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Maria Vasconcelos (Lisbonne, 4/7/2014)
Bonjour, je voudrais savoir, s'il vous plait, si cette petite statuette est un vrai Pradier. Elle est trés antique dans ma famille et je voudrais en savoir un peu plus. Merci beaucoup!
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Douglas Siler (10/7/2014)
Votre joli Enfant lisant est probablement une reproduction d'une œuvre du 18e siècle et non une œuvre originale. En fait, il existe beaucoup de sculptures qui portent par erreur une signature « Pradier ». Une statuette identique (H. 25 cm) et une autre représentant un enfant en train d'écrire ou de dessiner (H. 24 cm), toutes deux signées « Pradier » et portant la même marque que la vôtre (imitation d'une marque de la Manufacture de Sèvres?), ont trouvé preneur pour 152 euros à la vente ebay du 10 déc. 2012:
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Une autre paire de plus grande taille (H. 46 cm) a été adjugée 23.500 euros (!) à la vente Christie’s, Paris, du 17 décember 2003, lot n° 141:
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Ce prix élevé s'explique par le fait qu'il s’agissait là, selon Christie's, de statuettes anciennes (ca.1780-1790) issues de la célèbre manufacture de porcelaine Dihl et Guérhard. Une note jointe à la description du lot donne les informations suivantes:
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Nombreuses ont été les manufactures parisiennes dès leur création à transgresser la réglementation qui donnait à Sèvres le monopole de la sculpture en porcelaine. Dihl, même avant son association avec Guérhard, fabriquait des bustes et des figures. Il était arrivé à produire des pièces d'une grande qualité d'exécution et de taille importante, et dont il était très fier. Son portrait, peint en 1797 par Le Guay et conservé au Musée National de la Céramique de Sèvres [voir par Régine de Plinval de Guillebon, Porcelaine de Paris, 1770-1850, Fribourg, 1972, p. 129], illustre parfaitement cette idée en présentant en arrière plan trois exemples de sa production en porcelaine dont un modèle similaire à notre putto.
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L'Enfant lisant figure effectivement dans le portrait de Christopher Dihl (1753-1830) par Charles-Étienne Le Guay (1762-1846):
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Vous pouvez lire ici une intéressante étude sur la manufacture Dihl et Guérhard.
A titre de comparaison avec d'autres exemplaires de ces statuettes, pourriez-vous m’indiquez les dimensions de la vôtre et m’envoyer deux ou trois autres vues la montrant de face et de dos?
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Maria Vasconcelos (10/7/2014)
Merci pour votre réponse. Je vais vous envoyer les mesures et d'autres photos la semaine prochaine.
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Douglas Siler (7/8/2014)
Je n'ai pas encore reçu les mesures et les autres photos de votre statuette. En attendant, je m’empresse de vous signaler cet autre exemplaire signé « Canova » en vente sur ebay pour 450 USD (« achat immédiat ») :
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Selon le vendeur, il s’agit d'une reproduction par la manufacture de porcelaine Samson (fondée à Paris en 1845) d’une sculpture créée vers 1795 par Charles-Gabriel Sauvage, dit Lemire (1741-1827). Ses explications à ce sujet (tirées, en partie, d'un article Wikipedia sur Edmé Samson) sont un peu longues et en anglais mais elles méritent d'être citées ici pour l'éclairage qu'elles apportent sur l'histoire de cette sculpture:
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Great mystery of the past, 9" [23 cm] parian statuette of a nude reading infant, produced in late 19th / early 20th century by Samson de Paris, signed Canova on the socle and marked with blue underglaze Samson's "S" mark.
Edmé Samson (1810-1891) opened his ceramics firm Samson, Edmé et Cie in 1845 at Rue Vendôme in Paris, with the intention of supplying reproductions of ceramics on display in museums and private collections.
Edmé Samson et Cie firm is well known for their copies of the famous Meissen, Sevres, Chelsea, and Derby porcelains, but has claimed that all reproductions the firm produced would be distinctly marked to avoid confusion with the originals.
Ironically this figurine is wrongfully attributed and authorship belongs not to the famous Italian sculptor Antonio Canova (1757-1822), but to [the] French [sculptor] Charles-Gabriel Sauvage, called Lemire (1741-1827), and was created by Lemire around 1795, as a part of a large clock case that was never completed.
[The] original in bronze was lost soon after the French Revolution and in [the] 19th century Lemire's reading infant sculpture was only known by the white bisque copies, produced by Dihl et Guérhard Manufactory.
From the year 1781 to 1802 the manufactory commissioned many models of unsigned bisque porcelain and because most parian wares mimicked carved marble sculptures, it would be easy to believe that authorship belonged to Canova the most popular sculptor in the late 18th century, and such [a] sad mistake lasted as late as 1830, when the original was finally rediscovered in [the] Louvre.
Probably [the] Samson porcelain manufactory copied this sculpture from the Dihl et Guérhard bisque, and has it signed Canova to make it look even more important.
Symbolizing learning, the infant immersed in reading figurine fell well within the spirit of the neoclassical Empire era and became very popular, so this motif was frequently copied by many aspiring porcelain makers both French and English who were well on their way to perfecting their own parian figures.
Currently the original is on diplay in [the] Musée du Louvre.
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Je ne crois pas qu'un exemplaire de la statuette en porcelaine soit exposé au Louvre. On peut y voir, par contre, des épreuves en bronze de l'Enfant lisant et de son pendant Enfant dessinant (H. 39 cm), dons en 1989 de M. James Grafstein:
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D'autres épreuves, H. 46 et 44 cm, estimées 10.000-15.000 euros, ont figuré à la vente Sotheby's, Paris, du 2 déc. 2004, lot n° 38, non illustré, avec les indications suivantes:
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Une paire de bronzes, identiques aux statuettes présentées ici, est conservée au musée du Louvre (OA 11223). Elle fait objet d'un article d'Amaury Lefevbure en 1991. Jusqu'à la découverte des bronzes du Louvre, ces modèles étaient uniquement connus en biscuit, attribués au sculpteur Charles-Gabriel Sauvage dit Lemire (1741-1827) et réalisés par la manufacture parisienne de Dihl et Guérhard. Directeur artistique et chef d'atelier de modelage à la manufacture de porcelaine de Niderviller à partir de 1781, Lemire passe lui-même au service de Dihl en 1802 et lui commande de nombreux modèles en biscuit. On trouve dans la vente après décès de Dihl en 1830 tous les modèles appartenant à la manufacture, parmi lesquels sont mentionnés des "Figures de M. Lemire (...) un enfant lisant", et parmi les pendules de Lemire "Un enfant qui dessine". Une seconde vente eut lieu en juin 1831, où figurait des "figures d'enfants lisant et dessinat d'après les modèles de Dihl", qui pourraient être les enfants du Louvre. Outre les bronzes ayant appartenus à Dihl, une paire de bronzes de taille et de qualité inférieures (H: 29 cm), réalisés vraisemblablement après 1830, appartiennent à la collection M. James Grafstein à New York. Plusieures versions de ces modèles ont été fondues, mais rares sont les bronzes réalisés du vivant de l'artiste. Symbolisant L'Étude, nos deux enfants s'inscrivent tout à fait dans l'esprit néoclassique de l'epoque Empire. La qualité des fontes se distingue par une grande précision dans les détails et dans la ciselure des cheveux, et nous permet de les dater vers 1800/1820.
Références bibliographiques:
- A. Lefebure, Musée du Louvre, Nouvelles acquisitions du département des Objets d'art 1985
-1989, Paris 1990-1991, p. 229-231, fig. 111 A et B
- R. de Plinval de Guillebon, La manufacture de porcelaine de Guérhard et Dihl dite du duc d'Angoulème, The French Porcelain Society, t. IV, 1988, p. 1-22.
- S. Lami, Dictionnaire des Sculpteurs de l'Ecole Française au dixhuitième siècle, Paris, 1911 (réed. 1970), p. 55-56.
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Plus récemment, voici une autre paire en bronze adjugée 9.500 euros par J.J. Mathias et Associés à la vente Drouot du 11 avril 2014 :
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Enfin, quelques jours plus tard, cette paire en marbre, H. 43 cm, fut adjugée 6.875 euros à la vente Sotheby's, Paris, du 29 avril 2014 :
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Il existe donc de nombreux exemplaires de ces enfants studieux et, malgré les signatures fantaisistes dont ils sont parfois revêtus, il ne semble pas faire de doute que leur paternité revient à Charles-Gabriel Sauvage, dit Lemire, et non à Pradier ou à Canova.
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Michel Gana (7/9/2015)
Pouvez-vous me dire si je possède une copie de cette œuvre? Une vraie? De quelle époque? Et si vous pouvez la vendre?
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Douglas Siler (21/9/2015)
Comme indiqué dans les interventions précédentes, votre statuette d’un Enfant dessinant est une copie (reproduction) d’une œuvre du sculpteur Charles-Gabriel Sauvage, dit Lemire ((1741-1827). Elle est souvent attributée par erreur à Pradier ou à Canova et vendue avec son pendant qui représente un Enfant lisant. Pour vous donner une idée de leur valeur, une paire a été vendue le 10 décembre 2012 sur ebay pour 152 euros (voir ci-dessus mon intervention du 10/7/2014). Vous en trouverez d'autres dans la rubrique « Ventes » du présent site, années 2003, 2014 et 2015. Votre exemplaire porte, à côté de l'inscription « d'après Canova », une marque de la manufacture de porcelaine de Villenauxe. A propos de cette marque, voir ici même Forum: Une Baigneuse assise en biscuit signée Pradier. Le chiffre « 60-01 » sous le socle doit être un numéro de fabrication ou d'inventaire.
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