-
-
Philippe Bismuth (Paris, Galerie des Modernes, 3/3/2004)
Votre travail sur les photos des différentes Pandores [dans votre étude Une
Pandore « impudique »
redécouverte] est remarquable. Vous avez usé de
beaucoup d'habileté et de patience pour obtenir un résultat
saisissant. Grâce à votre comparaison point par point des
éléments significatifs de chacun des documents, la
compréhension de la Pandore devient soudain
plus limpide.
Il semble aujourdhui évident que la première (sinon
la seule) pensée de Pradier ait été de réaliser une Pandore « impudique ». Tous les
éléments concordent:
les dessins préparatoires, le marbre de Jodoigne, notre
bronze et même le papier peint d'Édouard Muller où la
Pandore sans être « pudique » présente un
drapé raccourci au niveau du pubis.
Lors de lexposition Statues de Chair en 1986
aucune version de ce type nétant alors référencée,
tout le commentaire stylistique de la sculpture sest
basé sur la seule version de petit format éditée par
Labroue. Largumentation dalors prenait appui sur
lopposition des deux parties de la sculpture
(mi-vétue, mi-dénudée) que lon était en droit
dinterpréter comme la dualité de la Femme. La jarre
de Pandore servait dattribut à cette gracieuse jeune
femme qui au premier abord ressemble à une canéphore.
Personnellement jai toujours trouvé cette version
comme une interprétation assez mièvre dun mythe aussi
puissant que celui de Pandore. Dun point de vue
purement iconographique, cette vision dun artiste aussi
féru dart grec que Pradier me semblait un peu pauvre,
napportant pas grand chose (il faut bien dire cependant
que les sources antiques sont quasi inexistantes, ce qui
tendrait à prouver que les artistes ont toujours eu du mal
avec ce sujet).
La réapparition des versions « impudiques » de
la Pandore nous permettent en revanche une relecture
complète de la sculpture, beaucoup plus forte, plus proche
des textes (où je ne crois pas quil soit fait mention
de pudeur) et totalement originale. La première Pandore
de Pradier nest donc pas moitié ceci, moitié cela.
Elle est une et indivisible, simplement fatale. Elle est à
limage des dieux de lOlympe qui lont
créée, elle en a la nudité héroïque. La draperie qui la
couvre ne la protège pas, mais lorne comme une cape.
Sa véritable fonction est de servir de faire valoir au seul
élément important de la sculpture: son sexe, la véritable
boîte de Pandore.
Ceci mamène à penser deux choses:
1° la première est que sil existe bien deux types de Pandore
on pourrait les définir comme:
- la Pandore du Salon (« impudique ») où Pradier se montre en artiste brillant et visionnaire;
- la Pandore de Salon (« pudique ») où
Pradier sadapte à une clientèle de masse quitte à
dénaturer son modèle et sa pensée;
2° la seconde est que les deux modèles à confronter sont la
Pandore « impudique » (type Galerie des
Modernes) et la statuette « pudique » fondue par
Labroue. La grande Pandore du Musée de Genève
na, me semble-t-il, pas lieu de cité dans cette
comparaison. Elle nest selon moi quun avatar de
notre sculpture dont le modèle a été dénaturé par une
cascade de plis qui font office de cache-sexe et
lalourdissent.
Il ne métonnerait dailleurs pas quune main
étrangère à celle de Pradier ait été lauteur de
cette modification (la solution de Pradier pour la version
« impudique » étant beaucoup plus simple).
Pour ce qui est de la « redécouverte » de la statuette en
marbre de 64 cm qui porte les deux signatures [Pradier et
Lequesne], je crois quil ny a pas lieu de
remettre en cause quoi que ce soit. Elle est un modèle
hybride et isolé qui restitue exactement le type de la
statuette « pudique » sur le socle de la grande
statue. Ne croyez-vous pas que Lequesne lui-même, après la
mort de Pradier, puisse être à lorigine de tous ces
petits exemplaires de marbre aux visages de poupée et
traités dune façon un peu molle?
Comme vous, je déplore quil ny ait pas de photo
de la Pandore du Salon mais ma conviction est faite:
Pandore était forcément « impudique »,
Pradier ne laurait pas voulue autrement.
-
Douglas Siler (11/3/2004)
Je suis content de savoir que la diaporama des Pandore vous a plu. C'est peut-être la première fois qu'une comparaison de ce genre ait été faite pour la sculpture du XIXe, du moins pour Pradier. On pourrait aller plus loin encore en regardant de plus près d'autres détails. Ce qui serait surtout intéressant pour vous, ce serait de confronter votre Pandore avec celle de Jodoigne. Sur les photos que j'ai, elles paraissent tout à fait identiques, sauf l'anse manquante sur l'urne du marbre. Il faudrait cependant les comparer de très près et j'espère pouvoir retourner avant trop longtemps à Jodoigne, équipé d'un appareil photo digital.
Ce que vous m'avez écrit sur les deux types de Pandore m'a beaucoup intéressé et je partage votre enthousiasme pour l'« impudique » ! Je vais continuer à chercher une image et/ou une description écrite de l'épreuve exposée au Salon et à Londres. C'est là le véritable "chaînon manquant". La semaine dernière j'ai regardé les six gros volumes du catalogue officiel de Londres, en anglais, ainsi que le London Illustrated News (1851). Dans celui-ci les articles sur le Salon ne mentionnent que l'Atalante de Pradier tandis que le catalogue de Londres ne reproduit que sa Phryné et la Léda au cygne chryséléphantine. Par contre, j'ai reçu récemment d'un correspondant un nouvel indice qui n'est pas sans importance et que nous avons ajouté à l'article, à savoir le fait que le catalogue en français de l'expo de Londres (que nous n'avons pas pu consulter directement) décrit la Pandore comme « une petite statue » et non comme une « statuette », tout en la qualifiant de... « bronze unique » !
-
Douglas Siler (24/3/2004)
Courriel adressé aux services photographiques du site image-culte.com : Quelqu'un peut-il m'indiquer une publication ou une archive dans laquelle se trouvent des photographies des œuvres d'art exposées à l'Exposition universelle de Londres (Crystal Palace) en 1851? Je recherche en particulier une photographie ou gravure qui montre une statue en bronze représentant Pandore du sculpteur James Pradier (1790-1852) exposée dans la section de l'art français. Cette œuvre n'est pas illustrée dans le catalogue officiel de l'Exposition.
-
Participer à cette discussion :
→ Pour participer à cette discussion,
cliquez ici
-
A lire aussi :
→ Étude:
Une Pandore « impudique » retrouvée par Jacques de Caso et Douglas Siler
|