 249. Praxitèle,
cat. exp. Paris, Musée du Louvre, 2007, n° 55
52 Marbre, collection particulière. Reproduit dans Portraits
publics, Portraits privés 1770-1830, cat. exp. Paris,
Grand Palais, 2007, n° 109.
53 Rome,
Galleria nazionale di Palazzo Corsini. Reproduit dans Bertel
Thorvaldsen scultore danese a Roma, cat. exp. Rome,
Galleria nazionale d’arte moderna, 1990, p. 20, fig. 18.
54 Jules Canonge, Passim. Notes, souvenirs et
documents d'art contemporain, Paris: Tardieu, 1863, p. 27.
55 Louis Avennier, «J.-J. Pradier, statuaire», dans:
Pages d'art, 1922.
56 Statues de chair, 1985, n° 21.
57 Les prises de vues sont de François Benjamin
Lamiche et Félix Moulin qui les éditent aussi à leur
propre compte. Plus tard, d’autres éditeurs de
photographies parisiens les exploiteront encore.
58 Catalogue des bronzes d’art modèles et
épreuves composant la collection de M. Salvatore Marchi,
sculpteur, élève de Pradier. [Vente Paris, Drouot, 19
décembre 1856].
59 Charles et Dorrie Shinn, The illustrated guide
to Victorian parian China, Londres: Barrie and Jenkins,
1971, fig. 115, intitulée “Biblical Group”, sans
le nom de Pradier.
60 Schaffhouse, Museum zu Allerheiligen, P 225. Daisy
Sigerist, « Johann Jakob Oechslins Belisarius (1859) »,
dans: Revue Suisse d’art et d’archéologie,
38, 1981, pp. 141-150. – Museum zu Allerheiligen,
Katalog der Gemälde und Skulpturen, Schaffhouse, 1989,
n° 64.
61 Schaffhouse, Stadtarchiv. Publiés par D. Sigerist,
voir note ci-dessus.
62 L’artiste, avec ses instruments de travail,
s’appuyant sur sa statue de l’Espérance,
placée à sa gauche. Plâtre, 1838. Copenhague, Thorvaldsens
Museum, A 162.
63 Bruxelles, Musées royaux, 69 x 59 cm. Acquise de
l’artiste en 1866 par Léopold II.
64 Milwaukee, Art Museum, L 1888.5. 209 x 143 cm.
65 Nous n’avons pas pu trouver d’image du
marbre taillé vers 1900 par le sculpteur américain William
Ordway (1861-1930), représentant Homer récitant
l’Iliade. Une réduction en bronze, h: 14 ½ inch.
se trouvait en 1985 dans la galerie Hirsch and Adler à New
York.
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