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Professeur Dr. Klaus Herding (Université Johann Wolfgang Goethe, Francfort, 24/11/2006)
I would like to ask you the following questions, which concern my research on Pierre Puget:
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In your Correspondance de Pradier, tome II (1834-1842), I was looking for the name Gaberel, since he is the man to inform us about Pradier's trip to Genoa where he saw the sculptures there by Puget. But although Gaberel is mentioned several times in that volume, I do NOT find his text on Puget, which reads as follows:
« Quelques années plus tard, j'eus le plaisir de passer plusieurs jours à Gênes avec Pradier […] A Paris, Pradier m'avait souvent parlé du Puget, il aimait à revenir sur la lumière que les œuvres de ce grand maître avaient fait jaillir dans son esprit. Une statue du Puget, disait-il, est une leçon vivante, parlée, pour le sculpteur, et celui qui ne la comprend pas ne sera jamais qu'un tailleur de pierres. Aussi je me réjouissais d'avance en conduisant Pradier à l'église de Carignan, où se trouve le chef d'œuvre du Pujet, le Saint-Sébastien percé de flèches.
Voilà, voilà, dit-il les yeux humides et étincelants, voilà la beauté, la vie, la poésie, la vérité, concentrées sur le même corps. Ah! je voudrais envoyer les élèves revenus de Rome travailler ici. Qu'on ne dise pas que le marbre est dur; trouverez-vous des chairs plus molles, des membres plus souples, que ceux de ce colossale! Essayez de rendre frêle, gracieux, un Goliath mourant, et Puget n'a pas reculé devant cette inouïe conception.
Je le conduisis à l'Albergo des pauvres. Dans la chapelle de cette maison d'orphelins se trouve une Assomption du Puget. Pradier regretta d'avoir vu le Sebastien le premier : "L'un, dit-il, est un chef-d'œuvre, l'autre une commande ordinaire." »
(Jean-Pierre Gaberel, «Souvenirs de J.-J. Pradier», in Le Musée suisse. Album de la littérature et des arts, Genève, Ch. Gruaz, 7e livraison, 1854, p. 111).
I am wondering if this is the only reference, and if there does not exist one word about this event from Pradier himself ?
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Furthermore, it seems impossible, even by the way of interlibrary loan, to get the quoted article or book by Gaberel. So it would be helpful for me to know the beginning and the end of his article (if it is not a book); I am sure that you have it, being a specialist in this field.
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Gaberel is introduced in one place as a « ministre protestant genevois » and in another as a « sculpteur, élève de Pradier ». As I can't find his biography anywhere, I would be very glad to get some more information about his dates and his profession.
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Furthermore, I am looking for some statement by Pradier with reference to his aim of creating a statue of Puget, in 1851. Again, it seems that we do not have any authentic words from Pradier himself about this project (which finally was not completed). But, so far as I know, the correspondence for the years after 1842 has not yet been published. Would it be possible to get some information about where to find something on this subject?
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Pradier has been compared, several times, to Puget:
First comparison, after his election as a professor at the École des Beaux-Arts, at the end of 1827, about which period Gaberel wrote:
« Pradier veut que les ouvrages de ses élèves aient la vie, c'est-à-dire, que l'être sculpté soit censé avoir la conscience de la position où il se trouve. […] Il possède un modèle excellent pour faire comprendre les moyens d'animer une statue: c'est le Milon déchirant un arbre (du Puget). »
(I referenced this article as follows: Jean-Pierre Gaberel, « Notice sur les ouvrages de James Pradier, de Genève », in Bibliothèque universelle de Genève, nouvelle série, t. XV, 1838, p. 272-274. Voir aussi la Correspondance de Pradier, t. 1, p. 138, n. 5.)
Again, if this text by Gaberel is an article, which I can't get, I would be glad to know where it begins and ends. And again, I am wondering if there is not any statement by Pradier himself.
Second comparison, at an unknown date:
« [...] contrairement aux méthodes employées par la plupart de ses contemporains, Pradier s'adonnait volontiers à la taille directe du marbre. » (Correspondance de Pradier, t. 3, p. 9, n. 2]). And you continue : « […] Bourdon, un de ses praticiens, disait : "Il enlève le marbre par copeaux!" Cela semblait vrai, tant sous cette main expérimentée le marbre prenait presque instantanément un autre aspect. […] Comme Puget, il pouvait dire: "Le marbre tremble devant moi!" » (cité également dans la Correspondance, au même endroit, mais tiré de Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires [1822-1850], 2 vol., Paris 1906, réimpression photomécanique en un seul tome, Genève [Slatkine reprints], 1993, vol. 1, chap. »X [vers 1846], p. »249).
Here again, the question arises, if there is only Bourdon's statement, or rather, if there is one in Pradier's own words?
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Please forgive me for asking so many questions. But, to say it again, your kind answer would be extremely helpful for my Puget research, and I will, of course, express my sincerest obligations to you in the forthcoming book.
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Douglas Siler (16/12/2006)
I will gladly answer your questions as best I can.
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In my edition of Pradier's Correspondance, the passage in which Gaberel evokes the trip to Genoa is partially quoted in vol. II, in a note on page 322, but I left out the details about Puget because they were not pertinent to the letter to which the note is attached. I hope to find an appropriate place for them in vols. IV or V. However, the full text is quoted in the Ressources section of this website, under « Témoins », where you will also find a (poor) reproduction of Puget’s Saint-Sébastien. I would be very happy to replace this reproduction with a better one, if you happen to have one! I would also like to include a reproduction of Puget’s Assomption but none seems to be available on the internet.
Pradier’s trip to Genoa could possibly have taken place during one of his stays in Toulon after 1846. I hope eventually to date it precisely but so far I have found no other reference to it in Pradier’s unpublished correspondence or elsewhere.
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The text about the Genoa trip is from an article by Gaberel and I do have a copy of it. I also have a copy of another article published by Gaberel in 1838 (see below). Both are at the Bibliothèque publique et universitaire de Genève. Although both contain interesting information on Pradier (which I often quote in my notes to his Correspondance), neither has anything more on Puget.
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Gaberel was indeed a « ministre protestant genevois ». I don’t recall ever having read that he was a « sculpteur, élève de Pradier ». Could you tell me where this quotation comes from? He did visit Pradier in Paris shortly before writing his 1838 article on him, and once or twice later. He lived in Geneva where Pradier’s son John met him occasionally when he (John) lived there in the 1860’s.
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My vol. III of Pradier's Correspondance, 1843-1846, was published in 1988. Volumes IV and V, covering the years 1847-1852, will include letters and documentation from the Marseille Municipal Archives and elsewhere concerning his Puget project.
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No, no known statement by Pradier himself about using Puget's Milon as an example for his students. However, I do have a copy of a short, undated note which he addressed to the director of the Louvre, asking permission for one of them to model a copy of it for him. This was possibly in relation to the projected monument for Marseille.
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No, no known statement by Pradier himself in relation to what his praticien Bourdon is reported to have said about his working methods.
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Professeur Dr. Klaus Herding (18/6/2007)
Quelques mois se sont écoulés depuis notre premier échange mais les questions restent bien en place.
Concernant le voyage de Pradier à Gênes, vous dites: « Pradier's trip to Genoa could possibly have taken place during one of his stays in Toulon after 1846. » Mais, comme Pradier a été encore sous le choc de l'accident arrivé à Ferdinand, duc d'Orléans, ce voyage se situe plutôt en juillet 1842. C'est la date que vous donnez sur votre site. D'accord?
Je n'ai pas retrouvé la citation où Gaberel est nommé sculpeur et élève de Pradier. Puisque vous dites que c'est douteux, j'ai annulé cette remarque.
Quant aux statues de Puget à Gênes, je n'en ai pas de photos sous forme eléctronique, autrement je vous les aurais envoyées.
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Douglas Siler (18/6/2007)
Voici, pour mémoire, les références complètes pour les deux articles de Gaberel:
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J. Gaberel, « Etudes Contemporaines. Notice sur les ouvrages de James Pradier, de Genève, Statuaire, Officier de la Légion d’honneur, Membre de l’Institut, et Professeur à l’Académie Royale des Beaux-Arts, etc », in Bibliothèque universelle de Genève, nouvelle série, t. 15, juin 1838, p. 267-286. [Daté et signé à la dernière page : « Genève, juin 1838. J. Gaberel »
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J. Gaberel, « Souvenirs de J.-J. Pradier », in Le Musée Suisse. Album de la littérature et des arts, Genève, Ch. Gruaz, Imprimeur-Editeur, Grand-Mezel, vol. II, 7e livraison, 1854, p. 109-111. [Non signé. Entre les pages 116-117 : portrait en buste de Pradier d’après le portrait en pied exposé par Marius Fouque au Salon de 1848.]
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Pour le voyage à Gênes, la date « juillet 1842 » que j’ai intercalée entre parenthèses à la fin d’une phrase de Gaberel n’est pas la date de ce voyage. C'est plutôt celle de la mort du duc d’Orléans. J’aurais dû donner la date exacte: 13 juillet 1842. Il est peu probable que Pradier ait été à Gênes immédiatement après cet événement car il venait de regagner Paris trois ou quatre mois plus tôt après un long séjour à Rome et ne semble pas avoir fait d’autres voyages cette année-là. Mais lorsque je vous ai écrit qu’il a pu y aller « après 1846 », pendant un de ses séjours à Toulon, j’aurais pu écrire « après 1842 » car, en plus des séjours qu'il a faits dans cette ville après 1846, il semble y avoir séjourné aussi en octobre-novembre 1843 (Correspondance, t. III, p. 36, lettre 455). Serait-ce pendant ce séjour-là qu’il aurait fait une virée rapide en Italie? Ce n’est pas impossible mais il faut tenir compte du fait que sa statue du duc d’Orléans n’a été achevée qu’en 1845 (Correspondance, t. II, p. 335, note 1) et qu’il aurait dit à Gaberel, lors du voyage à Gênes: « Jamais je ne serai content de sa statue! […] je la fis selon mon idée ; il [le roi Louis-Philippe] en est satisfait, mais pas moi. » C’est pour cela que j’ai tendance à rapprocher ce séjour de l’un de ses autres voyages à Toulon, après 1846. Il a pu être encore « sous le choc » de la mort du duc d’Orléans (qu’il aimait beaucoup) après cette date.
Voici le petit billet inédit de Pradier dont je vous ai parlé, au sujet du Milon de Puget, que je date de peu avant le 10 février 1851 (Bibliothèque Municipale de Beaume, cote 278, n° 137):
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Mr
Roubaud
80 Ecole de Médecine
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mardi
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fait ce 10 février
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Très cher Directeur,
Ayez je vous prie l’extrême bonté de faire fournir à mon Elève une carte d’entrée pour le Musée où se trouve la statue de Milon du Puget, j’ai besoin d’une petite copie en terre de cette statue.
Votre bien tout dévoué,
J. Pradier
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Les textes en haut du billet sont des ajouts d'une autre main. A noter que François Félix Roubaud (1825-1876) a été élève de Pradier.
Si vous retrouvez la citation au sujet de Gaberel, je vous serai obligé de me le faire savoir. En fait, Gaberel s’est beaucoup intéressé à la sculpture. En plus de ses deux articles sur Pradier, il en a rédigé un autre sur le sculpteur genevois John-Etienne Chaponnière (1801-1835), élève de Pradier, dans La Bibliothèque universelle de Genève, septembre 1838 (donc trois mois après son premier article sur Pradier, paru dans cette même revue en juin 1838).
Je joins quelques documents complémentaires concernant la statue de Puget pour Marseille et la méthode de travail de Pradier. (Pour ouvrir ce fichier, cliquez ici.)
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Professeur Dr. Klaus Herding (26/6/2007)
Merci infiniment pour votre message exhaustif. C'est très généreux. En échange, j'aimerais vous envoyer plus tard tout ce que j'ai écrit sur Pradier. A part Puget, Pradier joue un rôle important dans un de mes projets portant sur la sculpture française du 19e siècle. Mais je ne reprendrai ce sujet que dans quelques années. Quant aux deux esquisses de Pradier pour la statue marseillaise de Puget, vous dites qu'elles « n'ont pas été retrouvées ». Mais si, les deux dessins sont reproduits dans Marseille au XIXème, le catalogue de l'exposition Marseille, 1991-1992, p. 224, et l'un des deux (mine de plomb, 170 x 114 mm), conservé au Musée d'art et d'histoire de Genève, inv. 1852-63, est reproduit dans le catalogue Statues de chair, p. 314. Ou bien, pensez-vous à autre chose?
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Douglas Siler (26/6/2007)
En ce qui concerne les « esquisses » de Pradier, j'utilisais ce mot dans le sens que lui donnent souvent les sculpteurs du 19e pour désigner leurs premiers modèles en plâtre car il est clair d'après les documents que c'étaient bien des modèles que Pradier avait envoyés à Marseille.
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Professeur Dr. Klaus Herding (26/6/2007)
Je doute que Pradier ait vraiment envoyé des « modelli » en terre à Marseille, l'affaire ayant trop vite tourné dans le sens de Ramus qui a travaillé de manière ultra-rapide et a certainement demandé moins d'argent que lui.
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Douglas Siler (5/7/2007)
A toutes fins utiles, je vous ai posté hier des photocopies des deux articles de Gaberel ainsi que du dossier de Marseille. A propos des statues de Puget et de Belzunce, je suis persuadé que ce sont des « modelli » et non des dessins que Pradier a remis au préfet des Bouches-du-Rhône car il utilise habituellement le mot « esquisse » ou le mot « ébauche » dans ce sens. Il s’agissait probablement de petits modèles exécutés à la hâte, juste pour donner une idée de ce qu’il voulait faire. Vous trouverez un exemple ici même dans mon étude Une esquisse pour la statue de Kléber à Strasbourg. A remarquer, du reste, que le préfet, dans sa lettre au maire de Marseille, parle d’« ébauches »:
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M. Pradier à qui j’ai communiqué cette idée a pris de suite l’engagement de composer sur ce double projet deux ébauches qui viennent de m’être adressées par lui, et que je crois devoir vous envoyer, pour que vous puissiez les mettre sous les yeux du Conseil municipal. […] Je joins à cette lettre celle qui m’a été écrite par M. Pradier…
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S’il ne s’agissait que de dessins, le préfet les aurait sûrement joints à sa lettre. Ici on a l’impression qu’il les expédie séparément.
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Professeur Dr. Klaus Herding (14/7/2007)
J'ai bien reçu votre envoi et vous en remercie infiniment. Quant aux « esquisses » que vous considérez comme des « maquettes », cela me surprend toujours, parce que ce serait exceptionnel pour tout le 19e siècle. Ne pas joindre des dessins à une lettre, c'est bien normal parce qu'ils risquaient de se plier ou d'être détériorés autrement. Il y avait tant de petits porteurs... Mais soit si c'est l'usage particulier de ce mot chez Pradier, il faut l'admettre, contre la tradition.
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Professeur Dr. Klaus Herding (17/8/2007)
J'ai éliminé dans mon livre la phrase: « Il est possible, cependant, que Pradier fit un court voyage à Gênes pendant son séjour à Toulon en automne 1843 » car après avoir relu, grâce à vous, l'article de Gaberel, je me suis aperçu qu'il passa de Rome à Carrare pour arriver à Gênes; ce qui exclut un petit voyage à partir de Toulon. Par contre, grâce à l'autre article, celui de 1838, j'ai pu ajouter le passage, p. 273, concernant le Milon de Puget.
Merci donc encore une fois, et merci pour les documents des archives de Marseille où vous avez même ajouté des compléments à la main pour en faciliter la lecture. Ces documents gardent le silence quant aux raisons pour lesquelles on a préféré Ramus à Pradier. Je pense que ce sont des raisons d'ordre financier. Pradier a-t-il refusé d'exécuter la statue de Belzunce, et, par conséquent, celle de Puget, pour 20.000 francs chacune? L'argument que Ramus était « enfant de Provence » n'était certainement pas déterminant.
Une dernière chose: Sauriez-vous me dire le prénom de Bourdon, le praticien de Pradier mentionné dans le texte de Maxime Du Camp (« Bourdon, un de ses praticiens, disait: "Il enlève le marbre par copeaux!" », etc.)?
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Douglas Siler (6/9/2007)
Je n'ai malheureusement aucun autre renseignement sur Bourdon. On pourrait peut-être l'identifier mieux en cherchant mais je n'ai pas eu l'occasion de le faire. En ce qui concerne Gênes, j'ai toujours tendance à penser que Pradier s'y est rendu pendant un de ses séjours à Toulon, après 1846, compte tenu du fait que, selon Gaberel, sa statue du duc d'Orléans était déjà terminée (ce qui n'était pas le cas en 1843). Par contre, lorsque Gaberel écrit: « en revenant de Rome, [Pradier] avait séjourné quelque temps à Carrare », cela ne veut pas forcément dire qu'il avait séjourné à Carrare juste avant leur rencontre à Gênes. En fait, sa seule visite à Carrare semble avoir eu lieu lors de son retour de Rome en 1842 (voir Correspondance, t. II, pp. 313 et 319).
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