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Frédéric Révérend (7/11/2010)
C'est en fouillant Internet que je suis arrivé sur votre site passionnant dédié à Pradier. Je me permets de prendre contact avec vous et de vous confier une question. Mon trisaïeul Jules Révérend (1830-1904) émigré aux USA a été, de fait, peintre et sculpteur (bien que non répertorié dans les ouvrages généraux). Selon le témoignage de sa veuve Katty, née Beisheim (décédée en 1919), transmis à moi par sa petite-fille Yvonne Révérend (décédée en 1985), il aurait été élève de Pradier. À ce titre il aurait sculpté deux des douze Victoires du tombeau des Invalides. Katty « savait les reconnaître. Il avait son style bien à lui. » Pour l'heure je n'ai trouvé aucun élément d'archive permettant de confirmer ou d'infirmer cette information. Et pourtant, je ne crois pas à une pure et simple affabulation. Pourriez-vous m'indiquer une direction pour chercher?
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Douglas Siler (8/12/2010)
Malheureusement je n'ai jamais rencontré le nom de Jules Révérend parmi les élèves de James Pradier. Mais Pradier en a eu beaucoup, ayant enseigné à l’École des beaux-arts pendant 25 ans. Il serait peut-être possible de le trouver aux Archives nationales dans les Registres matricules des élèves peintres et sculpteurs de l’École (cote AJ52 235 pour la période d’avril 1841 à mars 1871) ainsi que dans les Dossiers individuels des élèves (AJ52 329, « Quinton » à « Sachos », et AJ52 250 à 273). J’ai dépouillé quelques-uns de ces documents dans le temps, mais pas tous! Si mes souvenirs sont bons, ils sont consultables uniquement sur microfilm.
Vous pourriez aussi consulter les Procès-verbaux des assemblées générales des professeurs et des jugements des concours soit les originaux conservés aux Archives nationales (AJ52 9 pour les années 1837-1851 et AJ52 10 pour les années 1852-1858), soit ceux qui ont été publiés par Jean-Michel Leniaux. Vous trouverez facilement les références de cet ouvrage sur internet. Le tome 8, paru en 2008, couvre les années 1845-1849, mais d’autres tomes ont peut-être paru depuis. Si Jules Révérend a participé à des concours à l’École, il y sera certainement cité.
En ce qui concerne les Victoires des Invalides, elles ont été exécutées d'après les modèles en plâtre soumis par Pradier à l'architecte Visconti. Pendant l'exécution des statues en marbre, Visconti s’est plaint de ce qu’il laissait trop de liberté à ses assistants et qu’il ne s’occupait pas assez, personnellement, du travail de finition. Cependant, comme les modèles originaux ont été détruits après sa mort (sur l'ordre, dit-on, de Visconti), il n’y a pas moyen de savoir si les statues achevées diffèrent sensiblement des modèles originaux. Et quand même il y aurait eu des différences, rien n’empêche qu'elles aient été introduites par Pradier lui-même. Toujours est-il que si votre trisaïeul a mis "du sien" dans deux des statues, aucun document, pour autant que je sache, ne le cite parmi les élèves ou assistants qui auraient participé aux travaux. On sait seulement qu'après la mort de Pradier, le gouvernement a chargé son ancien élève Lequesne de faire quelques retouches aux statues.
Vous trouverez beaucoup de reseignements sur la commande et l’exécution des Victoires dans le nouveau livre de Claude Lapaire, James Pradier et la sculpture française de la génération romantique. Si vous lisez l'anglais, l’étude la plus complète du tombeau est sans doute celle de Michael Paul Driskel parue en 1993, As Befits a Legend. Building a Tomb for Napoleon, 1840-1861. Les références et des extraits de cet ouvrage se trouvent dans Google Books.
Avez-vous cherché Jules Révérend dans le dictionnaire de Stanislas Lami sur la sculpture française du 19e siècle, qui est généralement très complet, ou dans le dictionnaire Bénézit? Sinon, que savez-vous de sa carrière? Savez-vous en quelle année il a émigré aux USA, dans quelle ville il s’est installé et s’il a laissé des œuvres en France?
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Frédéric Révérend (18/12/2010)
Votre réponse à ma question me comble, même si elle ne comble pas ma curiosité pour ce « petit » sujet. Merci pour les orientations précises que vous me suggérez et qui, même à défaut de trouver une solution à l'énigme, me permettent de mieux connaître cette page de l'histoire de l'Art. J'avais jadis consulté aux Archives Nationales les matricules de l'École des Beaux Arts ainsi que les archives du Prix de Rome: en vain. Dès que possible, je vais suivre vos autres recommandations.
Jules Révérend naît à Paris le 21 mai 1830, fils d'un fabricant de bonneterie, fournisseur de la reine Marie-Amélie. Ce dernier se retire, fortune faite, quelques mois avant la révolution de 1848. Par sa famille maternelle (les Kirchhoff, fourreurs rue du faubourg Saint-Honoré) Jules est cousin du célèbre critique d'art Augustin Jal. Nous avons conservé un portrait de Jules Révérend, où le jeune homme aux cheveux mi-longs est dans une posture « romantique »", fait à Londres en 1857, l'année de son départ pour l'Amérique. En dehors de cette référence à Pradier et à sa participation (réelle ou prétendue) au monument des Invalides, je ne sais rien de sa formation comme peintre et sculpteur, ni de sa production en France avant cette émigration.
Cependant j'ai trouvé dans l'annuaire Didot-Bottin de 1852 la mention d'un sculpteur Révérand [sic], au 96 rue de La Roquette. On le retrouve dans les éditions suivantes, en 1853 et 1854. En 1855 s'ajoute à cette adresse, pour le même nom, celle du 90 rue du Bac. En 1856 les deux adresses sont classées dans des rubriques différentes: sculpteurs, ornementalistes, mouleurs (rue de La Roquette) et sculpteur statuaire (rue du Bac). À partir de 1857(!), ces deux adresses disparaissent. À partir de juillet 1857, Jules Révérend séjourne à New York. En octobre 1859, il retourne à Paris, avant de repartir pour New York en été 1861. Il s'établit à West-Hoboken (comté d'Hudson, état du New Jersey), puis à Highland (comté de Sullivan, état de New York) où il achète un terrain en 1861, qu'il revendra en août 1864. Il fera encore plusieurs séjours à Paris , mais dès 1867, il est de retour à New York, où il devient citoyen américain en 1872. En 1873, il s'installe dans la Kansas, avant de revenir définitivement en France.
Des œuvres qu'il aurait exécutées et vendues en Amérique, nous ne savons presque rien (à part quelques paysages peints). De retour à Paris, il achète des terrains à Bécon-Les Bruyères où il fait construire une grande villa et plusieurs pavillons, dont l'un est entièrement consacré à abriter son atelier. Dans cet atelier, il aurait fréquenté de près ses modèles (à la grande fureur de sa femme).
Pour ne pas alourdir davantage ce message, je me borne à évoquer encore deux points de sa biographie:
En 1884, du fait de sa compétence de sculpteur et de sa parfaite connaissance de l'anglais, Jules Révérend aurait travaillé à la statue de Bartholdi La Liberté éclairant le monde.
Il meurt à Paris le 15 avril 1904. Dès la fin septembre, ses fils débarrassent son atelier et brisent les sculptures qu'ils ne peuvent brader.
De lui nous ne possédons plus qu'un paysage (« Vue du Chemin Royal » à Bécon-Les Bruyères), un portrait (celui de son père) et comme unique sculpture un petit bronze que je vais photographier à votre intention.
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Frédéric Révérend (26/12/2010)
Voici via mon téléphone quelques photos du bronze attribué à Jules Révérend (et échappé au vandalisme familial). Quoique floues, elles peuvent néanmoins vous donner une petite idée de l'objet.
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Le sujet est étrange: une amazone (montée cependant à cheval de façon classique) nue à l'exception d'un voile-pagne à la taille, coiffée d'une torsade sommée d'une longue plume (analogue à celles des Indiens d'Amérique) s'apprête à extraire une flèche de son carquois, son arc (partie manquante) dirigée vers un puma (ou félin similaire) lui-même accroché au corps du cheval. Scène dramatique qui pourrait être, à mon avis, une sorte d'allégorie de l'Amérique partie à la conquête de l'ouest.
Ce style ou ce sujet vous évoque-t-il quelque chose? Pensez-vous que l'auteur de cette sculpture aurait pu être un ancien élève de l'auteur de l'Amazone du Cirque d'hiver? Sans rien préjuger bien sûr, car et je le regrette mes indices sont minces.
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